Voici 3 ans maintenant que nous sommes (attention titre pompeux) « Auteurs de jeux de rôle indépendants ». Nous avons publié trois jeux et mis sur pieds tout un tas d’autres. Pourtant, nous sommes loin d’avoir une idée exhaustive du marché du JDR français de nos jours. En revanche, nous espérons que notre retour d’expérience, à notre humble échelle, permettra aux auteurs qui veulent se lancer d’avoir une idée un peu plus claire, chiffres à l’appui, de ce qui les attend.
Indépendance
Nous sommes « auteurs indépendants ». La notion d’indépendance est toujours difficile à définir dans un hobby où même les maisons d’édition bossent « à la débrouille ». Ce nous entendons par « indépendant », c’est que nous sommes auto-édités et que nous n’avons pas de ligne éditoriale définie (nous allons où notre humeur et notre créativité nous emporte).
Nous écrivons nos jeux, les maquettons, les illustrons et les mettons à disposition (gratuitement, à prix fixe ou soumis à donation). Pour chacun des trois jeux que de notre « catalogue », nous avons testé un modèle économique différent et voici les leçons que nous en avons tirés.
Terres de Sang
Terres de Sang est notre premier jeu publié.
– Disponible depuis 2 ans et demi
– Pdf en prix libre (prix conseillé 7€)
– Livre papier à 12€ sur Lulu (impression à la demande)
Au total 44 exemplaires se sont vendus sur 2 ans dont 18% en pdf et 82% en version papier. La majorité des ventes se sont faites sur la première année, en convention (77% des ventes). Aucun effort de publicité n’a été fait pour ce jeu. A noter que les téléchargements gratuits ne sont pas comptabilisés ci-dessus.
Damnés
Damnés est notre plus « gros » jeu actuellement.
– Disponible depuis 1 ans et 3 mois
– Pdf à 10€ sur Lulu
– Livre papier à 20€ sur Lulu
Au total 81 exemplaires du jeu sont dans la nature dont 38% en pdf et 62% en version papier. Les ventes sont équilibrées entre 2018 et 2019 mais il faut garder en tête que les ventes sur 2018 se sont faites sur 3 mois. Environ la moitié des ventes papier ont été réalisées en convention. Pour ce jeu, nous avons fait un effort important de communication. Forcément, l’investissement, en temps et argent (envoyer le jeu à la presse, être actif sur les réseaux, mettre en place du matériel promotionnel, etc.), a été très conséquent. Nous avons amélioré notre visibilité pendant un temps mais à un prix que nous ne serions peut être pas prêt à payer à nouveau.
Les Larmes du Soleil
Les Larmes du Soleil est notre dernier (mini) jeu. Plus modeste en terme de taille, ce jeu a nécessité beaucoup plus d’effort du fait de son format (jeu de carte à jouer).
– Disponible depuis 6 mois
– Livret de règles et cartes à jouer au format pdf gratuits
– Cartes à jouer physique envoyé par la poste (ou vente directe en convention) à 13€
Au total, 7 exemplaires de cartes physiques ont été vendus. A noter que les téléchargements gratuits ne sont pas comptabilisés ci-dessus.
Ce jeu a nécessité une organisation particulière:
Tout d’abord nous avions fait un sondage sur les réseaux pour savoir si le format physique des cartes intéressait des gens. Puis, nous avons fait imprimé une vingtaine de set suite à ce sondage. Nous prenons les commandes sur le site de manière « artisanal » et le prix à la vente correspond au prix coûtant (nous ne gagnons rien sur les ventes de ce jeu).
Investissement et convention
Cette année, nous n’avons pu participer qu’à trois conventions. C’est à la fois très peu et beaucoup au vu du coût de tels déplacements. Pour un ordre de grandeur, nous avons dépensé environ 350€ en déplacement et opérations publicitaires cette année. A cela s’ajoute la gestion des stocks (pour les conventions et pour les Larmes du Soleil), soit environ 300€ d’avance de trésorerie. Enfin, à cela s’ajoutent les frais de fonctionnement: hébergement de site internet, charges sociales de la micro entreprise, impôts, ect. Comptez 300€ de plus.
Il faut prendre en compte que c’est la 3ème année que nous faisons cela, donc que les frais d’investissement initiaux sont dernières nous.
Leçon n°1: Même si tu es auto-édité, prévois un fond de départ
L’argent c’est le nerf de la guerre. L’option de l’auto-édition nous paraissait idéale pour ne pas avoir à gérer des stocks et à avancer trop d’argent. Mine de rien, ce n’est pas si vrai que ça ! Si vous vous lancez, prévoyez une petite mise de départ.
(Il convient de nuancer cette affirmation par l’existence du financement participatif que nous n’avons pas encore testé. Si vous avez des chiffres exacts et réels, nous sommes preneurs !)
Leçon n°2: La pub c’est important
Envoyer des kit de presse, communiquer sur les réseaux, faire parler de soi… C’est un vrai travail en soi ! C’est long, c’est fastidieux et on ne voit pas tout de suite les retombés. C’est un art sur lequel nous avons dû nous former et ce n’est vraiment pas naturel. Mais c’est crucial au vue des ventes de Damnés.
Bien sûr, l’adéquation entre le jeu et le public visé, son niveau d’implication et disponibilité au moment de la sortie, etc. ont un impact sur la réussite commerciale d’un jeu. A ce stade, nous n’avons pas encore de retour d’expérience mais nous comptons bien approfondir cet angle d’analyse.
Leçon n°3: Quid des conventions ?
L’an dernier, nous avions parlé de l’importance des conventions. Nous souhaiterions nuancer nos propos cette année. Faire des conventions, c’est excellent pour se faire connaître, pour prendre la température, pour parler avec les gens, pour jouer avec des inconnus… Mais ça a un coût que les ventes ne couvrent pas à notre humble échelle.
Heureusement pour nous, des copains des Courants Alternatifs montent des stands dans beaucoup de conventions en France et nous permet d’avoir un rayonnement que nous ne pourrions pas avoir. Nous n’avons pas grand chose de plus à dire que MERCI (et nous envoyons plein d’amour à eux !).
Aujourd’hui, nous n’avons pas encore fait notre opinion sur les conventions. Peut être que 2020 nous fera changer d’avis (encore une fois).
Leçon n°4: Si c’est gratuit, les gens ne paient pas
Oui, c’est trivial mais entre l’option payante ou l’option gratuite, la majorité des gens vont prendre l’option gratuite. Pour nous, ce n’est pas un point important: nous tentons de favoriser l’accès aux jeux alternatifs pour le plus grand nombre. Ceci dit, c’est un point intéressant à soulever.
Leçon n°5: Attention aux sondages
Peut être est-ce encore une affirmation triviale mais nous avons vu que sur les Larmes du Soleil, seuls 7 exemplaires ont été vendus sur une vingtaine de personnes se disant « partantes ». Nous ne lançons la pierre à personne, mais nous soulignons l’importance de travailler sur le taux de conversion des intention d’achat. S’appuyer uniquement sur des promesses d’achat n’est pas raisonnable.
Conclusion
Toute personne un peu calé en marketing nous dira certainement que nous brassons du vide et que les leçons que nous avons tirées de cette année auraient pu être identifiée bien en amont. Cependant, j’espère que ce petit bilan de notre label Angeldust JDR vous éclairera non seulement sur nos activités et leur ampleur, mais également vous donnera des billes pour comparer aux autres acteurs du marché et surtout pour vous lancer dans votre propre aventure.
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