Compte rendu de Terres de Sang est Millevaux
Supplément pour Terres de Sang dans lequel on explore l’enfer forestier de Millevaux (univers créé par Thomas Munier).
Variante « Jeu rapide » où les Cartes Ancrages sont tirées comme des Augures et où l’Ancrage est déterminé comme dans le jeu original.
Partie jouée le 24 mars 2018 à la convention Au delà de Dragon à Montpellier.
Personnages
- Mara – biologiste mystique
- La Boule – ingénieur curieux
- Doc – jeune médecin
- Le Père – très vieux pasteur
Inspiration
Le jeu propose aux joueurs de créer le point de départ des explorateurs. Nous sommes partis sur une ambiance à la Annihilation (le dernier blockbuster de Netflix): le setting se veut futuriste et mystique.
L’histoire
Le monde civilisé a ignoré Millevaux depuis trop longtemps. Souvent des signes de l’existence de la forêt sont retrouvés en plein coeur des cités sans que personne ne puisse en expliquer la raison. Récemment, une boite en noyer qui murmure des psaumes étranges a été retrouvé en ville. Une expédition est donc montée pour découvrir ce que cache la forêt secrète de Millevaux.
Sont du voyage Mara, une biologiste ayant des connaissances chamaniques, la Boule, le pilote et ingénieur, Doc, la médecin, et le Père, le pasteur. A l’approche de Millevaux, le vaisseau percute un objet non identifié et s’écrase en plein coeur de la forêt, en son point le plus central. Le choc est sévère mais les quatre voyageurs s’en tirent indemnes. L’équipement est rapidement sorti des décombres et l’exploration peut alors commencer.
Un chêne millénaire, gigantesque et majestueux trône au coeur de la forêt. Lorsqu’on s’approche de lui, on peut entendre le battement d’un coeur humain. Ses pulsations résonnent en écho parmi les arbres. Les explorateurs tentent de comprendre le phénomène, de rentrer en communication avec le chêne. Le Père prie. Mara fait une danse rituelle. Doc sort des seringues pour faire un prélèvement. Boule, quant à lui, est sceptique: il ne peut pas expliquer le phénomène, ce qui le perturbe.
Malgré les réticences du Père, Doc fait un prélèvement de la sève. L’aiguille s’enfonce dans l’écorce comme dans la chair. L’arbre pousse un cri de douleur. Boule fait un pas en arrière, terrifié. Il vient de reconnaître la voix de sa soeur défunte. Complètement bouleversé, Boule s’adosse à un arbre et tente d’encaisser le coup. Sa soeur est morte dans un accident de voiture, très jeune. Elle a été emmenée dans le bloc chirurgicale de Doc mais celle-ci n’a pas pu la sauver, malgré tous les efforts humainement possibles. L’autopsie a montré que le sang de sa soeur contenait des résidus minéraux et végétaux, à la surprise de tous. C’est la raison pour laquelle Boule et Doc se sont embarqués dans cette aventure, l’un pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à sa soeur, l’autre tel un acte de rédemption. D’ailleurs, Boule cultive depuis lors un goût aiguisé pour la science: tout comprendre est devenu pour lui une raison de vivre.
Le cri a déchiré l’air. Le Père s’effondre au sol, inconscient. Mara entre en transe et danse frénétiquement autour de l’arbre. Boule s’est assis au pied d’un arbre, un peu plus loin, complètement abasourdi. Seule Doc reste opérationnelle. Elle doit prioriser: le Père étant le plus âgé et le plus susceptible de succomber, elle se précipite vers lui.
Alors que Boule est perdu dans ses pensées, il sent l’écorce de l’arbre petit à petit l’entourer, comme des bras qui l’enlacent. Il se sent connecté à l’arbre, à la forêt, et peut-être même à sa soeur ; à travers lui, sa soeur vient lui parler. Elle lui en veut de l’avoir laissée mourir. Toute sa rage adolescente, les restes de sa conscience pre-mortem, se focalise sur Boule. L’écorce continue à se resserrer autour de l’ingénieur. Il comprend alors qu’il a deux choix: soit il peut se laisser envahir par l’arbre, se faire consumer par lui et ainsi tenter d’apaiser la conscience végétale de sa soeur, soit il peut s’extraire pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à celle-ci.
La renaissance de Boule est douloureuse. Il s’extrait de l’écorce et abandonne sa rédemption mystique. Il sait qu’il comprendra tout cela, un jour.
Pendant ce temps, Mara est dans une transe chamanique. Elle fait le tour du chêne millénaire en dansant et en chantant. Elle est en communion avec l’arbre, jusqu’à ce que Boule se détache de l’écorce. Alors, la transe s’arrête net et la biologiste tombe inconsciente à son tour. Doc se précipite maintenant vers elle, puisque le Père est (normalement) en sécurité, et lui prodigue les premiers soins. Une analyse sanguine rapide montre que Mara est touchée par une maladie étrange. Sa connexion avec l’arbre fait muter son sang qui petit à petit devient végétal. Cela n’est pas sans rappeler ce qui est arrivé à la soeur de Boule.
Doc fouille dans son sac. Depuis l’incident de la soeur de de Boule, Doc travaille sans relâche. C’est la seule et unique patiente qu’elle a perdu durant sa carrière et elle s’en veut. Elle qui met la vie humaine au dessus de tout, ce fut un vrai choc à l’époque. Maintenant que ce vieux fantôme du passé rejaillit, elle ne va pas se laisser faire. Elle compte bien sauver Mara. Doc sort de son sac des injections d’anti-corps. Si elle administre cela à Mara, la maladie ne devrait pas résister.
Seulement, la biologiste ne compte pas se laisser faire comme cela. Cette maladie, qui ronge son sang, ses cellules, lui rappelle le cancer que sa mère a combattu il y a quelques années. Elle s’en est sortie la tête haute et est décédée plus tard d’une belle mort, mais son salut ne vient pas de la médecine traditionnelle mais de la spiritualité. Mara s’est métamorphosée depuis, passant d’une jeune femme stricte et timide en une sorte de rebelle hédoniste. Depuis, elle tente de rester le plus possible en communion avec la nature. Et justement, cette “maladie”, cette transformation de son corps la rapproche de plus en plus de la forêt. Elle se sent faire partie d’un tout, de Millevaux tout entier. Lorsque Doc tente de lui administrer le remède, la réaction de Mara est aussi rapide que l’éclair. Non, elle ne souhaite pas perdre ce contact avec la forêt, quitte à mourir au milieu des arbres. Elle repousse donc violemment Doc.
Le soir va bientôt tomber. Le groupe va monter un bivouac. Boule reste muet, toujours bouleversé par son expérience. Mara se met à l’écart des autres, très certainement méfiante. Le Père est encore groggy et marche tel un zombi. Seule Doc semble opérationnelle. Les explorateurs s’éloignent du chêne millénaire et arrivent près d’une falaise. Ils décident de monter le camp au bord de celle-ci, pour des raisons stratégiques (il n’y a qu’un seul côté à surveiller).
Boule se propose de ramasser du bois mort pour faire du feu. Il taille des branches vertes également, pour passer le temps. Il se rend soudain compte que chacun de ses coups de couteau sur les branches se transforme en taillades sur les poignées de Mara. Celle-ci souffre dans son coin sans en parler à Boule mais elle souffre de plus en plus et très vite elle ne peut plus se taire. Ses manches sont à présent gorgées de sang. Le Père est horrifié. Il se dit que tout ceci ne peut être l’oeuvre du divin. Il prend secrètement les injections de Doc et tente de les administrer à Mara.
Celle-ci refuse à nouveau et une lutte s’engage entre le pasteur et la biologiste. Le vieux patriarche trébuche sur une pierre et tombe dans la falaise. Il se rattrape de justesse à la jambe de Mara et tente de l’entraîner avec lui. Les deux explorateurs sont maintenant accrochés à la paroi de la falaise, les pieds dans le vide. Boule étant parti chercher du bois, seule Doc peut réagir. Malheureusement, elle ne pourra pas sauver les deux en même temps. Elle qui a toujours mis la vie humaine au dessus de tout. Doc n’a pas le temps d’hésiter. Elle se laisse emporter par sa rancoeur, sa frustration ne n’avoir pas pû administrer son remède. Elle sauve le Père et laisse tomber Mara dans la falaise.
Le soleil se lève.
Le groupe, en deuil, décide de descendre le long de la falaise. D’une part, ils auront peut-être une chance de retrouver le corps de Mara et lui donner une sépulture décente. D’autre part, ils veulent s’éloigner le plus possible de l’arbre millénaire.
En arrivant en bas, les explorateurs découvrent Mara au milieu d’un cercle de pierres et d’eau. Elle est assise en tailleur. Son corps est rongé par la maladie végétale. Boule se précipite vers elle. Il est le seul assez fort pour déraciner Mara de son emplacement. Malheureusement, lorsqu’elle sort du cercle, elle commence à perdre sa vitalité. Le Père tente de restaurer sa position initiale mais la biologiste ne semble pas réagir.
Le vieux pasteur regarde Mara. Elle lui rappelle ses jeunes années adolescentes et rebelles. Car oui, avant de rentrer dans les ordres, le Père n’était pas des plus sages. Au contraire, il a tenté de braver les interdits parentaux (son père était pasteur également) car le dogme lui semblait trop strict pour mener une vie réelle, une vie sans mensonge, la vraie vie. Mais le temps et la sagesse bien pensante ont eu raison du Père qui est rentré dans les rangs. Maintenant qu’il est là, loin de chez lui, c’est son ancien lui qui reprend le dessus.
Après tout qu’a-t-il à perdre ? Il prend Mara dans ses bras et la place, tant bien que mal, au centre du cercle de pierre et d’eau. Il se laisse alors aller, il prie comme il n’a jamais prié avant: avec le coeur.
Mara reprend racine et, dans les bras du Père, tous deux sont peu à peu recouverts de lianes et de bruyères. Un nouvel arbre dans Millevaux.
Fiches de personnage
Boule, Ingénieur
Le monde est plein de secrets pour les hommes à comprendre, ainsi va le monde.
Nul secret ne doit échapper à l’homme, quelque soit le prix, ainsi va le monde.
Mara, Biologiste / Chaman
Un dessein pour chacun. Mais seul, nous sommes architecte de nos vie, ainsi va le monde.
N’oublie pas, même les ténèbres mènent à la lumière, ainsi va le monde.
Doc, Médecin
La vie de quelqu’un est primordiale, ainsi va le monde.
Il faut connaître ses priorités et les assumer, ainsi va le monde.
Le Père, Pasteur
Les voies du ciel sont impénétrables, ainsi va le monde.
Il faut prier avec le coeur, ainsi va le monde.
Retours
- Deuxième playtest de Terres de Sang est Millevaux. Le jeu tourne bien, c’est une agréable constatation. J’y vois deux raisons: d’une part il est motorisé par Terres de Sang qui a été testé et éprouvé, et d’autre part parce que l’univers de Millevaux est fort et cohérent. Bien sûr des accrochages auraient pu survenir mais pour le coup, ce n’a pas été le cas.
- Les joueurs ne connaissaient ni la scène indépendante, ni les jeux sans meneur, ni l’univers de Thomas. Et finalement ça tourne bien quand même ! Merci à eux pour leur ouverture d’esprit.
- Le fait de demander une référence culturelle forte en début de partie fonctionne bien. Après Altered Carbon du premier playtest, ici nous avons Annihilation. Cela permet de donner une ambiance forte dès le départ. Puis la présentation de Millevaux peut se permettre d’être plus brève: ici je n’ai présenté que les bases sans rentrer dans les détails.
- C’est assez amusant de voir que les deux playtests ont donné des fictions en surface assez similaire: la forêt qui est le refuge de choses qui nous dépassent. Je pense que l’essence de Terres de Sang (explorer sa propre conscience) combinée à celle de Millevaux conduit naturellement à ce genre de fiction. Bien sûr, en regardant plus au fond des choses, les deux fictions se distinguent de par les thèmes abordés.
- Mon personnage (le Père) s’est révélé être un personnage sacrificiel. Son Conflit arrive à la fin et s’est un peu greffé à la volée. Ce n’est pas un souci en tant que tel. Le livre de base de Terres de Sang propose des pistes pour gérer ce genre de situation.
- Un phénomène à souligner durant cette partie: afin de monter le Conflit d’un personnage, les autres joueurs se sont souvent mis à l’écart pour se mettre d’accord sur ce qui va se passer dans la fiction. Par exemple, pour le Conflit de Doc, la joueuse de Mara et moi-même avions quitté la table le temps de se mettre d’accord sur le fait qu’on allait se battre pour que Doc ne puisse en sauver qu’un. Cette méthode paraît élégante et permet des effets dans la fiction plus poussés. Cela permet également la connivence et la complicité entre joueurs.
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