2020 fut une année spéciale, cela va sans dire. Comme tous les ans, voici un petit bilan de l’année pour notre label Angeldust JDR. Nous vous emmenons dans les coulisses, en espérant que cela puisse vous aider pour vos projets à vous !
Un point sur nos jeux
Cette année a été particulière en bien des manières. A cause de la pandémie de Covid19, je n’ai pu participé qu’à une seule convention IRL: le Festival International des Jeux de Cannes. C’est à cette occasion que nous avons vendu le plus de livres « papier ». Comme on peut le voir sur les graphes, il apparait clairement que c’est le principal moteur de distribution pour nous qui sommes auto-édités: à l’exception des Larmes du Soleil, les ventes de livres « papier » ont drastiquement diminué en 2020. J’imagine que dans le monde de l’édition classique, il en va de même: le manque de conventions IRL, couplé à la fermeture des boutiques, a été un vrai coup dur. D’ailleurs, nous avons une pensée pour nos amis de la Librairie du Manoir.
La force de l’autoédition a été pour nous le fait de ne pas avoir de stock à gérer, pas d’argent à avancer, pas de frais liés aux déplacements à couvrir, etc. Bref, nous n’avions pas le couteau sous la gorge. Tous nos jeux sont disponibles en papier en impression à la demande, ou en pdf sur la plateforme itch.io. De ce côté, cela fait un soucis de moins à gérer.
L’année 2020 a aussi été l’année du digital pour nous. Nous avons mis nos jeux dans les bundles caritatifs des deux CyberConventions et nous avons pu participer activement à la deuxième (avec notamment une intervention sur une table ronde). D’ailleurs, les rolistes sont des gens formidables: plus de 23000€ récoltés au profit d’associations caritatives pour la deuxième CyberConvention, c’est juste incroyable ! Ces bundles nous ont par ailleurs permis de diffuser très largement nos jeux. De plus, nous avons mis en ligne sur la plateforme itch.io l’ensemble de nos jeux au format pdf, en « payez ce que vous voulez » (sauf pour Damnés mais cela ne saurait tarder). Tout cela cumulé, la dissémination de nos jeux a fait un bon spectaculaire, avec par exemple presque 300 téléchargements des Larmes du Soleil ! C’est juste énorme…
Nous ne pouvons que vous remercier infiniment pour votre soutien. Merci, merci, merci !
Diversification
2020 a été également une année de « diversification » pour nous. Non seulement nous avons écrit nos jeux, mais nous avons eu l’occasion :
de formaliser notre façon de jouer en Bac à Sable du Quotidien et de faire une campagne d’un jeu de notre cru dans le contexte historique des Trois Royaumes.
Ce fut une année très très riche. L’expérience d’écrire pour un autre jeu a été formidable, c’est quelque chose que nous aimerions retenter si l’occasion se représente. D’ailleurs, nous avons failli écrire pour Seigneurs de Arcanes, un JDR ayant pour cadre un univers oriental (allez jeter un coup d’œil, ça vaut le coup !).
Les leçons de 2020
Leçon n°1: L’autoédition est un modèle économique solide
Leçon n°2: Il n’y a pas mieux que les conventions IRL pour vendre ses jeux
Leçon n°3: Mais les événements en ligne, comme la CyberConvention, sont des occasions en or pour se faire connaitre et diffuser ses productions
Leçon n°4: Les rolistes sont formidables et incroyablement généreux (mais ça on le savait déjà !)
Merci encore pour cette année malgré l’adversité. A bientôt !
Dans ce billet, nous allons décrire une manière de jouer qui nous plait particulièrement. C’est un mode de jeu que nous testons activement depuis quelques temps et c’est un plaisir pour nous de vous le présenter.
Voici un petit guide pour jouer dans un Bac à Sable du Quotidien.
Auteur.ices: Valentin T., Cibou, Manon et Simon Li Licence : WTFPL (http://www.wtfpl.net)
Au fait, c’est quoi un Bac à Sable du Quotidien ?
Un Bac à Sable du Quotidien (abrégé BASQ) est avant tout une manière de jouer au JDR. C’est aussi une philosophie, un état d’esprit, appliquée en jeu.
Dans la forme, cela ressemble comme deux gouttes d’eau aux pratiques classiques du JDR :
Il y a des joueuses qui déterminent ce que font leurs personnages,
et une meneuse, qui connaît toutes les informations importantes de l’univers de jeu, et qui détermine tout le reste.
En fait, l’un des éléments essentiels du BASQ est que la meneuse fait vivre le monde fictionnel sans chercher à orienter la partie dans une direction plutôt qu’une autre. On joue pour voir ce qui va se passer, elle ne doit faire aucun plan sur la comète. La règle essentielle de cette forme de jeu est donc que la meneuse ne doit avoir aucun plan. Elle n’est pas là pour raconter une histoire, faire planer des secrets, ou proposer des défis à relever. En contrepartie, les joueuses doivent être proactives : elles ont une très grande liberté, et doivent déterminer leurs propres objectifs.
Le BASQ est donc obligatoirement un jeu en campagne qui a besoin de temps pour se développer.
Mais c’est du Bac à Sable classique, ton truc ? Il y a des milliers de ressources sur ce sujet …
Et non ! Le BASQ est même très différent des Bacs à Sable classiques, la principale étant qu’on se focalise sur le quotidien des personnages. On cherche à explorer le Quotidien (avec un Q majuscule !), le routinier, les interactions mondaines, les petites mais aussi les grandes choses de la vie de tous les jours. Par exemple, si les joueuses passent trois séances à décorer leurs chambres (chose qu’on ellipse en général dans les JDR), et bien c’est une très bonne chose: c’est signe que le BASQ se déroule bien.
Une autre différence réside, nous l’avons dit, dans le fait que la meneuse n’a pas prévu de défis à relever ou de secrets à découvrir. Elle n’est pas responsable de la trame narrative.
En fait, les préparations en BASQ sont très denses, mais la grande majorité de ce qui a été préparé ne sera pas évoqué pendant la partie ; c’est la condition pour permettre aux joueuses d’expérimenter une grande liberté.
Corolaire: Il ne doit y avoir aucun panneau indicateur. Tout est potentiellement intéressant. Les personnages sont libres (VRAIMENT libres) de faire ce qu’ils veulent. En fonction de leurs objectifs, les éléments du BASQ seront explorés ou non (et s’ils ne sont pas explorés, ce n’est pas grave). La meneuse n’est là que pour jouer les figurants et décrire l’univers. Elle n’a pas les prérogatives habituelles concernant le déroulement de la trame narrative. L’idéal est d’avoir à disposition une préparation qui donne envie aux joueuses de s’y plonger, de la découvrir, d’interagir avec ses éléments.
Pour résumé, dans un BASQ: (1) on se focalise sur le quotidien des personnages (2) il n’y a pas de scénario (3) les personnages sont VRAIMENT libres: il n’y a aucun panneau indicateur et il n’y a aucune trame narrative
Pourquoi c’est fun ?
Mais ça a l’air chiant comme la mort votre truc ?Si on ellipse le quotidien, c’est pour de bonnes raisons !
Nous l’admettons volontiers: le BASQ n’est surement pas un mode de jeu qui est fait pour tout le monde. Mais restez un peu avec nous, nous allons vous expliquer pourquoi nous kiffons les BASQ.
Explorer
La première source de fun est l’exploration des éléments préparés par la meneuse (en apprendre plus sur les figurants, découvrir les informations sur le monde, comprendre comme ce dernier fonctionne, fouiller le moindre recoin en se disant qu’il y a forcément quelque chose d’intéressant, etc.). Et oui, puisqu’il n’y a pas de panneau indiquant « ceci est intéressant », puisqu’il n’y a pas de « point d’intérêt », la joueuse est libre d’explorer ce qui l’intéresse réellement. Et si c’est la cuisine des autochtones qui l’intéresse, et bien c’est super : nous jouerons surement pleins de scènes durant lesquelles le personnage apprend à cuisiner.
Du coup, il y a tout un ensemble de choix intéressants dans ce que la joueuse décide d’explorer ou non, et ce qu’elle met en place pour rendre son exploration fructueuse. Si par exemple elle veut savoir pourquoi le chef de tribu est en froid avec son fils, elle peut choisir d’aller voir plutôt tel figurant que tel autre (aller voir sa femme plutôt que sa concubine), puis faire toute une scène où elle essaie de l’inviter à parler de lui, de son passé, de ses problèmes, etc. pour finalement comprendre les enjeux du monde fictionnel.
Combiner
La seconde source de fun, c’est de combiner les éléments découverts afin de résoudre des ennuis, des petits tracas ou des embêtements du quotidien (rendre ce figurant plus sûr de lui, monter un club de jardinage, construire un sort de rangement automatique de ma chambre, etc…). Le cadre d’un BASQ fourmille de petits ennuis, qui sont autant de petites choses que la joueuse pourrait vouloir résoudre sans que ce soit dramatique si elle ne les résout pas.
Nous insistons sur cette dernière partie: « sans que ce soit dramatique si elle ne les résout pas ». C’est l’un des piliers de la philosophie du BASQ: pour que la vraie liberté puisse exister, la joueuse doit pouvoir explorer ce qui l’intéresse et ignorer ce qui ne l’intéresse pas. Pas de panneaux indicateurs, donc pas de conséquences rédhibitoire à un ennui non résolu.
Recommencer
Chronologiquement, le fun issu de l’exploration arrive en premier dans la partie, ce qui permet de débloquer la résolution potentielle des petits tracas. Mais l’exploration ne disparaît jamais, on découvre toujours de nouvelles choses, qui vont à leur tour pouvoir être combinées. Les ennuis, quand ils sont résolus ou non, conduisent forcément à un changement dans le cadre fictionnel et l’exploration peut continuer. Sans parler des tout ce que les personnages n’ont pas encore découvert jusque là.
Le jeu ressemble alors à une sorte de LEGO, dans lequel des briques viennent s’ajouter à celles qui sont déjà disponibles au fur et à mesure de la partie, et peuvent être assemblées par les participants de manières créatives et originales.
Et la meneuse dans tout ça ?
Le plaisir principal de la meneuse est de découvrir ce que les joueuses vont décider d’explorer, et ce qu’elles vont faire avec ce qu’elles ont découvert. Elle a également l’occasion de faire vivre le monde et les figurants sans se soucier d’orienter les joueuses dans une direction particulière plutôt qu’une autre, ce qui lui donne une grande liberté d’interprétation. En particulier, elle peut incarner les figurants d’une manière similaire aux personnages des joueuses, en les jouant très sincèrement.
A ce titre, la meneuse peut être en convergence avec les figurants qu’elle joue, et contrairement au JDR classique, elle peut avoir « ses » figurants fétiches et plaider pour eux sans que cela soit un réel problème.
Concrètement, comment on joue ?
C’est bien beau ton truc, mais in fine, comment on joue à un BASQ.
Dispositif de jeu
Comme dit plus haut, dans un BASQ, il y a une ou plusieurs joueuses qui décident de ce que font leurs personnages, et d’une meneuse qui décide du reste. Il est conseillé de ne pas utiliser de système de résolution, et de jouer en freeform. Vous pouvez utiliser éventuellement une pièce de monnaie pour tirer à pile ou face lorsque la situation est vraiment inextricable. Mais globalement, la meneuse décide de la manière dont répond l’univers face aux agissements des personnages. Comme elle n’a pas d’impératifs narratifs, elle se doit tout simplement de suivre la logique du monde qu’elle décrit. D’ailleurs, toute la phase d’exploration permettra aux joueuses de délimiter les contours du fonctionnement de ce monde.
D’ailleurs, nous attirons l’attention sur le fait que plus le nombre de joueuses augmente, plus les temps morts augmentent également. Il est donc recommandé de jouer avec une joueuse seulement (le BASQ s’y prête particulièrement bien), ou avec un maximum de trois joueuses. Au-delà, jouer à un BASQ risque d’être très laborieux. Le nombre de joueuses pose d’autant moins problème que celles-ci aiment à observer les autres jouer : c’est en soi un réel plaisir que d’assister et profiter de la partie. Cette aspiration est particulièrement compatible dans un BASQ avec plusieurs joueuses.
Côté joueuse
Jouer le quotidien est le principal intérêt du BASQ. Les événements qui sortent du quotidien (les événements extra-ordinaires) peuvent ne jamais avoir lieu au cours d’une partie, et cela ne pose aucun problème. Du point de vue des joueuses, la liberté du dispositif leur donne la possibilité d’aller explorer exactement ce qu’elles veulent, de se lier – ou non – avec les figurants qui les intéressent, et de construire leurs projets librement et sur le long terme.
Le BASQ est aussi l’occasion de jouer la construction de relations intimes et spontanées sur le long terme. Puisqu’il n’y a pas d’impératif de scénario, les personnages peuvent prendre tout leur temps pour se lier aux figurants. De ce fait, les figurants gagnent en profondeur car ils ne sont plus des fonctions qui servent une trame narrative, mais existent en tant que tels, comme des gens ordinaires. Et notez qu’il est bien rare dans la vraie vie qu’une personne vous fasse complètement confiance, immédiatement, parce que vous êtes le soi-disant Héros d’une histoire ! Il en va de même dans un BASQ: les relations se construisent sur le long terme, et souvent, prendre une tasse de thé en silence avec un figurant peut constituer une scène forte de la partie.
Le plus important du point de vue des joueuses est qu’elles doivent se forger leurs propres objectifs. En effet, le « setting » ne viendra pas les chercher et attendre un événement déclencheur qui n’arrivera jamais est purement vain.
Le deuxième point le plus important est de jouer en toute sincérité et en convergence avec son personnage. Evitez les techniques de joueuse pour « chercher du jeu » et laissez vous simplement porter par votre personnage.
Notez que cette forme de jeu est particulièrement déconseillée si les participants trouvent inintéressante l’idée de jouer le quotidien.
Côté meneuse
Le plus important est de laisser les joueuses libres de décider de ce qui les intéresse. Elles peuvent ne pas du tout s’intéresser à un élément, et au contraire se focaliser plusieurs parties sur un autre. Un ensemble de conseils listés ci-dessous permettent de rendre le quotidien particulièrement intéressant, en association avec une préparation adaptée.
a/ Règle du panneau indicateur
Contrairement à la plupart des autres formes de jeu de rôle classique, il est totalement contre-productif de mettre en avant certains éléments plutôt que d’autres dans le but d’inciter à l’exploration. Il est impératif de supprimer toute incitation claire.
Cela donnera aux joueuses l’espace pour être en mesure de construire leurs propres objectifs, sans quoi elles risquent de s’engouffrer rapidement vers ce qui lui semble être un panneau indicateur.
Et cette règle est plus difficile à suivre que ce qu’il n’y paraît ! Effacer les panneaux indicateurs, c’est mettre sur le même plan l’agencement du potager et les rancœurs tribales par exemple. C’est donner autant d’importance au filet d’ail qui pend au plafond de la cuisine qu’à la perte tragique de la mère d’un figurant…
b/ Règle de la convergence
Le BASQ permet de ne pas ellipser des moments de la fiction que l’on a tendance à passer sous silence, soit que l’on résume ce passage en quelques mots, soit que l’on fasse appel à une mécanique de jeu qui résume toute une séquence de la fiction. Au contraire, il est pertinent ici d’aligner la joueuse et son personnage au maximum de manière à favoriser les interactions entre les personnages et les éléments qui ont été préparés. Par exemple, quand une joueuse se demande ce que fait exactement un pouvoir, il est pertinent de lui suggérer de le tester en jeu. Quand une joueuse se demande quelque chose au sujet de l’univers de jeu ou du cadre, il est plus intéressant de poser la question à un figurant ou d’essayer de trouver une bibliothèque que de laisser la meneuse répondre directement.
Avec cette manière de jouer, il est habituel qu’une partie de 4 heures soit équivalente à une journée dans la fiction (ou moins !), ce qui est tout à fait pertinent pour le BASQ.
Si vous avez besoin de faire des ellipses, assurez-vous que celles-ci ne concerne que des moments que le personnage a déjà vécu plusieurs fois en temps réel. Laissez alors la joueuse décrire ce que son personnage fait, comment et dans quel état d’esprit: ces éléments vous permettrons de déterminer s’il faut ellipser effectivement ou si des micro-événements pertinents peuvent se produire.
c/ Règle des figurants
Les figurants sont des ressources essentielles pour rendre le BASQ particulièrement riche. Pensez aux figurants comme les héros de leur quotidien:
Ils cherchent eux-mêmes à rendre leur quotidien intéressant, ce qui doit être évoqué par la meneuse.
Ils ont des objectifs (se faire accepter dans le bar, prendre une super photo du bar, décorer la salle de repos des malades, rendre quelqu’un heureux malgré sa maladie…).
Ils invitent les personnages à les aider si c’est pertinent (et non parce que ce sont les « PJ »).
Ils sont hauts en couleur : ils charrient les personnages, ils s’attachent à eux, ils s’intéressent à leurs projets, ils préparent des pique-niques, ils les draguent…
Ils sont vivants, tout simplement.
Ne les traitez pas comme de simples “fonctions”, ayant des buts narratifs ou à la visée des personnages. Construisez-les comme s’ils étaient les protagonistes principaux de leur histoire, de leur vie.
d/ Règle des rituels
La vie est rythmée par des événements récurrents : le petit déjeuner au bar, la visite matinale des malades de l’hôpital, les soirées jeux au foyer de d’hôpital, les soirées jazz… Ce sont les contextes dans lesquels se déroulent les scènes du quotidien, et qui donnent tout un ensemble de ressources à mobiliser pour jouer avec.
A ce titre, il peut être intéressant de mettre en place des plannings pour les figurants. Ainsi, ces derniers ne resteront pas à un lieu donné pour attendre les personnages, mais auront une vie propre, dont les personnages pourront (ou non) faire partie.
Créer un BASQ
OK, pourquoi pas ? Tu m’as convaincu. Quels jeux sont des BASQ ?
A l’heure actuelle, il n’existe pas de BASQ publié et à disposition. Néanmoins, plusieurs projets sont en cours de développement. Des thématiques variées sont possibles et ont commencé à être explorées : La Chine médiévale, un futur cyberpunk dystopique, ou une académie formant des magiciens par exemple.
Si vous voulez vous lancer, voici quelques conseils de création d’un BASQ.
Dans l’idée, la meneuse doit connaître 100% des informations avant le début de la partie. Cela demande donc un cadre d’autant plus local que les capacités de mémorisation de la meneuse sont limitées. De plus, la forme du contexte dans lequel se passe une campagne de BASQ a une influence critique sur son déroulement.
Mise en place
La première étape est de choisir un univers différent de la vie quotidienne des joueuses. Cela peut provenir d’un contexte historique particulier (la Chine médiévale, un futur technologique), d’un phénomène particulier (l’existence de la magie, la présence d’Esprits mystiques), ou les deux.
Il est important de se focaliser sur une communauté de petite taille, qui permette de préparer un grand nombre de détails sans se perdre dans une étendue trop vaste et dont les éléments ne seraient décrits que superficiellement.
Les personnages doivent n’avoir que peu de connaissances de ce qui distingue la communauté de notre univers réel. Les personnages rejoignent la communauté en question, qu’ils ne connaissaient pas avant que la partie commence. Cet élément est crucial pour garantir le fait que les personnages et les joueuses vont explorer cet endroit inconnu, ses lieux, ses activités, ses habitants. Les personnages rejoignent la communauté au début de la partie.
Une fois le cadre de base déterminé, il reste à le peupler de lieux, de figurants, d’événements. Pour cela, la section suivante permet de renseigner des axes de campagne, qui sont des grandes directions générales que les personnages et les joueuses pourront explorer tout au long de la campagne.
Construction des axes de campagne standard
Les cinq axes de campagne suivants sont généraux, et peuvent convenir à tout type de BASQ. Les renseigner prend beaucoup de temps, d’autant plus qu’une faible proportion de ce qui aura été créé sera effectivement mobilisé pendant la partie. Mais c’est le prix à payer pour avoir un BASQ de qualité.
La description pourra prendre la forme de fiches. Au minimum, des fiches pour chaque figurant, une liste des lieux et leurs description, un planning typique d’une journée dans la communauté.
Axe 1 : Informations
Choisissez dans un premier temps les manières dont les personnages peuvent acquérir de l’information au sujet de l’univers et du cadre du jeu. Étant donné qu’ils sont étrangers à la communauté et aux particularités du cadre du jeu, il est fort possible qu’ils cherchent à mieux comprendre ce qui s’y passe.
Plusieurs éléments peuvent servir de sources d’information : au premier chef les figurants, mais aussi certains lieux (une bibliothèque, un kiosque à journaux, une université…). L’univers et le cadre pourront ainsi être distillés directement pendant la partie, en jouant la quête d’informations des personnages.
Axe 2 : Relations
Choisissez ensuite des occasions diversifiées qui permettent aux personnages de se lier à des figurants. Les figurants doivent avoir une place centrale dans le BASQ, ce sont les éléments de la partie les plus “interactifs”.
Ils doivent avoir au minimum une série d’occupations variées dans des lieux déterminés où l’on peut les trouver, des objectifs qu’ils cherchent à atteindre, et quelques ennuis.
Il peut être particulièrement pertinent de les enrichir en déterminant quelle est leur histoire particulière qui les a amenés à concevoir leurs objectifs, leurs peurs, leurs espoirs, les gens qu’ils aiment, ceux qu’ils évitent. Il peut également être pertinent de déterminer, même vaguement, quel degré d’intimité est nécessaire pour en apprendre plus sur les figurants. Il est peu probable qu’un figurant dévoile toute sa vie au premier personnage venu: les relations se construisent sur le long terme et les comportements varient souvent en fonction des liens qui les unissent.
Axe 3 : Place sociale
Choisissez ce qui peut permettre aux personnages de se forger une place dans la communauté. Une hiérarchie classique peut faire l’affaire (par exemple si les personnages incarnent des soldats dans une garnison), mais de nombreuses options sont possibles. Dans toute communauté, de la bande d’amis à la hiérarchie politique, se faire une place est un enjeu à part entière.
Axe 4 : Vie quotidienne
Choisissez des opportunités pour que les personnages puissent rendre la vie quotidienne plus agréable. Ce peut être leur vie ou celle des figurants.
Parsemez le cadre de jeu d’ennuis variés, qui peuvent aller de la fuite d’eau dans le toit de l’immeuble, au jardin en friche, en passant par la cuisine qui n’est pas très savoureuse. Il ne faut pas qu’ils soient trop gênant cependant, les joueuses pourraient risquer d’être trop clairement incitées à les résoudre.
Axe 5 : Secrets
Cet axe est entièrement optionnel, et le renseigner amène le risque que les joueuses s’y intéressent exclusivement. Il doit être construit avec discernement. Il s’agit de déterminer les choses qui sont inconnues de la plupart des membres de la communauté, et qui pourraient expliquer beaucoup de phénomènes. Par exemple, quelques inscriptions sur des statues perdues dans une forêt, un ancien tableau représentant l’architecte ayant créé les lieux…
Attention, il ne faut surtout pas indiquer pendant la partie que ce qui est découvert est mystérieux ! Seulement le décrire en passant, l’air de rien.
Construction des axes de campagne spécifiques
Au delà des axes de campagne standards évoqués ci-dessus et qui vont venir peupler le BASQ, chaque cadre de campagne doit disposer d’axes qui lui sont spécifiques. C’est le moyen d’introduire ce qui diffère sensiblement de notre quotidien : une technologie débridée dans un monde cyberpunk, des pouvoirs magiques dans une monde fantastique, les préparatifs d’une guerre dans un monde médiéval…
Choisissez et développez les éléments spécifiques à l’univers de jeu qui pourraient avoir un rôle d’importance dans la vie quotidienne de la communauté, et auxquels les personnages pourront être confrontés.
Développement des axes de campagne
Les axes de campagne, sous la forme d’une description du lieu choisi, doivent être organisés selon une logique qui favorise au mieux la dynamique de jeu propre au BASQ.
Il faut tout d’abord s’assurer qu’aucun élément ne prend la forme d’une incitation évidente. Aucun élément ne doit contraindre les joueuses à y réagir : pas de gros problème en perspective, seulement quelques ennuis un peu partout. Les joueuses doivent pouvoir ignorer n’importe quel élément du cadre, sans que cela n’ait de conséquence importante.
Il est également préférable que les joueuses aient la possibilité d’aborder l’ensemble des axes de campagne le plus rapidement possible. Pour cela, la première partie peut prendre l’aspect d’une visite des lieux proposé par un figurant par exemple.
Les éléments qui constituent des axes de campagne doivent être ancrés dans le cadre, accessibles aux joueuses. Les sources d’information (comme les bibliothèques) sont ouvertes et disponibles, les figurants peuvent être rencontrés là où ils réalisent leurs différentes activités, les lieux peuvent être visités librement.
Certains éléments doivent être ancrés dans le temps court, typique du planning d’une journée. L’organisation de la communauté, du lever au coucher par exemple, doit être dynamique, et offrir des opportunités de scènes variées aux personnages. D’autres éléments peuvent s’ancrer dans le temps long, et permettre des événements exceptionnels qui viendront renouveler la partie : une fête à l’école de magie, la visite du prince au château, la manifestation anti-police dans le quartier…
Une fois que la plupart des éléments ont été posés, il reste à les relier les axes entre eux. Il faut s’assurer de la logique d’ensemble, créer des liens entre les figurants, associer aux figurants des éléments des différents axes de campagne (un bibliothécaire, un professeur de magie, un cuisinier…) qui seront autant de points d’accroche pour les joueuses.
Il est déconseillé d’associer à la préparation à une mécanique de jeu. Mais dans le cas contraire, une règle pourrait être de ne mécaniser que ce que l’on souhaite ellipser dans la fiction.
Enfin, il ne faut pas conditionner la fin de la campagne par un événement à l’initiative des joueuses (sauver le monde, permettre au fortin d’être protégé, résoudre les problèmes des figurants, etc.). Cela constituerait un objectif extérieur très incitatif pour les joueuses, ce que l’on souhaite éviter.
Et c’est tout !
OK. En vrai, c’est déjà beaucoup ! Mais nous espérons vous avoir donné non seulement à jouer au BASQ mais aussi à créer le votre. D’ailleurs, peut-être jouez-vous déjà comme cela ! Nous serions ravis d’en savoir plus sur votre manière de jouer.
En tout cas, si vous avez besoin d’aide ou de conseils supplémentaires, vous pouvez vous rendre sur le Discord des Courants Alternatifs (accessibles avec ce lien : https://discord.gg/v47EgUNJpb) ou par mail (à angeldustjdr@gmail.com). Un fil de discussion y regroupe une partie des auteurs et des curieux du BASQ.
Nous vous invitons également vivement à nous faire des retours sur ce texte, et sur le BASQ plus généralement ! En espérant que cette manière de jouer pourra vous apporter autant de plaisir qu’à nous, ou au moins vous inspirer pour vos propres parties de jeu de rôle.
Glossaire
BASQ : Abréviation utilisée pour “Bac à Sable du Quotidien”. Se prononce “Basque”. Joueuses : Joueuses et joueurs de jeu de rôle. Meneuse : Meneuse ou meneur de jeu de rôle. Participantes : Joueuses et meneuse. Personnages : Individus de la fiction que les joueuses incarnent. Figurants : Individus de la fiction que la meneuse incarne. Campagne : Succession de parties de jeu de rôles. Univers : Monde fictionnel de la partie, pris dans son ensemble. Cadre : Portion localisée de l’univers au sein de laquelle la fiction se déroule.
Voici 3 ans maintenant que nous sommes (attention titre pompeux) « Auteurs de jeux de rôle indépendants ». Nous avons publié trois jeux et mis sur pieds tout un tas d’autres. Pourtant, nous sommes loin d’avoir une idée exhaustive du marché du JDR français de nos jours. En revanche, nous espérons que notre retour d’expérience, à notre humble échelle, permettra aux auteurs qui veulent se lancer d’avoir une idée un peu plus claire, chiffres à l’appui, de ce qui les attend.
Indépendance
Nous sommes « auteurs indépendants ». La notion d’indépendance est toujours difficile à définir dans un hobby où même les maisons d’édition bossent « à la débrouille ». Ce nous entendons par « indépendant », c’est que nous sommes auto-édités et que nous n’avons pas de ligne éditoriale définie (nous allons où notre humeur et notre créativité nous emporte).
Nous écrivons nos jeux, les maquettons, les illustrons et les mettons à disposition (gratuitement, à prix fixe ou soumis à donation). Pour chacun des trois jeux que de notre « catalogue », nous avons testé un modèle économique différent et voici les leçons que nous en avons tirés.
– Livre papier à 12€ sur Lulu (impression à la demande)
Au total 44 exemplaires se sont vendus sur 2 ans dont 18% en pdf et 82% en version papier. La majorité des ventes se sont faites sur la première année, en convention (77% des ventes). Aucun effort de publicité n’a été fait pour ce jeu. A noter que les téléchargements gratuits ne sont pas comptabilisés ci-dessus.
Au total 81 exemplaires du jeu sont dans la nature dont 38% en pdf et 62% en version papier. Les ventes sont équilibrées entre 2018 et 2019 mais il faut garder en tête que les ventes sur 2018 se sont faites sur 3 mois. Environ la moitié des ventes papier ont été réalisées en convention. Pour ce jeu, nous avons fait un effort important de communication. Forcément, l’investissement, en temps et argent (envoyer le jeu à la presse, être actif sur les réseaux, mettre en place du matériel promotionnel, etc.), a été très conséquent. Nous avons amélioré notre visibilité pendant un temps mais à un prix que nous ne serions peut être pas prêt à payer à nouveau.
Les Larmes du Soleil
Les Larmes du Soleil est notre dernier (mini) jeu. Plus modeste en terme de taille, ce jeu a nécessité beaucoup plus d’effort du fait de son format (jeu de carte à jouer).
– Disponible depuis 6 mois
– Livret de règles et cartes à jouer au format pdf gratuits
– Cartes à jouer physique envoyé par la poste (ou vente directe en convention) à 13€
Au total, 7 exemplaires de cartes physiques ont été vendus. A noter que les téléchargements gratuits ne sont pas comptabilisés ci-dessus.
Ce jeu a nécessité une organisation particulière:
Tout d’abord nous avions fait un sondage sur les réseaux pour savoir si le format physique des cartes intéressait des gens. Puis, nous avons fait imprimé une vingtaine de set suite à ce sondage. Nous prenons les commandes sur le site de manière « artisanal » et le prix à la vente correspond au prix coûtant (nous ne gagnons rien sur les ventes de ce jeu).
Investissement et convention
Cette année, nous n’avons pu participer qu’à trois conventions. C’est à la fois très peu et beaucoup au vu du coût de tels déplacements. Pour un ordre de grandeur, nous avons dépensé environ 350€en déplacement et opérations publicitaires cette année. A cela s’ajoute la gestion des stocks (pour les conventions et pour les Larmes du Soleil), soit environ 300€ d’avance de trésorerie. Enfin, à cela s’ajoutent les frais de fonctionnement: hébergement de site internet, charges sociales de la micro entreprise, impôts, ect. Comptez 300€ de plus.
Il faut prendre en compte que c’est la 3ème année que nous faisons cela, donc que les frais d’investissement initiaux sont dernières nous.
Leçon n°1: Même si tu es auto-édité, prévois un fond de départ
L’argent c’est le nerf de la guerre. L’option de l’auto-édition nous paraissait idéale pour ne pas avoir à gérer des stocks et à avancer trop d’argent. Mine de rien, ce n’est pas si vrai que ça ! Si vous vous lancez, prévoyez une petite mise de départ.
(Il convient de nuancer cette affirmation par l’existence du financement participatif que nous n’avons pas encore testé. Si vous avez des chiffres exacts et réels, nous sommes preneurs !)
Leçon n°2: La pub c’est important
Envoyer des kit de presse, communiquer sur les réseaux, faire parler de soi… C’est un vrai travail en soi ! C’est long, c’est fastidieux et on ne voit pas tout de suite les retombés. C’est un art sur lequel nous avons dû nous former et ce n’est vraiment pas naturel. Mais c’est crucial au vue des ventes de Damnés.
Bien sûr, l’adéquation entre le jeu et le public visé, son niveau d’implication et disponibilité au moment de la sortie, etc. ont un impact sur la réussite commerciale d’un jeu. A ce stade, nous n’avons pas encore de retour d’expérience mais nous comptons bien approfondir cet angle d’analyse.
Leçon n°3: Quid des conventions ?
L’an dernier, nous avions parlé de l’importance des conventions. Nous souhaiterions nuancer nos propos cette année. Faire des conventions, c’est excellent pour se faire connaître, pour prendre la température, pour parler avec les gens, pour jouer avec des inconnus… Mais ça a un coût que les ventes ne couvrent pas à notre humble échelle.
Heureusement pour nous, des copains des Courants Alternatifs montent des stands dans beaucoup de conventions en France et nous permet d’avoir un rayonnement que nous ne pourrions pas avoir. Nous n’avons pas grand chose de plus à dire que MERCI (et nous envoyons plein d’amour à eux !).
Aujourd’hui, nous n’avons pas encore fait notre opinion sur les conventions. Peut être que 2020 nous fera changer d’avis (encore une fois).
Leçon n°4: Si c’est gratuit, les gens ne paient pas
Oui, c’est trivial mais entre l’option payante ou l’option gratuite, la majorité des gens vont prendre l’option gratuite. Pour nous, ce n’est pas un point important: nous tentons de favoriser l’accès aux jeux alternatifs pour le plus grand nombre. Ceci dit, c’est un point intéressant à soulever.
Leçon n°5: Attention aux sondages
Peut être est-ce encore une affirmation triviale mais nous avons vu que sur les Larmes du Soleil, seuls 7 exemplaires ont été vendus sur une vingtaine de personnes se disant « partantes ». Nous ne lançons la pierre à personne, mais nous soulignons l’importance de travailler sur le taux de conversion des intention d’achat. S’appuyer uniquement sur des promesses d’achat n’est pas raisonnable.
Conclusion
Toute personne un peu calé en marketing nous dira certainement que nous brassons du vide et que les leçons que nous avons tirées de cette année auraient pu être identifiée bien en amont. Cependant, j’espère que ce petit bilan de notre label Angeldust JDR vous éclairera non seulement sur nos activités et leur ampleur, mais également vous donnera des billes pour comparer aux autres acteurs du marché et surtout pour vous lancer dans votre propre aventure.
Je profite de ce tout premier article théorique de 2019 pour vous souhaiter à nouveau une excellente année à venir (nous sommes en février, oui je sais, nous sommes à la bourre !). Puisse-t-elle être remplie de belles découvertes et de projets fructueux.
Quant à moi, je vous propose une petite visite guidée d’une des mécaniques de Damnés (notre dernier jeu dans lequel vous incarnez des être éternels rongés par la Bête): je vous présente donc un article sur les Signes.
Les Signes sont des Gestes Rôlistes que les joueurs peuvent faire durant la partie pour signifier certaines choses aux autres participants sans avoir à prendre la parole. C’est une mécanique inspirée de (d’aucun diront honteusement pompée sur) une réflexion de Felondra sur le bouillon de culture et de game design qu’est le forum des Courants Alternatifs. En partant d’usages issus du théâtre d’improvisation, Felondra propose de ritualiser des gestes qu’on pourrait utiliser lors de nos parties de JDR. Je vous invite à parcourir son billet immédiatement: il est rempli de belles choses 🙂
Nota Bene: J’utilise ici le terme Geste Rôliste pour parler sans distinction de Gestes, de Signes Gestuels, et tout autre jargon du milieu des théoriciens: bref, faisons dans le pratique.
De l’importance de la communication, verbale et non verbale.
Il va sans dire que le JDR est un médium qui se base en premier lieu sur la communication entre les participants. Lorsque je parle de communication, je ne me limite pas à la communication parlée (souvent vecteur premier) ou écrite, mais j’entends bien tous les types de signaux que nous pouvons envoyer à notre prochain (volontairement ou non). Les gestuelles, les intonations, la posture corporelle, les regards, les respirations, etc. A titre personnel, mes meilleurs moments de JDR sont ceux pendant lesquels je m’entends avec un autre joueur sans même me mettre d’accord avec lui en amont, lorsque nous sommes sur la même longueur d’onde d’un simple regard.
Malheureusement, ce genre de moment ne semble pas sortir de nul part, tel un miracle inopiné, mais il n’est pas non plus contrôlable ou prévisible. J’ai plus l’impression qu’il faut mettre en place un terreau fertile pour que cette symbiose puisse se produire. (Il y aurait tellement de chose à dire sur ce sujet, mais cela déborde du cadre de cet article. Peut être qu’on y reviendra un de ces quatre.)
Et c’est là que les Signes interviennent.
Mettre en place des routines
L’idée des Signes dans Damnés n’est pas de reprendre purement et simplement quelques gestes de l’article de Felondra et de les balancer dans le mix sans autre forme de procès. Au lieu de cela, nous avons tenté de mettre en place des routines qui, selon nous, facilitent l’émergence de moments symbiotiques. Bien sûr, les Signes ne sont pas forcément nécessaires et ne sont certainement pas suffisants pour qu’à coup sûr une épiphanie se produise dans une partie, 100% du temps. Il faut plutôt voir les Signes comme des outils, des petits gestes qui une fois intériorisés favorisent les échanges entre les participants.
Dans Damnés, il n’y a pas de tour de parole mais en général, on cadre une scène autour d’un Protagoniste: c’est lui qui est mis en valeur durant cette dite scène. Cela ne veut pas dire que les autres joueurs ne peuvent pas intervenir, au contraire. Seulement, lorsqu’il est difficile de prendre la parole, un bon Signe bien placé permet de faire passer le bon message au bon moment, sans avoir à interrompre le flot de la narration.
Le choix des gestes que nous avons incorporé dans Damnés n’est pas anodin. On peut globalement les classer en trois catégories:
Les facilitateurs
Il s’agit des Signes qui permettent de donner ou demander la parole, ceux qui permettent de fluidifier la partie sans avoir à interrompre les autres. Leur fonction est évidente, je ne vais pas m’attarder dessus.
Exemple: “Entrer en Scène”
Les catalyseurs
Ce sont les Signes qui mettent en avant un ressenti personnel. L’idée ici est de pouvoir s’exprimer sans crainte d’interrompre le flot de la narration. Ces Signes servent à insuffler vos envies avec un minimum de subtilité. Un Signe comme “Jouer la prochaine Scène” ou “Intervenir dans la narration” ont plusieurs avantages sur la prise de parole directe:
Il incite les autres à prendre en compte le message. Globalement, nous avons trouvé lors des playtests que la mise en place de ce Signe particulier favorise l’écoute (ou du moins l’attention sinon l’empathie) de tous les participants. Si un joueur fait ce Signe et dit ce qu’il dit, ce n’est pas gratuit: la ritualisation permet donc de donner la valeur à ce qui est dit. Par ailleurs, ces Signes favorisent la mise en place d’un jeu en communication non verbal: un Signe “J’aime” suivi plus tard d’un clin d’oeil ou d’un regard appuyé pourra en dire beaucoup justement parce que le Signe a été utilisé au préalable.
Il permet aux joueurs « timides » de s’exprimer. Alors, attention grosse digression: je mets des guillemets autours de « timide » car c’est souvent comme cela qu’on appelle les joueurs plus en retrait qui parlent très peu. De mon expérience, la « timidité » n’est peut être pas le meilleur qualificatif qu’on ait pu trouvé, mais bon passons. Par contre, quelque chose que voit et que j’entends souvent, c’est qu’il « faut aller chercher les joueurs timides » pour leur donner la parole, les forcer à intervenir. Ce n’est pas vraiment comme cela que nous voyons les choses et des Signes qui permettent de faire valoir un point de vue, un ressenti, de mettre un peu de soi dans la partie sans avoir à prendre la parole nous a paru une bonne idée pour Damnés. Nous avons eu plus d’une fois à notre table des joueurs dit « timides » et je pense que nous aurions aimé à l’époque être équipé de ce genre d’outil. Attention toutefois à ne pas confondre joueur et personnage: Damnés étant un jeu centré autour du drame des protagonistes, un personnage reclus qui interagit peu avec le reste du monde risque fortement d’ennuyer son joueur.
Ces Signes ne « polluent » pas la partie avec des messages hors jeu. Les Signes comme « J’aime » permettent de faire un message positif sans arrêter la fiction.
Les voyants d’alerte
Les Signes comme la “Carte X” ou le “Moins Intense” sont des outils de sécurité émotionnelle indispensables pour un jeu comme Damnés. L’état actuel de la réflexion sur les outils de sécurité émotionnelle semble encore en évolution (notamment le billet de Ben Lehman sur la Carte X) mais nous pensons qu’il est primordial de mettre en place dans nos jeux ce genre de d’outil, ne serait-ce que pour provoquer la discussion.
Bien sûr, certains Signes font partis des trois catégories à la fois: il est souvent abscons de tout vouloir mettre dans ces cases.
Quelques trucs en plus
A noter également que le Meneur a un rôle très important également dans cette mécanique car c’est lui qui anime et qui distribue la parole. En effet, nous rappelons que dans Damnés, le Meneur réellement un chef d’orchestre et non un maître du jeu au sens traditionnel du terme. C’est donc à lui que revient la tâche de gérer les flux de parole et de mettre en place, grâce aux outils du jeu, le terreau fertile à la symbiose entre les joueurs dont je vous parlais plus haut.
Enfin, ces Signes sont d’autant plus important à mettre en place dans le cadre de parties en ligne durant lesquelles une grosse partie de la communication non verbale est perdue. D’ailleurs, les conventions de communications habituelles sont souvent bousculées lors de parties en ligne: un blanc dans la conversation peut tout aussi bien signifier qu’on attend que tous les interlocuteurs soient en phase ou approuvent ou qu’il y a eu une déconnexion impromptue; couper la parole est encore plus difficile que sur table, l’approbation des participants et soit difficile à avoir, soit directement tacite, etc.
Voilà pour ce premier article théorique de 2019. J’espère qu’il vous aura éclairé sur nos choix de design dans Damnés et je vous dis à très bientôt ! Merci encore à Felondra pour son article sur les Gestes Rôlistes et l’inspiration que cela nous a procuré !
C’est une sorte de tradition en chaque début d’année: on fait le bilan. Beaucoup de mes collègues du monde rôliste a fait le sien et comme je suis un copieur, je vais faire de même. Et parce que la transparence dans l’univers des JDR alternatifs est un aspect que j’apprécie beaucoup, je vais me concentrer ici sur notre bilan comptable. J’espère que cela donnera quelques billes à ceux qui veulent se lancer dans l’auto édition comme nous !
Nos jeux et notre modèle économique
Comme vous le savez sûrement si vous lisez ce blog, nous sommes versés dans l’auto-édition. Pas d’éditeur à proprement parlé pour nous, pas de distribution de masse: nos livres sont simplement disponibles en impression à la demande sur lulu.com.
Damnés est sorti en octobre 2018. Il est vendu 20€ en arbre mort et 10€ en pdf.
Terres de Sang est sorti en octobre 2017. Il est vendu 12€ en arbre mort et le prix que vous voulez en pdf (prix conseillé 7€). Je vais tricher et inclure la fin de l’année 2017 pour ce bilan (date à laquelle nous avons commencer notre activité officiellement).
Terres de Sang est Millevaux est sorti en février 2018. Il est vendu pour le prix que vous voulez en pdf (prix conseillé 2€).
Nos ventes
Damnés: 38 exemplaires vendus dont 16 pdf, 9 exemplaires papiers commandés sur lulu et 13 exemplaires papiers vendu en convention.
Terres de Sang: 30 exemplairesvendus dont 6 pdf, 4 exemplaires papiers commandés sur lulu et 20 exemplaires papiers vendu en convention.
Terres de Sang est Millevaux: 2 exemplaires vendus (pdf) en tout.
Il y a donc 70 exemplaires de nos jeux dans la nature…
Les sous
Pour l’année 2018 (et un petit bout de 2017), nous sommes fiers d’annoncer que angeldust-jdr fait des bénéfices d’un montant (astronomique) de 0.25€ ! \o/ Grosse fierté et champagne sabré comme il se doit !
J’ai participé à 5 événements en 2018 dont le FIJ à Cannes, Au delà de dragon à Montpellier, une rencontre de la Boîte à Chimère à Paris, le Salon du JDR et de l’imaginaire à Géménos et bien sûr Octogone à Lyon.
Nous avons déboursé de notre poche 785.18€ en tout (stock, déplacement, communication, site internet, impôts, etc.) dont plus de la moitié pour les conventions.
Une bonne partie de nos rentrées d’argent sont issues de dons.
Nos leçons
Ce fut une belle année pour nous. Notre dernier jeu, Damnés, a eu un petit succès. Nous sommes dans le positif. Bref, il n’y a plus qu’à reconduire pour 2019.
Les leçons que nous tirons de 2018 sont:
L’importance des conventions: c’est un investissement qui s’avère très fructueux car non seulement nous avons vendu plus d’exemplaires, mais en nous avons pu nous faire connaître et surtout faire tester nos jeux.
La communication (que nous avions boudée pour Terres de Sang) est également un point important pour nous qui ne sommes pas des mordus de réseaux sociaux.
Les dons sont à notre avis ponctuels (et donc uniques) et il ne faudra pas compter là dessus cette année. A voir comment nous allons faire pour garder les comptes à l’équilibre. D’autant plus que l’effet de nouveauté de Damnés va très vite s’estomper.
Bref, il y a encore pas mal de boulot cette année 🙂
Je profite de la fin de cet article pour vous remercier de votre soutien ! Merci de vous faire confiance et à très bientôt.
Merci à eux d’avoir pris le temps de tester le jeu et d’en faire un chouette podcast. J’aurai tellement voulu être sur place pour discuter avec vous de tous les sujets que vous avez évoqués ! Qu’à cela ne tienne, voici quelques unes de mes réponses à ce podcast. (Il faut bien sûr écouter le podcast avant de lire cet article… obviously !)
NB: J’utiliserai la première personne du singulier dans cet article pour une raison de commodité d’écriture. Manon rôde entre les lignes, faites gaffe !
La fiction
Je remarque aussi de mon côté qu’il est très difficile de faire une synthèse claire de la fiction engendrée par les parties de Damnés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous n’avons pas encore trouver de bon format pour faire des comptes rendus de parties comme nous pouvons le faire sur d’autres jeux.
En tout cas, au vue de la carte des relations et des retours, la fiction semblait être intense et dramatique !
Les Offrandes
Les Offrandes sont offerts par le Meneur lors de la première partie. Puis les Joueurs se font des Offrandes (entre eux) entre deux parties d’une campagne. L’idée est de permettre à un Joueur de voir comment les autres perçoivent son personnage au fur et à mesure de l’avancement d’une campagne.
Dans le texte, concernant la première Offrande du Meneur:
Il s’agit pour le Meneur de donner à chaque Joueur quelque chose dont le Joueur pourra s’inspirer pour créer sa Bête. L’Offrande est un acte de transmission de personne à personne et permet de se plonger dans l’ambiance de la partie.
Ici, dans le cadre d’un One Shot, et parce que traditionnellement le Meneur est une figure d’autorité, j’ai l’impression que l’Offrande peut agir comme un frein à l’imaginaire. Je comprends complètement cette sensation. Aujourd’hui, le jeu ne propose pas de d’alternative viable à ce genre de sentiment, mais voici une proposition: en One Shot, le Meneur fait une et une seule Offrande pour tout le groupe. Les Joueurs restent libres d’interpréter cette Offrande comme ils le souhaitent.
NB: les Offrandes ne sont pas exclusivement des poèmes. Ce peut être tout un tas de choses (image, musique, etc.).
Définition de la Bête et des Protagonistes
Le jeu propose de définir la Bête sous 3 aspects: le Totem, le Désir, les Stigmates. Les Protagonistes, quant à eux, sont essentiellement définis par leurs Pactes. Il faut voir cela comme une construction en miroir, ou du moins en canon:
Les Pactes représentent l’humain, le contrat social quotidien poussé à son paroxysme. Les désirs du personnage résident dans ces Pactes.
La Bête (et surtout son Désir, le reste étant plus une couleur qu’autre chose) représente la pulsion que nous avons tous au fond de nous et va pousser à casser la toile de Pactes qui existent autour de nous (Pactes que nous avons fait ou Pactes de ceux qui nous sont proches).
Du coup, pour répondre à Vivien:
Est-ce que la Bête est trop défini ? Oui et non. Une fois que tu as donné le Désir, le Totem et les Stigmates, il reste encore à jouer comment tout cela se met en branle. Mais c’est vrai que ces trois items sont le coeur de ta Bête et donnent une bonne idée de ce vers quoi ton personnage va tendre.
Est-ce que les désirs du personnage sont bien définis ? Oui, de par les Pactes existants et les ceux qui vont venir au cours de la partie.
Pactes de Sang
Les Pactes de Sang sont des promesses. Les promesses doivent être tenus… En tout cas, c’est ce que la société voudrait. L’épée de Damoclès qu’est le fait de devenir Paria est une menace purement sociale. Oui, une personne sournoise pourra faire des Pactes en l’air, mais est-ce que cela vaut le coup au vue du risque que cela comporte ? Est-ce que cela va amener des scènes intéressantes ? Quelles seront les conséquences d’un Pacte non tenu ? Et si il y avait des témoins à une transgression d’un Tabou ?
Dans le texte:
L’important est de rendre des situations intéressantes. Si les conséquences de l’impossibilité de tenir un serment ne valent pas la peine d’être exploré – après discussion avec les Joueurs –laissez tout simplement tomber.
Quant à la difficulté de faire des Pactes lors de la première partie, je rejoins complètement le constat de Viven en fin de podcast. Et d’ailleurs son voeu a été exaucé: au moment de la sortie du jeu, nous avons mis à disposition un kit de démonstration, disponible ici. En particulier, vous y trouverez:
Des exemples de Bêtes qui fonctionnent bien dans le Canevas proposé
Des exemples de Pactes de Sang et des idées pour en faire
A ce moment précis, quels sont tes sentiments
Cette règle permet en effet d’aller chercher un Protagoniste plus introverti (au passage, un PJ inactif – plus qu’introverti à vrai dire – n’est effectivement pas adapté à Damnés). Elle permet également aux Joueurs et au Meneur de comprendre le personnage. C’est un outil très puissant pour introduire du drame.
Généalogie de Damnés
Damnés est un enfant de Dogs in the Vineyard ou de Polaris, c’est certain. En fait, ce genre de jeu est tellement ancré dans notre pratique qu’on oublie souvent de leur donner crédit. Et malheureusement, Démiurge n’était pas sorti au moment de la conception de Damnés, mais c’est clairement un parent proche.
Parmi les inspirations:
Amour, Gloire et Chevalerie de Valentin T. pour le système de serment, et pour toutes mes passerelles que nous avons construites au moment de la conception du jeu
Libreté de Vivien Feasson pour le système de Bile Noire très similaire à la Charge et la Décharge de la Bête
Inflorenza Minima de Thomas Munier pour la manière dont le jeu amène le drame et les sacrifices
Undying de Paul Riddle, Vampire la Mascarade, Vampire le Requiem => là c’est évident, donc je ne vais pas m’attarder dessus
Le mot de la fin
J’espère que cet article apporte quelques précisions au podcast. En tout cas, je remercie infiniment la Cellule pour avoir pris le temps de jouer et de critiquer le jeu !
Les Joueurs incarnent chacun un Damné, le Meneur joue le reste
Un Damné est immortel.
Un Damné a un Désir et des Pactes
Un Désir est difficile à atteindre, mais un Damné peut faire appel à sa Bête pour s’en rapprocher. Faire appel à la Bête permet de faire des trucs surnaturels
Après 3 appels à la Bête, celle-ci prend le contrôle du Damnés et le Meneur raconte comment le Damné atteint son Désir de la manière la plus violente possible (“Un Damné atteint son désir – Ca tourne mal…”)
Si un Damné rompt un Pacte, il peut être « tué » par d’autres Damnés
Et voilà un vœu de longue date exaucé : grâce à la complicité d’un ami, j’ai eu pour moi tout seul (et mes expériences ludo-narrativistes) une troupe de théâtre d’improvisation. C’est donc sur la terrasse d’un pavillon cossu, un après midi de mai, que j’ai retrouvé sept théâtreux pour un atelier à but expérimental. L’idée était de tester des improvisations en mélangeant JDR et théâtre, voir les similitudes et les différences entre les deux hobbies, cerner les passerelles, alimenter ma petite base de tests en vue d’un prochain ouvrage (chuuuuut !) et surtout passer du bon temps au soleil.
Parmi les théâtreux, seules deux personnes avaient déjà fait du JDR. Quant à moi, je ne suis jamais monté sur les planches. Du coup, petit disclaimer : ce que je raconte sur le théâtre d’impro est issu de ma propre compréhension de la discipline. Si j’ai commis des erreurs ou des imprécisions, n’hésitez pas à me corriger !
Scène 1 : En route pour l’exploration !
Préambule
Terres de Sang est donc le jeu que Manon et moi avons publié l’année dernière. On y joue des explorateurs qui partent à l’assaut du Nouveau Continent et qui en chemin vont explorer plus que de simples terres inconnues : ils vont faire face à leur propre psyché, leur passé et leurs peurs. Dans les faits, Terres de Sang est un jeu sans meneur et sans univers prescrit. Seules des contraintes structurelles sont présentes pour guider les joueurs lors de la partie : on définit une croyance et un but aux protagonistes puis on suit une trame narrative.
Set up
En s’inspirant de Terres de Sang, j’ai proposé le set up suivant :
Un joueur sera le protagoniste principal
Il possède un but et une croyance que les autres ne connaissent pas
Il est le seul sur la scène au départ
La scène est délimitée physiquement (un bout de la terrasse et de la table de jardin)
Les entrées et sorties de scène sont libres
La Scène
La capitaine entre dans le bar (entrée en scène), complètement saoule et demande une énième boisson. Le barman (entrée en scène) lui sert sa boisson et lui rappelle la longueur de son ardoise. Elle répond alors que si elle parvient à monter son expédition, elle sera à même de tout rembourser et bien plus encore. On apprend alors que son mari a disparu en mer et qu’elle tente de le retrouver. Un mystérieux inconnu a entendu la conversation et se joint au groupe (entrée en scène). On ne sait pas grand-chose de ce type, simplement qu’il veut laisser son passé derrière lui et qu’il veut partir au plus vite. La capitaine accepte avec plaisir. Puis, une jeune femme (entrée en scène) cherchant du travail se joint à son tour au groupe. Cuisinière (et un peu alcoolique au passage), elle est rapidement intégrée à l’équipage. Enfin, le barman se joint à son tour, lui qui a promis de veiller sur la capitaine. Une fois son équipage réuni, celle-ci annonce, sous les yeux incrédules de ses nouveaux compagnons de voyage, qu’ils vont partir à la recherche d’une île mythique.
Retours
La scène a duré 10 minutes et 30 secondes, ce qui est plutôt long pour du théâtre d’impro (apparemment)
Globalement, la scène était très sympa et a emballé les gens. C’est pourquoi nous avons décidé de jouer la suite directe.
Finalement, c’est la scène classique de « la rencontre à l’auberge » de beaucoup de parties de JDR.
Il nous a semblé que les deux personnages ayant le plus de potentiel étaient le capitaine et l’inconnu aux sombres secrets.
Le fait d’avoir un protagoniste principal sur lequel les autres vont venir se greffer a bien marché.
Le fait que l’objectif et les croyances du capitaine soient « cachés » aux autres joueurs n’a pas apporté d’un point de vue fictionnel mais a aidé à installer la dynamique de la scène..
Scène 2 : Tempête et arrivée sur l’ile
Set up
Suite chronologique de la scène 1.
Pas de restriction sur la taille de la scène (potentiellement tout le jardin).
Une tempête fait rage. L’équipage parvient in extremis à s’en sortir et à accoster sur le rivage. Là, ils y rencontrent un autochtone (entrée en scène). La capitaine tente de faire des signes que son mari lui avait appris. L’autochtone semble les reconnaitre. Ils comprennent que ce dernier veut leur montrer l’entrée d’une grotte, dans laquelle l’équipage s’engouffre. Le barman tombe dans un trou au fond de la grotte.
Retours
La scène a duré 8 minutes et 40 secondes.
Le fait que la scène ne soit pas contrainte dans l’espace a permis aux joueurs de se mouvoir librement dans tout le jardin.
Le revers de la médaille est le fait que la scène a manqué de cadrage.
D’une part, en se mouvant partout dans le jardin, la scène a manqué de « punch » dans toute la phase où les personnages explorent.
D’autre part, les joueurs ne savaient pas quelle direction faire prendre à l’histoire. Il y a eu des moments de flottement.
Corolaire : j’ai l’impression qu’en théâtre d’improvisation, on cherche en priorité à amener des rebondissements du fait du format court (en temps). Sur un exercice plus long, j’ai l’impression que ces rebondissements peuvent ne mener à rien de très concret, ce qui est perçu comme « dommage ». Lorsque le rebondissement n’accroche pas, j’ai ressenti des moments de flottement.
Nous avons décidé de jouer la suite de la scène 2 en cadrant sur le chute du barman qui va se retrouver seul dans son trou.
(Tiens, truc marrant, ces moments de débrief entre deux scènes me font furieusement penser à des jeux sans meneur à scène où on se met d’accord sur la prochaine scène avant de se lancer)
Scène 3 : Le trou
Set up
Suite chronologique de la scène 2.
Scène fixe (le trou) avec entrée et sortie de scène à l’initiative des joueurs
La Scène
Le barman tombe dans une crevasse. Il y trouve le crane et les affaires d’un malheureux qui est tombé ici avant lui. Il reconnait alors les affaires du mari disparu de la capitaine. Il ne l’avait donc pas abandonnée mais avait péri dans une de ses expéditions. Elle va enfin pouvoir faire son deuil (et peut être arrêter la bouteille, qui sait ?). Après un moment de recueillement, le barman promet de veiller sur la capitaine. C’est alors que la capitaine et l’homme mystérieux descendent dans le trou pour récupérer le barman (entrée puis sortie de scène).
Retours
Scène de conclusion du fil rouge. 8 minutes et 30 secondes d’improvisation.
Les joueurs étaient rodés. Le sauvetage était spectaculaire !
Nous avons décidé de stopper l’arc narratif des explorateurs ici.
Petite déception de ne pas avoir développé l’homme mystérieux.
Globalement, une fin satisfaisante pour l’arc narratif de la capitaine.
J’ai l’impression que c’est ce genre de chose que je suis venu chercher. A étendre sur l’ensemble des personnages.
A ce propos, le personnage de la cuisinière n’a pas eu de réel développement. Certainement parce qu’elle manquait d’une accroche, d’un but ou d’une croyance. In fine, le barman (qui était en un personnage sans accroche au départ), c’est révélé être le « friendzone » de la capitaine, ce qui a donné du relief à son personnage.
Scène 4 : Le pianiste, le mafieux et la macrelle
Set up
Fort de notre précédente expérience, nous tentons de relancer un arc narratif. On garde le meilleur et on reteste.
La scène est fixe. Les entrées et les sorties de scène se font à l’initiative des joueurs.
On commence avec un protagoniste principal qui a un but et une croyance. Puis on brode autour.
La Scène
Un pianiste penché sur son instrument, joue un air joyeux. Une prostituée arrive à ses côtés (entrée en scène), fume et danse. Lui, trente ans de métier, est résigné, blasé par ce qu’il est réduit à faire. Lui qui rêvait de gloire et de musique. Elle, bientôt sur le déclin, pense à monter son propre business d’escorte, histoire d’assurer ses vieux jours. On apprend que le pianiste est un coureur de jupons et qu’il a dragué la mauvaise personne. Un règlement de compte et un passage à tabac plus tard, sa carrière était terminée.
Une femme s’approche du piano (entrée en scène) : elle a reconnu le pianiste. Leur liaison adultère a couté les rotules du musicien. On apprend rapidement que le mari de l’ancienne amante est le lieutenant du Parrain. Elle, par contre, en a marre de son mari et trouve en la future macrelle une complice de choix pour dépouiller son mari (et qui sait disparaître dans la nature plus tard).
(Basculement) Un sbire du Parrain et le pianiste se font face. Il y a un règlement de compte. Le sbire soumet le pianiste.
Retours
10 minutes et 40 secondes.
Une chose est sûre, la technique du point de départ fonctionne très bien : un protagoniste avec un but et des croyances, des protagonistes qui s’imbriquent au fur et à mesure, une scène fixe avec entrée et sortie à l’initiative des joueurs.
La technique du basculement est super intéressante : ici les deux joueurs ont interrompu la scène qui se jouait en entrant eux-mêmes dans la scène (et en bousculant les joueurs présents) pour faire un flashback. J’ai vraiment envie de réinvestir ça dans le jdr.
Par contre, une difficulté est de jouer un autre personnage une fois qu’on est déjà entré une fois en scène. Ici, il y a eu une confusion: on ne savait plus si le sbire parlait au pianiste ou s’il parlait à un autre personnage incarné par le joueur qui incarnait le pianiste précédemment. Du fait de la confusion, on a décidé d’arrêter la scène (et du coup l’arc narratif).
Corolaire : j’ai l’impression qu’une fois que la confusion est faite, l’envie de continuer l’arc narratif s’est amoindri. De la même manière qu’on sort d’un film ou d’un roman, j’ai l’impression qu’il faut se réinvestir dans la scène après ces moments de flottement, ce qui a un coût semble-t-il plus élevé.
Scène 5 : Les chercheurs d’or
Set up
Idem que précédemment.
La Scène
Une exploratrice chasse dans la jungle. Son porteur (qui est aussi sa sœur ?) entre en scène pour l’assister. Les deux protagonistes installent ensuite un bivouac et consultent leur carte : elles sont à la recherche d’une cité d’or. En attendant, le feu a du mal à prendre à cause de l’orage qui commence à s’abattre sur elles. C’est alors qu’un inconnu s’approche pour profiter du début de feu (entrée en scène) et les aide à le raviver. Il se présente comme un chercheur d’or. Il vient d’écumer la rivière en contre-bas, aidé par son fidèle (et cupide) serviteur (entrée en scène). Les deux chercheurs d’or tombent sur la carte, que la sœur de l’exploratrice brûle instantanément. Ils sont alors obligés de conserver l’exploratrice et sa sœur en vie et les obligent à les guider vers le trésor.
Retours
6 minutes et 40 secondes.
Malgré un set up identique à précédemment, les personnages n’ont pas eu le temps d’être aussi bien définis.
Les presque 7 minutes d’improvisation ont été très riches en rebondissements.
J’ai l’impression que le naturel est revenu dans cette scène : on fait de l’impro, on veut du punchy rapidement !
Scène 6 : la mère fumeuse
Set up
Idem que précédemment.
La protagoniste principale avait un but à très court terme pour cette scène.
La Scène
Une femme est agacée. Elle a envie d’une clope. Elle alpage un passant (entrée en scène) qui lui donne gentiment une cigarette mais il n’a pas de feu. Les deux protagonistes se mettent alors en quête d’un briquer. C’est alors que la fille de la fumeuse (entrée en scène) déboule pour demander l’horaire de passage du bus. Elle remarque alors la cigarette de sa mère et la gronde. « Tu m’avais promis d’arrêter ! » On apprend alors qu’une séparation difficile est à l’origine de la rechute. Après avoir détourné l’attention de la gamine, le passant confisque un briquet à des gosses qui jouaient avec des pétards. Lui et la mère s’allument alors leur cigarette. La mère n’a pas le temps de savourer sa cigarette que sa fille débarque de nouveau pour la sermonner. Le passant s’éclipse doucement dans le bus.
Retours
3 minutes et 30 secondes.
Le naturel est clairement revenu au galop. Les joueurs étaient en mode impro.
Ceci étant dit, un but à très court terme peut très bien s’inclure dans un arc narratif plus étendu.
Le fait de vouloir résoudre le but rapidement n’est pas forcément fructueux. Je crois que c’est un conseil qu’on donne aux théâtreux non?
Conclusion
Pour ma part, j’ai vraiment apprécié cette après-midi. Je remercie très chaleureusement les participants qui se sont laissés embarquer dans un je-ne-sais-quoi expérimental. Cette expérience est d’autant plus précieuse que la majorité des participants n’ont jamais fait de jeux de rôle.
De mon côté, il y a beaucoup de choses que j’ai envie de reprendre du théâtre d’impro (rooooh la bascule quoi !). La nature même des contraintes de cette discipline (temps limité, pas de narration, etc.) implique des techniques qui sont difficilement transposables en l’état au jeu de rôle. Après un travail d’adaptation, je suis convaincu que des techniques sont mutualisables. Et puis, du point de vue du designer, il y a également beaucoup à prendre. Je vois bien un jeu qui cadre des scènes fixes avec entrées et sorties de scène, avec des joueurs qui poussent d’autres, avec des flashbacks en live… Bref, ça cogite sec en ce moment !
Et c’est reparti ! Les dernières fois, j’ai parlé de briques élémentaires et de crashtests. J’ai donné quelques exemples et je vous ai sensibilisé sur divers types de grille de lecture d’un jeu. Aujourd’hui, on va regrouper tout cela et en faire un système !
Alors avant d’aller plus loin, je précise que j’entends par système l’ensemble des règles d’un jeu et plus, ce qui englobe:
Les règles résolution
Les règles d’univers
Les règles de narration et de prise de parole
La manière de créer une fiction en générale
Etc.
Assembler les briques
Donc, on va assembler ces briques élémentaires ensemble et voir comment les choses s’articulent. Et pour cela, je vous invite à lire cet article de Frédéric Sintes sur les niveaux d’un système de jeu.
En gros, on apprend que l’assemblage des diverses briques élémentaires produit un système complet, une sorte d’économie du jeu, qui possède ses enjeux. Comme nous avons construit les briques élémentaires avec un but, une visée, en tête, il nous faut maintenant nous assurer que l’assemblage de ces briques forment un tout cohérent.
Par ailleurs, une seule et même brique élémentaire peut amener des systèmes très très différents. Pour reprendre l’exemple d’un ami:
Mettons nous dans le cas où nous avons créé la règle suivante: les dagues infligent 1d4 dégâts tandis que les épées infligent 1d6.
Dépendant de notre cahier des charges, nous allons y mettre des briques élémentaires différentes pour atteindre notre but. Dans le cadre LNS, on peut avoir les cas suivants en jeu:
Mon jeu est ludiste: ces ennemis ont des épées ; attention, ils vont faire plus de dégâts. Mais si on les bat, on deviendra plus fort en leur prenant leurs armes pour remplacer nos dagues d4.
Mon jeu est simulationiste : dans ce monde les guerriers se battent tous à l’épée, pas à la dague. C’est logique et naturel vu que les épées font plus de dégâts. S’il s’agissait d’un jeu de combats urbains, je rajouterai une règle de gêne dans les espaces exigus pour que les dagues deviennent les armes naturelles des coupe-gorges dans les ruelles.
Mon jeu est narrativiste : face à l’infâme Yorg le Sorcier, mon guerrier jette son épée au sol et tire sa dague. Car c’est avec la dague fétiche de feu son père qu’il accomplira enfin sa vengeance, même s’il doit souffrir de n’utiliser qu’une arme d4 au lieu d’une arme d6.
Bref, la simple règle de dégât ne suffit pas à dire quel genre de jeu on a sous la main.
C’est l’ensemble des règles et leurs interactions qui va définir notre jeu.
Si nous étions dans le monde du jeu vidéo, tout serait plus simple: les joueurs ne sont contraints que par le set de règles que nous avons créés et (à part l’exploitation de défauts techniques) ils ne devraient pas trop sortir des clous. Sauf que dans notre loisir, l’émergence est un concept clé ! Nous improvisons ensemble une fiction. Tout n’est pas écrit à l’avance et le but des règles du jeu, du système, est d’encadrer cette création. Et puis, il y a les sentiments, les sensations, les émotions que nous ressentons lorsque nous jouons: être fier de notre intelligence à vaincre un monstre ou empathie complète avec la rupture amoureuse de notre avatar.
Une question nous saute alors à la figure:
Comment écrire des règles qui ne tuent pas l’émergence mais qui la cadre assez pour transmettre ses enjeux ?
Si nous formatons à l’excès l’expérience de jeu, il n’y a pas d’émergence possible, pas de sensation. Si des règles disent: “maintenant tu immerges”, nous sommes à peu prêt sûr que ça ne va pas marcher. A contrario, avec des règles trop larges (je simplifie outre mesure ici), il sera difficile de savoir dans quelle direction on va.
Et le juste milieu… Et bien c’est tout l’art d’écrire des jeux de rôle. Il n’y a bien sûr pas de recette miracle ici.
A défaut de miracle, on peut tout de même tenter de comprendre l’interaction entre les règles et l’émergence grâce au concept de Vide Fertile.
S’en suivent des années de migraines et de longues (très longues) discussions théoriques, de podcasts, d’articles connexes, de conférences… Je n’exagère même pas !
Pour faire très simple et très vulgaire:
L’ensemble des règles cadre une expérience de jeu.
Cette expérience de jeu est en partie émergente, improvisée.
Une partie de cet émergence est le résultat du système: CA c’est le Vide Fertile.
En gros, la portion de l’improvisation qui est commune entre toutes les tables d’un même jeu, c’est le Vide Fertile. C’est la raison pour laquelle quand plusieurs personnes parlent d’un même jeu (mais n’ont jamais joué ensemble), il y a une partie de leur discours qui se recouvre, il y a une sorte de communion entre ces joueurs. A contrario, si le Vide Fertile n’est pas prégnant dans un jeu, beaucoup de joueurs de ce jeu ne partagerons pas forcément les mêmes sentiments. Ma table de Warhammer doit être très très différente d’une autre, au point où nous ne nous retrouvons pas si nous parlons de nos tables respectives. Pourtant nous jouons au même jeu… En surface ! C’est là qu’on voit la puissance du Vide Fertile pour passer un propos. Deux tables de Dogs in the Vineyard pourront échanger tellement plus de choses que deux tables de Warhammer. Et pourtant, ces deux tables n’auront pas joué la même chose. Les joueurs ne se sont pas sentis sur-contraints par le jeu, ni spoliés de leur agentivité ou de l’impact que leurs décisions ont sur le monde.
C’est la force du Vide Fertile. C’est l’agencement du système qui crée l’émergence.
Dans Terres de Sang, le Vide Fertile est structuré autour de plusieurs mécaniques:
Le schéma narratif est fixe: on explore le Nouveau Continent, ce faisant on se découvre soi même, puis on fait face un dilemme
Les joueurs posent des questions sur les personnages pour faire en sorte que l’exploration se fasse en miroir de l’introspection
Les joueurs ont un devoir de sincérité: ils doivent dévoiler le passé et les sentiments de leur personnage
Ainsi, dans toutes les parties de Terres de Sang, les personnages auront à faire un choix moral difficile. Ce choix sera la résultante de l’exploration physique et psychologique: ce sera donc un choix qui fait très mal puisque on a exploré les enjeux du personnage. Par contre, le contenu de l’exploration et les enjeux du choix seront différents entre chaque table.
Comme d’hab’, voici un article de Frédéric Sintes. Oui j’aime ce que ce type fait. Fanboy ? Peut-être ! En tout cas, cet article est très limpide sur ce qu’est le Vide Fertile et comment il se manifeste dans certains jeux. L’exemple de Dogs in the Vineyard est au top !
Bon ! Du coup, comment on implémente ça dans notre jeu ? Pas simple comme question…
Le problème avec le Vide Fertile, c’est qu’il est difficile de juger de son impact à priori. Même si on fait notre jeu avec le Vide Fertile en tête, les effets systémiques sont très difficile à évaluer dans leurs intégralité. Du coup, la solution la plus simple est de faire comme dans le monde industriel et scientifique: quand on ne sait pas résoudre de manière analytique, on fait tourner des simulations.
Faire des playtests
L’équivalent pour nous d’une simulation, c’est le playtest intégral. Se mettre autour de la table et jouer une partie complète, entière, et collecter les retours. Il y a pleins de manières de faire des playtests qui ont chacun leur spécificité, mais je vais essentiellement parler :
Du playtest d’observation générale
Du playtest de confirmation
Dans le playtest d’observation générale, le but est d’observer les comportements généraux de la table, les moments de flottements comme les moments de “flow”.
Dans le playtest de confirmation, l’idée est de venir observer un phénomène très précis qu’on aurait défini auparavant (genre mon système doit permettre ce genre de comportement) et de confirmer ou infirmer cette hypothèse.
Globalement, pour ces deux types de playtests, je conseille:
De ne pas être MJ mais simple observateur (ceci implique vous avez transmis le jeu en amont, ce qui met en avant la problématique de la transmission). En effet, il est difficile d’avoir du recul lorsqu’on a des joueurs et un setting à gérer.
De jouer avec des inconnus, des gens qui ne connaissent pas vos routines, vos habitudes
De ne pas jouer avec des gens trop gentils ou trop conciliants: le but du playtests est de mettre en exergue les défauts du jeu, pas se faire cirer les pompes !
De ne pas stopper la partie en cours, même si certains passages pêchent un peu: faites une ellipse ou un micro cadrage méta et reprenez.
Pour la phase de collecte d’information, d’avis des participants en particulier, voici quelques questions que je me pose en général:
Ce retour est-il pertinent dans le cadre de ce que je veux transmettre ? Par exemple, j’ai eu des retours pour Terres de Sang qui disaient que l’exploration n’était pas terrible car les joueurs n’avaient pas la sensation de découvrir des lieux intéressants à cause de l’absence de MJ. Ce type de retour est intéressant, non pas parce qu’il remet en cause les règles et la philosophie du jeu, mais parce qu’il soulève une problématique dans la transmission de l’intention. La question devient alors: comment aurais-je pu faire pour mieux transmettre mon jeu ?
Par extension, demandez-vous: est-ce que le joueur qui me fait le retour fait partie du public que je cible ? Un joueur qui aime les jeux ludistes risque de ne pas aimer les jeux narrativistes (je schématise à mort, les jeux ne sont jamais à 100% ludistes, simulationnistes ou narrativistes bien sûr !)
Lorsque j’ai des retours qui concernent les émotions ressentis, je me pose la question: “A quoi est-dû ces émotions ? Est-ce pertinent de les prendre en considération ?”. Je ne dis pas ici qu’il faut nier le fait quelqu’un ait ressenti telle ou telle émotion. Il convient bien sûr de prendre conscience de cela. Mais il faut aussi départager les émotions qui sont induites par le système de jeu et les émotions induites par des éléments externes (comme la fatigue psychologique de la personne, le feeling autour de la table, etc.). Si une personne se sent mal à l’aise à cause de blagues sexistes et lourdes, est-ce dû à votre jeu qui met trop en avant une certaine vision de la masculinité ? Ou est-ce autre chose ?
Par extension, j’essaie toujours de faire un débrief à la troisième personne, une sorte de sas de décompression, pour tenter de prendre du recul par rapport aux personnages qu’on a incarné et pour ne pas mélanger les sentiments en jeu et les retours sur le jeu.
Bref, l’idée ici est de tirer un maximum d’information utile sur le jeu et la manière dont une partie a été jouée. Faites un maximum de playtest avant de changer quoi que ce soit: la répétabilité des comportements est super important pour faire la part des choses entre l’exceptionnel et le systémique.
Du pain sur la planche
Cela peut paraître simple au premier abord mais ce processus d’assembler des systèmes et faire des playtests est long, très très long. Vous avez du pain sur la planche les amis. Il faut persévérer, créer, tester et tester encore, assembler les briques élémentaires, playtester le système et être conscient de ce qu’il peut produire (émergence et Vide Fertile). Bref, les maîtres mots sont: