Et voici une interview par la Boite à Chimère, une association parisienne de JDR. Je parle de notre manière de jouer, de nos projets et tout et tout !
Merci à eux 🙂
Et voici une interview par la Boite à Chimère, une association parisienne de JDR. Je parle de notre manière de jouer, de nos projets et tout et tout !
Merci à eux 🙂
Round 3 !
Précédemment dans cette série, je vous ai parlé de l’importance des règles, de crashtests et de théories rolistes (LNS, atomistique). Et surtout, j’avais fait la promesse de vous parler de playtests et de système complet.
Et bien… J’ai menti ! Ou plus précisément, je ne vais pas en parler pour le moment car j’ai deux trois trucs à dire pour compléter l’article précédent.
Aujourd’hui, je vous présente une autre manière d’analyser les parties de JDR et je vais donner quelques exemples de mécaniques en fonction des distinction LNS ou atomistique (le SAV de l’article précédent).
Petit disclaimer avant de commencer: lorsque je parle de cadre Narrativiste, Ludiste, etc., je parle en fait de cadre privilégié. Gardons en tête que les grilles d’analyse LNS, atomistique ou linguistique n’ont pas pour vocation de mettre des jeux entiers dans des petites cases. Voyons tout cela comme un spectre dans lequel un jeu, des mécaniques de jeu, des systèmes, peuvent s’inscrire en prenant plus ou moins part à certaines tendances.
Voilà c’est dit… Aller, c’est parti pour ce présent article !
Je vais commencer par vous parler d’une de mes découvertes récentes.
Oulalala, c’est quoi ces mots barbares ? Encore un truc de jargoneux qui veulent branler des mouches ?
Presque…
En fait, c’est une autre manière de voir le JDR, une autre grille d’analyse. Je l’ai découvert en écoutant ce podcast de la Cellule. Le sujet est passionnant mais le podcast est très peu digeste de par la complexité du sujet et les digressions des animateurs. Bref, c’est touffu et surtout c’est difficile à la première écoute d’appliquer cela à notre processus de création.
Pas de panique, je vais essayer de vous dire ce que j’ai capté du bousin et surtout ce qu’on peut en tirer en terme d’ingénierie du JDR.
En fait, tout part de quelques constats:
Par exemple, dans une partie de JDR, si je dis
« Le chevalier s’avance et tire son épée »
on peut se poser pleins de questions:
Et c’est là qu’on voit que le jeu (avec ses mécaniques, son système, son univers) auquel on joue va grandement influencer la manière dont on va parler à la table.
C’est là qu’entre en scène le Gameplay Linguiste : la manière qu’on a de jouer en ayant une conversation autour d’une table.
Aller, un exemple de gameplay linguiste:
Dans un jeu où le MJ a le contrôle de l’univers et les joueurs le contrôle de leur personnage:
Dans cette dynamique de jeu, un gameplay possible est de tenter de convaincre le MJ que l’énoncé qu’on formule est valide dans la grille d’interprétation du MJ:
« Hey mais si c’est logique que mon PJ connaisse des gens dans cette ville: il y est né et a fait parti de la mafia dans sa jeunesse ! »
« Mmmm OK, tu connais un type qui s’appelle Sergio le Borgne ! »
Ce gameplay linguistique est particulièrement intéressant pour mettre les joueurs dans une position de confrontation, par exemple pour des jeux d’horreur ou d’aventure.
Allez, un autre exemple, dans le monde des jeux indépendants. Dans (le magnifique) Prosopopée, on joue des sortes de sages qui doivent ramener l’équilibre dans le monde. C’est un jeu pacifique et zen avec un ambiance à la Mushishi: un pur régal ! Dans ce jeu, une partie des joueurs incarne chacun un personnage tandis que les autres n’en incarnent pas. Pourtant chacun peut avoir le dernier mot sur les décors et les figurants: il n’y a pas de confrontation joueur/MJ dans Prosopopée. Par ailleurs, une mécanique du jeu stipule qu’à tout moment un joueur peut donner un jeton à un autre joueur s’il a aimé ce qui a été dit.
Dans le cas de Prosopopée, la mécanique d’offrande de jetons induit un gameplay linguistique très précis:
Prosopopée = Altruisme +Poésie… Tient c’est l’un des propos du jeu ! Ca c’est une sacrée coïncidence (ou pas) !
Bon, vous avez saisi le truc ! Du coup, quand on a dit ça, on se rend compte qu’on peut créer des systèmes de jeu qui favorisent un certain type de gameplay linguistique. Et c’est toujours cool d’être aware !
Bon bon bon. Maintenant passons à la pratique !
Maintenant qu’on a parlé de théorie, de LNS, d’atomistique et de gameplay linguistique, on peut tenter d’appliquer ce qu’on a appris pour nos jeux. Je vais reprendre ces 3 méthodes d’analyser les jeux et je vais donner des exemples de mécaniques possibles pour émuler ces tendances.
On pourra alors faire des crashtests pour voir si ces mécaniques ont l’effet voulu.
Attention, petit disclaimer: associer une seule mécanique à un effet désiré n’est peut être pas suffisant ! C’est là qu’entre en scène la notion de « système » ou « d’écologie » dans le jeu. Je vais en parler en détails dans l’article suivant. Gardez en tête que cette méthode peut fonctionner dans l’absolu mais qu’il faudra souvent associer plusieurs mécaniques pour avoir l’effet désiré !
Aller, c’est parti:
Je veux que les joueurs s’entraident pour surmonter des défis.
On veut donc que le gameplay linguistique se centre autour de l’écoute et de prises de décisions éventuellement par consensus. Si on veut des défis de type Ludiste (LNS) / Tactiques (atomistique), on peut mettre en place:
PS: à contrario, si on veut une compétition entre les joueurs, tout en gardant le côté « surmonter les défis », on peut mettre en place des systèmes de niveaux, d’XP donné à celui qui donne le coup décisif au monstre, etc.
Je veux que les joueurs s’entraident pour raconter une belle histoire.
Même gameplay linguistique que précédemment: écoute et entraide ! Dans ce cas, on va vouloir se placer plutôt dans un cadre Esthétique (atomistique):
Je veux que les joueurs se confrontent à un monde difficile et qu’ils ne peuvent pas contrôler.
C’est le modèle du jeu « trdi » avec un MJ Dieu…. Dans ce cas,
Je veux que les joueurs face des choix moraux difficiles.
Tient, Terres de Sang ? (oui je fais de l’auto promo…)
On se place dans un cadre N / jeu moral. Là, on peut chercher un gameplay linguistique découpé en deux phases:
Une fois qu’on a les outils théoriques, les grilles d’analyse d’un partie de JDR, on peut facilement faire du game design autour et proposer des mécaniques, des règles (de résolution ou d’univers) qui tendent vers un effet escompté.
Que ce soit la théorie LNS, l’atomiste ou le gameplay linguistique, l’important et de se jeter à l’eau et d’échouer vite ou réussir vite, comme je l’ai dit dans l’article précédent :
Aller, on se quitte sur cette bonne parole et on se retrouve la prochaine fois pour parler du système et de l’intrication des mécaniques de jeu.
CR d’une partie jouée lors de mon passage à Paris, à la Boite à Chimère.
Nombre de joueurs: 4 joueurs qui découvrent le jeu + moi en tant que Guide
Durée de la partie: 45minutes d’explications et de création de personnage + 1h30 de jeu
Objectif du CR: présenter rapidement la fiction et donner quelques suggestions pour jouer avec des débutants.
Le setting est créé par les joueurs en début de partie. Les mots clés retenus sont:
– Technologie
– Nuage
– Mysticisme
– Ruines
Les joueurs sont partis sur un univers futuriste où les explorateurs débarquent sur une nébuleuse.
L’ambiance dès le départ se voulait fun, ubuesque et décalée.
L’équipe est composée de quatre voyageurs: le Pilote, le Grand Père religieux, la Scientifique et la Cuisto.
L’expédition fait naufrage après avoir traversé un nuage étrange et débarquent sur/dans une nébuleuse.
La Cuisto enlève tout de suite sa combinaison et hume l’air: ça sent la bergamote ! Elle qui a toujours voulu découvrir de nouvelles saveurs pour générer de nouvelles émotions, elle ne peut s’empêcher de vouloir partir à l’affût de cette senteur: il faut dire que la bergamote nébuleuse n’est pas commun ! Aidée de sa fidèle araignée renifleuse (Fluffinou), la Cuisto découvre un cristal de sucre géant dans lequel dansent d’étranges silhouettes. Après avoir creusé avec ses compagnons dans le cristal (et non sans avoir goûté le sucre), les silhouettes dansantes peuvent être accessibles si on prend la peine de plonger dans le cristal dont l’intérieur est bien sûr non euclidien. Les senteurs nouvelles viennent de là dedans, c’est sûr. Fluffinou, l’araignée renifleuse, s’engouffre dans le cristal tandis que celui-ci se referme. La Cuisto a un choix à faire: laisser Fluffinou découvrir et rapporter la nouvelle senteur mais perdre son animal, ou abandonner et ne jamais avoir accès à cette nouvelle gamme d’émotions que ces senteurs pourraient procurer. Elle se souvient de ses échecs, de ses années d’études, de ses moments difficiles où Fluffinou était toujours là pour elle. Au diable l’ambition, elle n’abandonnerait pour rien au monde son compagnon à huit pattes.
Tandis que la Cuisto récupère Fluffinou et abandonne les senteurs, la Scientifique, quant à elle, se lance à corps perdu dans le cristal. Elle sait qu’il y a là un mystère qu’elle doit découvrir, même au prix de sa propre lui. Elle a toujours été terre à terre, cartésienne, elle ne pouvait se résigner à ne pas savoir ce qu’il y avait dans le cristal. Tout cela remettait en question sa manière de penser, ses années d’études acharnées, tous ses sacrifices antérieurs. C’est donc sous les yeux horrifiés de ses compagnons qu’elle disparaît dans le cristal, devenant elle même une silhouette dansante, tandis que le sucre se reforme pour reboucher le trou.
Après un moment de recueillement, l’équipage repart et découvre un temple inversé. L’intérieur est non euclidien, les couloirs se mélangent dans un torrent de lumières et de sons étranges. Les explorateurs sont emmenés dans une sorte de montagne russe menant au coeur du temple. Là un tribunal est installé et Grand Père est amené à comparaître. Le juge est une voix caverneuse: celle de la Scientifique qui a atteint l’illumination suprême. Elle accuse le Grand Père d’être un faux prophète. Au départ, celui-ci ne comprend pas (pourquoi serait-il un faux prophète s’il n’avait pas conscience de ces être supérieurs ?), mais il réalise très vite qu’il ne s’agit pas de religion mais de lui en tant que personne. En effet, le Grand Père avait une mère très dogmatique et très sévère qui se cachait derrière ses principes pour ne pas avoir à faire face à la réalité de la vie. Dans sa jeunesse, Grand Père était un rebelle, un punk, mais au fur et à mesure des années, il s’est assagi et est revenu aux fondamentaux de son enfance: dogme et religion. La juge lui propose d’abandonner ses dogmes et de le rejoindre dans l’inconnu. Effrayé par cette proposition, le Grand Père refuse. C’est alors qu’un rayon lumineux fait disparaître le Grand Père. Qui sait ce qu’il est devenu ?
C’est au tour du Pilote d’être amené devant la barre. Mais au lieu d’un procès, c’est une porte remplie de lumière aveuglante qui s’ouvre devant lui. La Scientifique s’avance complètement nue et lui tend les bras. Elle lui propose de la rejoindre dans l’illumination, d’être son second. A ces mots, le Pilote ne peut s’empêcher de frissonner. Depuis qu’il est ado, il s’est juré de ne plus jamais être le deuxième. Lui est était l’aîné de la fratrie, il a vu sa soeur atteindre des sommets (l’université, un bon job, une vie stable, etc.) alors lui faisait le punk dans les rues le soir, fumant des joints et roulant à toute allure en moto. Depuis, il s’est mis un gros coup de pied au cul pour entrer dans l’académie des pilotes et s’est toujours promis de ne plus jamais être deuxième dans quelque chose. Pourtant, la Scientifique lui fait tellement penser à sa soeur. Il ne peut se résigner à lui prendre la place de première et accepte donc l’illumination en tant que second. C’est pas mal aussi, second…
– La partie s’est très bien déroulée.
– Un Guide et 4 joueurs c’est beaucoup. Le format idéal pour l’initiation est en général 1 Guide pour 2/3 joueurs.
– La présence d’un Guide est essentiel dans une partie d’initiation.
– Les joueurs qui découvrent le jeu ont souvent besoin de plus d’éléments que 2 Augures et 1 Ancrage pour jouer leur personnage. Une bonne initiative serait de faire un tour d’introspection en amont de la phase de Naufrage, simplement comme « tour de chauffe« : on peut poser des questions sur le passé du personnage sans forcément entrer dans le questionnement de l’Ancrage.
C’est parti pour le round 2 !
La dernière fois, je vous ai dit que tous les choix que nous faisons en tant que créateurs de jeu étaient important. Je vous ai dit qu’il fallait se poser tout un tas de questions sur la pertinence de nos choix et qu’il fallait tout remettre en question lors du processus créatif. Ma méthode consistait en:
Comme dans tout mauvais tuto, il y a un gap ENORME entre le deuxième et le troisième point. C’est ce sur quoi on va s’attarder aujourd’hui, avec un peu de théorie en back-up.
J’ai un problème très personnel: j’aime finaliser quelque chose avant de le tester (j’écris des tonnes de trucs, je fais les illustrations, les mises en page, le fiches, etc.). Et ce comportement est contre productif à mort ! (mais vraiment à mort !)
Depuis peu, je me force à faire vite pour échouer vite. En effet, les premières idées sont rarement les bonnes (ou en tout cas sont rarement dans leur forme finale) et il faudra itérer un certain nombre de fois !
C’est là que je ressors les concepts de crashtest et de darwinisme ludique.
Contrairement à un playtest où je fais jouer des parties entières, je m’organise des crashtests tout au long des itérations du projet. Ces crashtests ont pour but de valider une idée précise, une brique élémentaire de mon jeu. En gros, dès qu’on a une idée, on se cale 30 minutes pour tester cette idée de manière individuelle.
Par exemple, dans Héros d’Argile, on voulait avoir un élément physique (dans la vraie vie) qui se découpait ou qui se déchirait durant le jeu. On a fait des tests avec divers éléments de la fiche de personnage, du plateau de jeu, des cartes Sidekicks, etc. A chaque fois, on s’est mis dans une situation fictionnelle donnée:
On a testé quelques concepts comme cela. A la fin, on a retenu le fait de déchirer une partie de la fiche de personnage lorsque les causes du héros étaient remises en question.
En fait, on procède à un sélection semblable à l’évolution, d’où le terme de darwinisme ludique. Pour une brique élémentaire du jeu, on itère jusqu’à ce qu’on soit satisfait.
Attention cependant, l’optimum global n ‘est pas la somme des optimums locaux ! Autrement dit, ce n’est pas parce que toutes les briques élémentaires sont virtuellement « parfaites » que l’assemblage des briques élémentaires tiendra la route.
Je reviendrai sur les sujets des playtests et de l’harmonie globale des mécaniques dans le prochain épisode. Ici, on s’intéresse à l’échelle locale: les briques élémentaires.
Donc là, on a un cahier des charges et on commence à brainstormer. On commence à crash-tester nos idées de mécanique et on juge « au doigt mouillé » si ça nous plaît.
Sauf que bon, au mieux on va trouver les bonnes briques élémentaires au pif au bout de quelques itérations, au pire on va faire énormément (beaucoup trop !) de crashtests avant de tomber sur ce qui nous convient. Bof comme méthode !
Souvent, je lis qu’il faut « beaucoup jouer », « beaucoup lire », « lire de tout », « copier pour s’approprier », etc. Tout cela est vrai. Bien sûr, il faut lire et jouer à pleins de jeux pour tenter de comprendre comment les mécaniques s’imbriquent. Sauf que là, on est dans un article de méthodo et que dire qu’il suffit de lire beaucoup n’est peut être pas satisfaisant. En fait, en disant cela, on ne nous dit pas:
On va donc cherche du côté des théories et répondre à ces questions:
Bon, OK. On s’y met.
Comprendre son jeu et ce qu’il requière est un bon début.
Commençons par là. Pour ce faire, faisons le tour de ce que peut être un JDR.
Dans cet article de Ron Edwards, le gus nous dit qu’on peut trouver dans les jeux plusieurs « intentions »: Ludiste, Narrativiste, Simulationniste (modèle LNS, ou GNS en anglais).
Dans cet article de John H. Kim, on retrouve une définition que j’aime bien de chaque terme:
Ludiste : ce style valorise la création de défi digne de ce nom aux joueurs (et non aux PJ). Ce défi peut être du combat tactique, des énigmes à résoudre par l’intelligence, de la politique, ou n’importe quoi d’autre. Les joueurs vont tenter de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés, et en retour le MJ fera en sorte qu’il soit possible de surmonter l’obstacle si les joueurs agissent intelligemment dans les limites du contrat.
Narrativiste : ce style valorise la création d’une histoire satisfaisante à travers les actions à l’intérieur de la partie. Plusieurs sortes d’histoires peuvent être perçues comme satisfaisantes, selon les goûts de chacun, ce qui va de l’extravagante action pulp au drame psychologique réaliste. C’est le résultat final de l’histoire qui compte.
Simulationniste : ce style veut que les événements en cours de partie soient résolus seulement à partir d’éléments internes à l’univers de jeu, sans qu’aucune considération de méta-jeu ne vienne affecter la décision. Ainsi, un MJ complètement simulationniste ne trafiquera pas les résultats pour sauver les PJ ou pour sauver son intrigue, ou ne modifiera même pas des faits inconnus des joueurs. Un tel MJ peut utiliser des considérations de méta-jeu pour répondre à des questions de méta-jeu, comme qui jouera quel personnage, doit-on interpréter une conversation mot pour mot, etc. mais pour résoudre les événements du jeu proprement dits, il se basera sur ce qui se passerait “réellement”.
Moi j’aime bien résumer ces concepts comme ça:
Bon c’est mon résumé à moi et c’est très très vulgarisant (oui je suis un mec vulgaire).
Petite précision: un jeu présente souvent chaque aspect du LNS en quantité plus ou moins grande. Par exemple, Pathfinder est plutôt L et S. Terres de Sang, c’est N à fond. Et puis parfois, on ne peut pas décrire un jeu à 100% avec ce modèle.
Donc là on a un début de réflexion. Ce modèle n’est pas parfait et il est voué à être dépassé dans le monde des théoriciens, mais il a le mérite de commencer la réflexion.
Si on reprend notre processus créatif, on était en train de faire des crashtests. Maintenant, je sais que pour répondre à mon cahier des charges, je peux m’appuyer sur le modèle LNS:
Un autre moyen de brainstormer, c’est de prendre les jeux qu’on connaît et de le déconstruire: tient Pathfinder c’est plutôt L et S parce que bla bla bla… Puis en reprenant des éléments à son propre compte, on peut trouver ou améliorer une mécanique.
Par exemple dans Terres de Sang, la phase de Conflit est clairement affilié à Inflorenza Minima de Thomas Munier.
Autre exemple: tient dans Pathfinder, on lance 1d20 et rajoute un tas de bonus. Du coup, ces bonus font qu’on se sent compétent. Et plus on a optimisé son personnage plus on se sent compétent: c’est du Ludisme à fond ! Bon et bien si dans mon jeu, je mets une mécanique de « bonus » (qu’on peut optimiser) à ajouter à des lancés de dés, il y a des chances pour que le résultat soit « L » aussi. Est-ce que c’est pertinent pour mon jeu du coup ? Etc.
Vous commencez à voir le cheminement…
PS: pour aller plus loin. La LNS s’inscrit dans un cadre théorique plus large (qui est aujourd’hui est voué à être dépassé selon leurs auteurs). Si vous voulez en savoir plus:
Quatre articles de Ben Lehman sur cette théorie (le premier article se trouve ici. Vous serez dirigé vers les autres).
Un article de Frédéric Sintes qui propose sa réflexion autour de ce modèle
Voici un autre exemple de découpage conceptuel des JDR qui peut nous aider dans notre création. (PS: c’est un découpage qui diffère de la LNS mais qui n’est pas antagoniste)
Thomas Munier propose dans 5 loooooongs podcasts sa classification des JDR:
Personnellement, j’aime beaucoup ce découpage. Les jeux que nous produisons sont en général des jeux « moraux et esthétiques ».
Même chose ici pour le processus créatif:
Bon, on va s’arrêter là pour les découpages théoriques des propositions créatrices des JDR. Vous avez l’idée, je crois.
Avant de terminer l’article, j’aimerai dire un mot sur les joueurs, vous savez, ces gens qui JOUENT à notre jeu…
Jusque là, nous nous sommes placés du point de vue de l’auteur: cet être au dessus de tout qui béni la plèbe de ses saintes écritures (son jeu). Cette image est ridicule n’est ce pas ?
En fait, l’auteur et l’interprétation de ses écrits ne sont qu’une infime portion du processus qui consiste à créer une fiction en JDR. Une partie de JDR, c’est une discussion entre des gens, qui ne connaissent pas l’auteur en général, ni ce qu’il avait en tête lors de la création du jeu.
Dire que les joueurs ne « jouent pas au jeu » lorsqu’ils ne respectent pas scrupuleusement toutes les règles du jeu dans les détails, c’est selon moi ce en quoi consiste le « Diktat de l’auteur« . C’est un poil prétentieux en plus !
C’est pourquoi j’aimerai faire une parenthèse ici sur l’apport des joueurs.
Certains, comme Thomas Munier dans cet article, pensent que ce sont les joueurs qui font le jeu: « players do matter » au lieu de « system does matter ». Il a également écrit un article qui s’intitule « Toute partie de jeu de rôle est une trahison » et qui raconte comment il est impossible de retranscrire sur table à 100% les règles d’un jeu.
En gros, j’aime à dire que:
Bref, l’émergence (et parfois la débrouille) est centrale dans une partie de JDR.
C’est quelque chose que j’ai eu personnellement beaucoup de mal à jauger au départ. Moi qui aime les jeux de plateau, j’avais tendance à cadrer l’expérience de jeu au maximum afin de transmettre une expérience TRÈS (trop) précise.
Aujourd’hui, je suis un peu plus souple sur ce sujet (l’âge me direz vous ?). Je pense que les règles doivent cadrer une expérience de jeu mais que l’émergence doit avoir une place centrale. Dans mon processus créatif, je considère les règles du jeu comme des outils, plutôt que comme des règles. Cet article compare les règles du jeu à un GPS.
Mais comment traduire cela dans le game design ? En fait, je vois les choses comme cela:
Si les briques élémentaires n’offrent que peu d’espace de liberté, c’est l’intersection de ces briques (le système au complet) qui va pouvoir faire apparaître l’émergence. J’en parlerai plus longuement la fois prochaine.
Bref, ce chapitre était plutôt un passage militant: chers créateurs, s’il vous plaît, laisser de la place à l’émergence dans vos jeux. Faites confiance à vos joueurs.
En fait, écrire un JDR, c’est comme élever des gamins.
Il faut cadrer, énoncer des règles, mais laisser les joueurs faire à leur sauce aussi. Oui c’est putain de paternaliste, mais j’assume (sauf qu’il faut enlever les notions de « bien » et de « mal » qu’on enseigne aux gamins et qui sortent du contexte de l’écriture d’un JDR – of course).
Allez, on va se quitter sur ces belles paroles. La fois prochaine, je vous parlerai de pédagogie Montessori… euh non… Je vous parlerai de l’ensemble des règles qui composent un système, de l’émergence et de comment gérer les playtests.
A bientôt !
Salut les gens ! Pour bien commencer 2018, voici une série d’articles qui oscillent entre théorie et méthodologie. Pour info, je reprends et revisite mon article qui parlait de méthodologie (et qui nécessite un bon décrassage). Pas besoin de lire ce dernier, on va reprendre du début !
C’est parti.
Ne vous êtes jamais posé les questions suivantes :
Mais diantre, comment créer mon jdr ?
J’ai des idées, un univers, mais comment j’en fais une base de jeu ?
Et bien, nous allons répondre à ces deux questions !
Cette série d’articles part de plusieurs constats:
Bref, j’ai envie de donner mes deux centimes sur la question. J’aimerai dans cette série d’articles:
J’ai conscience que ce genre d’article risque de ne pas intéresser tout le monde. En tout cas, je construis cette série de telle sorte à ce qu’un « débutant » puisse s’engager dans le processus de créer un jeu publiable dans un temps raisonnable. Ainsi, si vous êtes un vétéran du modèle GNS et si vous êtes familier du jargon théorique végano-narrativiste, j’ai bien peur que vous ne trouviez pas votre compte dans ces articles qui seront vulgarisant.
De même, si pour vous, un jdr c’est un univers et un système de règles génériques (l’éternel d20 VS d6), passez votre chemin car nous allons nous prendre un peu la tête sur ce qui peut être considéré comme du « branlage de mouche ».
Bref, je m’adresse à toi (et tu es peut-être pas nombreux) qui veut faire un jdr publiable et qui n’a pas encore mis les pieds dans l’univers fascinant des théories rolistes.
Aller ! On a du pain sur la planche !
Avant de commencer à blablater sur ma recette miracle, j’ai envie de passer un peu de temps, en guise d ‘introduction, à pointer du doigt quelque chose de primordial pour se lancer dans la théorie roliste:
Aucun choix n’est anodin dans l’écriture d’un jdr.
Tout est important. De la fiche de personnage aux « règles » du jeu, de l’univers à la manière de transmettre le jeu. Tout est important dans le sens où l’ensemble des choix qui constituent un livre de jdr conduisent à une certaine manière de jouer à ce jeu.
Juste pour prendre un exemple: considérons la fiche de personnage de Pathfinder:
Outre le fait que c’est compliqué, que décrit-elle ?
On a à faire à une fiche qui renseigne déjà pas mal sur la philosophie du jeu, sans même lire le livre de règles. En observant la fiche, on peut déjà dire que:
Et puis, le jeu fait la différence entre l’inné et l’acquis.
Bon, en disant tout cela, on n’a pas dit grand chose sur Pathfinder (qui est tout de même sacrément complexe). Toujours est-il que tous les choix sont importants lorsqu’on crée. Tous les choix, même les plus évidents comme:
OK. C’est dit ! Pour le moment gardez simplement en tête qu’aucun choix n’est anodin…
C’est bien beau tout ça. Réaliser que tout est important. And so what ?
Et bien pas grand chose. Et beaucoup à la fois. C’est un état d’esprit qu’il faut, à mon sens, avoir lorsqu’on crée un jdr. Avant de se lancer dans l’écriture de centaines de page de background ou dans la confection d’un système compliqué avec multiples lancés de dés explosifs, je me pose toujours cette question:
Est-ce que ce que je fais est utile pour ce que je veux ?
(PS: petit article sur la nécessité de se demander « pourquoi cette règle existe ? »)
Du coup, pour créer le jdr de nos rêves, et bien il faut définir nos rêves. C’est la première étape de ma recette secrète à créer des jdr à succès (hum hum). Ainsi, avant toute chose, avant l’univers ou les éléments de règles, je commence par me poser la question suivante:
Quelle genre de scène j’ai envie d’avoir dans mon jeu ?
Par exemple dans Terres de Sang, je voulais:
Je rajoute souvent des références à des livres, des films ou des scènes dans des parties de jdr auxquelles j’ai participé. Dans le cas de Terres de Sang, on peut penser à The Fountain, Vendredi ou la vie sauvage, certaines partie d’Inflorenza Minima, etc.
Pour Damnés, que nous sommes en train d’écrire, j’ai en tête des scènes d’anciennes parties de jdr qui m’ont marquées. En particulier, lors d’une campagne de Vampire, il y avait cette scène où Wata (une PJ) qui avait l’emprise mentale sur un humain l’a délibérément laisser partir parce qu’elle se rendait compte qu’elle lui faisait du mal. Un moment émouvant, sincère et profond que j’ai envie de reproduire dans notre prochain jeu (qui se focaliserait vraiment sur l’exploration de la noirceur intime des Damnés). Le passage se trouve ici (c’est écoutable même sans contexte et le passage où Wata libère Daniel donne des frissons):
En bref, c’est le moment de brainstormer sur les trucs cools que vous voulez avoir dans votre jeu.
A cette étape, je me laisse en général très peu de temps afin que mon projet ne soit pas un amas de choses que j’ai envie de faire sans que ne puisse en voir le bout. Idéalement, je devrais pouvoir résumé mon jeu en 2 phrases:
OK. Ca c’est fait !
Et maintenant ?
Bon là ça se complique. On sait ce qu’on veut mais on ne sait pas encore comment le mettre en œuvre. Il y a une tripotée de choses à mettre en place, mais globalement, je les découperai en deux catégories:
Bon et bien on va s’attaquer à ces aspects !
Avant toute chose, un peu de saine lecture: cet article de Frédéric Sintes qui définit le système. Il y a là déjà pleins de questions qu’on peut se poser: qui dit quoi, quand, comment, qui tranche les conflit, comment, etc. ? (PS: voici un autre article du même gus, pour la détente, sur les niveaux d’un système.)
Dans la suite, je vais utiliser le vocable de Frédéric Sintes.
Donc le système, ce n’est pas seulement les règles de résolution d’une action, mais bien l’ensemble de règles qui régissent une partie.
A priori, on pourrait dire que:
Oui, mais non. Car comme des engrenages, les mécaniques doivent bien s’imbriquer pour faire ressentir aux joueurs la sensation voulue.
Sauf qu’à priori, on n’a aucune idée de comment ces règles s’imbriquent tant qu’on n’a rien mis sur la table. Je préconise donc, dans un premier temps, de poser une règle par effet désiré, sans se préoccuper de synergies ou d’anti-synergies. On verra ce dernier point dans un second temps. Pour le moment, je colle des mécaniques que je connais à mon cahier des charges (c’est là que la connaissance roliste devient importante).
Premier exemple simple, j’ai envie que mes joueurs se sentent puissants lorsqu’ils font une action. Je peux utiliser un système à la Vampire la Mascarade: jeter une brouette de 1d10 et compter les réussites. Le fait de jeter une tonne de dés peut donner un sentiment de puissance, du fait du nombre de trucs en plastique qui s’entre-choquent.
Autre exemple plus pointu, ai-je besoin d’un MJ dans mon jeu ? Et oui, le MJ, c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique ! Le fait d’avoir un MJ dans un jeu impliquent un tas de raisons qu’on met souvent sous le tapis, car on est habitué à ce mode de jeu. Bref, on peut légitiment se poser la question:
Est-ce que le fait d’avoir un MJ et des joueurs pertinent dans notre démarche ?
Pour Damnés, ce schéma traditionnel a ses limites car le MJ ne peut pas savoir ce que pense les joueurs (ni les PJ). Pour que le jeu fonctionne, il faudrait que les sentiments des PJ puissent influencer les scènes dans lesquels ils vont apparaître. Si le MJ me propose une situation qui ne m’intéresse pas, je ne risque pas de m’impliquer émotionnellement (et c’est ça que je cherche dans Damnés: l’implication émotionnelle). Mais, je ne souhaite pas non plus que les joueurs définissent leurs propres scènes (j’aime bien l’interprétation d’un PNJ par le MJ et les faces à faces que cela peut engendrer). Moralité: j’opte pour un système avec un MJ mais qui va devoir intégrer des éléments importants de « feedback » du joueur vers le MJ et les autres joueurs. Je ne sais pas encore quoi, mais je sais que ça va être capital.
De cette première question vont en découler des dizaines d’autres. C’est un bon point de départ, à mon avis parce que les choses se déroulent assez facilement ensuite.
Que j’ai choisi un système sans MJ (comme dans Terres de Sang ou T.A.N.G.O.) ou avec un MJ (ou même avec plusieurs MJ et un seul joueur comme dans Héros d’Argile), je me pose dans un premier temps les questions suivantes:
De ces questions vont découler un certain nombre de réponses qui vont constituer un socle de départ.
Par exemple dans Damnés, je sais que:
Bon, je me suis un peu étendu sur ce dernier point, mais voyez à quel point aucune décision de design n’est anodine !
Bref, prenez le temps de bien savoir où vous allez et commencer à prendre vos premières décisions de design, vos premières briques de mécaniques…
Bon, on va s’arrêter pour aujourd’hui. Vous avez un bonne idée de la direction de votre projet à ce stade. La fois prochaine, je parlerai un peu plus de théorie et de comment s’en inspirer pour créer des solutions techniques.
La suite de l’article se trouve ici !
Tient, comme c’est original ! Bonne année, gna gna gna, santé, bla bla bla, bohneur, tout ça ! Bon c’est vrai, c’est cliché. Mais le début d’année est aussi un bon moment pour regarder en arrière et voir ce que 2017 nous a réservé. Et puis de regarder devant aussi (toujours regarder des deux côtés avant de traverser) pour se motiver et se lancer dans 2018.
En 2017:
En 2018:
Portez vous bien en 2018. Puisse-t-elle être l’année des découvertes rolistiques !
Damnés propose de jouer le drame de la vie éternelle. C’est un jeu moral et mélancolique dans lequel vous incarnez un Damné, un être immortel rongé par la Bête évoluant au sein d’une société dysfonctionnelle. Tenter d’assouvir ses Désirs sans faire du mal à ceux qu’on aime, sans réveiller la Bête, prendre parti dans les réseaux d’influence des Damnés et garder un semblant d’humanité, voici les enjeux auxquels vous serez confronté.
Le récit de votre éternité sera ponctué de choix cornéliens, de moments de bravoures, de sacrifices, de tranches de vie et d’instants de grâce. Loin des histoires de héros, vous tenterez simplement de vivre, ou survivre, comme un être ordinaire frappé par l’extraordinaire.
Damnés est un jeu de rôle:
Damnés n’est pas un jeu:
Voici un tuto vidéo de Terres de Sang ! Il vous aidera à appréhender le jeu.
Pour obtenir le jeu, au format livre ou en pdf, rendez-vous sur la page Terres de Sang.
Aujourd’hui c’est Théorie ! Voilà un bail que je n’en avais pas parlé sur ce site (2016 ?). On va donc doucement remettre le pied à l’étrier.
Le sujet du jour est ce que j’appelle la Spirale vers soi ou de la Convergence vers soi. C’est un « phénomène » qui est facilité / encadré par les règles de Terres de Sang et c’est pourquoi j’ai à coeur de vous en parler dans cet article.
Montrer le phénomène de Spirale vers soi et l’illustrer avec les règles de Terres de Sang. Il ne s’agit pas de décrire une vérité absolue mais de mettre le doigt sur un phénomène que j’ai observé dans mes parties de JDR et plus particulière dans Terres de Sang.
Il existe une porosité entre le joueur et le personnage qu’il incarne.
Cela peut paraître une évidence mais j’ai l’impression qu’il est important de le rappeler: on met forcément de nous dans nos PJ. Même dans le cas le plus extrême où je suis amené à jouer un personnage très loin de mon domaine d’appréhension (genre une race alien au fin fond de l’univers), je vais être obligé, pour jouer ce personnage, de le ramener à quelque chose que je connais. Pas le choix puisque je ne peux pas connaître ce que je ne connais pas (logique hein !). Dans The Watch, par exemple, les joueurs sont inviter à jouer des femmes qui luttent contre une menace appelée « The Shadow » dans un univers médiéval low fantasy. Le truc dans ce jeu, c’est qu’on ne peut jouer que des femmes (ou presque) et qu’il y a un large de choix de genres (non binaire, fluide, cis, etc.). Du coup, lorsque je joue à ce jeu, bien que j’endosse le rôle de quelqu’un qui peut être radicalement différent de moi (une guerrière cis-genre), je ne peux qu’interpréter ce rôle à la lueur de ce que je comprends, de ce que je connais. Je me mets à la place de mon PJ et je ne peux que tenter d’approcher le personnage de part mon expérience propre. Éventuellement, le jeu peut m’aider à le faire, mais indéniablement, je jouerai ma propre interprétation d’un personnage.
On peut mettre sur une ligne deux points: un qui me représente et un qui représente mon PJ. La distance entre les deux points est le reflet la porosité entre moi et lui. Plus la distance est petite, plus mon PJ est proche de moi en tant qu’individu. On va garder ça pour plus tard 😉
Il y a des moments qui font diminuer la distance entre le joueur et le PJ.
Puisque nous jouons nos personnages à la lueur de notre expérience du monde que nous connaissons, les actes du PJ sont un reflet de notre personnalité. Notre implication émotionnelle dans la fiction, notre immersion, peut provoquer une diminution plus ou moins grande de la distance joueur/PJ. Une conséquence de ce rapprochement est le bleed (cf. article de Thomas Munier), ce phénomène qui fait qu’il y a transparence des émotions entre mon PJ et moi. En gros, je ressens la même chose que mon PJ ou mon PJ ressent la même chose que moi à un moment donné.
Ces moments de rapprochement sont souvent des temps forts dans la fiction. Par exemple, lorsque je suis mis sous pression dans la fiction (face à un choix cornélien par exemple), j’ai tendance à me replier sur mes réflexes, mes acquis personnels, sur mon sens de la morale, etc. Au final, c’est ma position en tant que joueur qui influe sur ce que mon personnage fait (cf article de Frédéric Sintes sur le narrativisme).
Si on reprend le graphe précédent et qu’on ajoute une ligne du temps (de partie ou dans la fiction), on peut représenter le rapprochement de moi et de mon PJ. Parfois, les deux points peuvent s’éloigner bien sûr, mais pour une meilleure compréhension, je ne vais montrer que des points qui se rapprochent. On peut relier les points et observer une convergence des deux courbes: c’est ce que j’appelle la Convergence vers soi.
Cette convergence est bien sûr continue au fil de la partie, ou de la campagne. Plus on joue longtemps, plus on « comprends » notre PJ, plus j’ai d’empathie pour lui, plus nous nous rapprochons.
Dans Terres de Sang, les règles encadrent ce phénomène de convergence et le transforme en une forme de Spirale vers soi.
1. Les Augures
Les Augures sont des signes du ciel laissés à l’interprétation des joueurs: au moment de la création des personnages, chaque joueur tire deux Augures pour son PJ. Il décrit ensuite en quoi ces Augures ont influencé la vie de son personnage.
Ainsi, avant même que le jeu ne commence, le joueur investie sa vision du monde dans son personnage.
2. Le cycle de narration
La narration dans Terres de Sang est cyclique. Les personnages, après avoir fait Naufrage, passent par des phases d’Exploration, d’Introspection, de Conflit et de Reconstruction. Lors de la phase de Conflit, le personnage se retrouve face à une épreuve morale. Les règles permettent de construite une phase de Conflit avec un impact maximum, à l’aide notamment des phases d’Exploration et d’Introspection qui investiguent la psychologie du PJ (et permettent donc de trouver un choix moral qui fait mal). Ainsi, le Conflit agit comme un temps fort de la fiction durant lequel le joueur doit se positionner moralement.
3. L’Ancrage et la phase de Reconstruction
Une des étapes de la création de personnage est le renseignement de l’Ancrage. L’Ancrage est un adage qui illustre la vision du monde du PJ et se termine toujours par « Ainsi va le monde« . Par exemple, une phrase comme « Les forts doivent régner sur les faibles, ainsi va le monde » peut être l’Ancrage d’un personnage. Cette phrase définit la vision du monde du PJ.
Durant la phase de Conflit, cette vision est souvent mise à mal et le joueur s’est positionné moralement face à l’épreuve qui lui est soumise.
Durant la phase de Reconstruction (qui se déroule après la phase de Conflit), le joueur est invité à rayer son Ancrage et à en écrire un nouveau. Ceci acte sur le papier le positionnement moral que le joueur a adopté, transposé sur la vision du monde du PJ. Ainsi, la distance entre le joueur et le PJ diminue, sans possibilité de retour.
L’enchaînement des cycles de narration et du changement des Ancrages tend à rapprocher le joueur du PJ, comme si le PJ se trouvait dans une Spirale le menant à fusionner (si on est extrême) avec le joueur.
Dans cet article, j’ai tenté de montrer le phénomène de Convergence vers soi, qui dans Terres de Sang peut aussi s’exprimer comme une Spirale vers soi. Est-ce que vous aussi vous observez ce genre de phénomène dans vos parties (quelque soit le jeu) ?
N’hésitez pas à venir discuter de ce phénomène sur les Courants Alternatifs. Merci à Valentin pour la mise en concept.
Terres de Sang est disponible sur lulu.com pour 12€ ou en pdf à prix libre (7€ proposé).