[Ciné/JDR] On refait le film : Le Royaume des Abysses / Wanderhome

Une critique ciné et un actual play, on continue sur notre lancée dans On refait le film ! Et cette fois, je vous parle du Royaume des Abysses (2024) de Tian XiaoPeng.

Résumé du film

Le Royaume des Abysses pourrait être vu comme un Voyage de Chihiro à la sauce chinoise, mais ce serait passer complètement à côté de la richesse et de la pertinence de ce film d’animation. Sous ses airs de conte un peu mignon, un peu flippant, se cache un film d’une réflexion assez forte je trouve sur la société chinoise moderne et les pressions générationnelles. Autant dire que j’ai adoré (j’ai pleuré tant de larmes durant mon visionnage !).

Le film raconte l’histoire d’une jeune fille, ShenXiu, qui part en croisière avec son père, la nouvelle femme de son père et leur nouveau né. Elle est hantée par la figure de sa vraie mère qui a divorcé et dont elle n’a plus vraiment de nouvelle. Et elle s’en veut terriblement car elle pense que c’est de sa faute. Lors de la croisière, elle tombe à l’eau et découvre un monde onirique, ainsi qu’un bateau restaurant et son capitaine ,et ensemble, ils vont partir en quête de ce qui pourrait ramener sa mène.

NanHe, le héros inattendu

La petite ShenXiu pourrait sembler être le centre de l’histoire, mais pour moi, le véritable protagoniste est NanHe, le capitaine du bateau restaurant. Tiraillé entre la nécessité de faire tourner son business dans un monde capitaliste (il doit faire de l’argent) et l’obligation inattendue de prendre soin d’une enfant, il incarne une génération entière de chinois. Ma génération en réalité. Celle qui a grandi avec le mantra de l’excellence scolaire, de la réussite financière avant tout et qui se retrouve aujourd’hui bien désarmée face aux exigences humaines, comme élever un enfant, se faire des amis ou simplement ralentir la cadence et profiter de la vie. Vous voyez pourquoi ce film m’a autant touché ?

Un miroir de la société chinoise

Le Royaume des Abysses capte quelque chose de profondément actuel : la pression démesurée mise sur les enfants pour réussir (imaginez : il y a des examens en Chine pour rentrer en maternelle !), l’obsession de « ne pas perdre la face » (surtout celle de ses parents, d’où la pression de toujours faire mieux que le petit voisin) et les ravages silencieux que cela engendre. ShenXiu, la petite fille, est certes littéralement à la dérive, mais c’est NanHe, le capitaine, qui concentre les paradoxes d’une société, un bateau resto, qui lui demande tout, y compris son corps et son âme.

Le film est truffé de métaphores qui, pour quiconque connaît un peu la culture chinoise, sont un pur régal. Les poissons moches dans le resto de NanHe ? Une allégorie hilarante de la tata bigoudi qui joue au mahjong, et du tonton fumeur en chemise en soie (si vous êtes de culture chinoise, vous savez très bien de quoi je parle !). Les clients de NanHe sont obsédés par l’apparence (ils font des selfies non stop). Ils sont insatiables, jamais contents des plats qu’on leur sert (et pourtant NanHe se décarcasse). Ils incarnent une génération gavée de luxe cheap, une génération d’éternels insatisfaits – un clin d’œil grinçant aux memes des « parents chinois toujours déçus ».

« Lying down » et retour aux racines

Le film explore je pense des questions existentielles que se pose une partie des adultes de ma génération. En particulier, que reste-t-il à une génération épuisée par le capitalisme ? Pour NanHe, la réponse arrive vers la fin du film : il faut en fait laisser aller, « laisser couler ». Pour moi, c’est une référence subtile au mouvement Lying Down (Tang Ping) qui a eu lieu en Chine il y a quelques années, prônant un refus de l’épuisement pour retrouver une certaine forme de liberté.

Il y a aussi cette scène empreinte d’imagerie maoïste que je trouve croustillante, où le film s’amuse avec autodérision à convoquer les souvenirs d’un communisme idéalisé lors d’un passage où les efforts de chacun sont nécessaires pour sauver le bateau.

Mignon et déchirant

Le Royaume des Abysses est un film d’une tendresse rare, porté par un propos pertinent et une narration pleine de finesse. Derrière ses couleurs chatoyantes, il raconte la douleur d’une société en mutation, entre espoirs d’avenir et poids du passé. C’est doux, c’est cruel, c’est essentiel.

Et en JDR ?

Difficile de trouver un JDR qui commente avec autant de finesse l’air du temps en Chine. Il manque dans mon paysage ludique ce jeu de miroir entre les personnages et la société. Si vous avez des jeux dans ce goût, qui fait du voyage onirique et qui met en miroir la société, la psychée des personnages et une critique du trauma générationnel, je prends ! En attendant, nous avons fait une partie de Wanderhome pour évoquer l’ambiance mignonne mais pas dénué de profondeur qu’évoque le film.

[Ciné/JDR] On refait le film : Limbo / Psychomeutre

Une critique ciné et un actual play, voici la formule que je vous propose dans On refait le film ! Et pour la première édition, je vous propose de nous attarder sur Limbo de Soi Cheang (2021).

Résumé rapide

Le film suit une enquête de Will, un jeune officier prometteur qui vient de rejoindre l’équipe, et de Cham Lau, un vétéran, une forte tête aux méthodes violentes et peu conventionnelles. Ensemble, ils sont sur la trace d’une série de mutilations et de meurtres visant des jeunes femmes dans un Hong Kong poisseux et magnifique. De plus, une jeune femme issue des taudis, du nom de Wong To, vient à aider les enquêteurs, dans un mouvement à la fois d’auto destruction et de recherche de rédemption, entre la peur et l’alliance de circonstance. D’autant plus que Cham semble lui-même perturbé par la jeune femme qu’il connaît et qui nourrit une vive appréhension à son égard.

Band annonce du film

Une esthétique en noir et blanc qui claque

Ce qui frappe d’emblée, c’est le choix du noir et blanc, une image trop propre, sans grain, presque chirurgical, qui contraste avec le sujet filmé : Hong Kong comme une décharge à ciel ouvert. Ce style permet de jouer sur les contrastes de cette ville gargantuesque. D’un côté, les quartiers chics de Hong Kong, éclairés d’une lumière immaculée, de façon presque clinique, et de l’autre, les bas-fonds, filmés avec un contraste marqué et une lentille anamorphique qui accentue le côté crasseux et déformé de la ville. Ce jeu visuel renforce l’impression d’un univers où la beauté et la déchéance se côtoient sans concession.

Entre ambition symbolique et fin qui fait pssschit

Limbo se veut bien plus qu’un simple thriller policier à mon sens. La violence débridée, tant physique que morale, interroge. Wong To est filmée comme une “Final Girl” dans un slasher : elle subit tout type de sévice, corporel par le tueur en série, mais aussi psychologique par l’inspecteur Lam Chau qui tente d’extraire d’elles toutes les informations dont elle dispose. C’est comme si le film nous parlait des violences du patriarcat et des cicatrices laissées par un passé colonial, qui refait surface au travers du système carcéral et des institutions policières. Les personnages, de l’officier idéaliste au vétéran en mal de vivre, semblent évoluer dans un monde où la morale n’a plus de prise sur les humains.

Malgré ce duo d’enquêteurs trop classique pour être intéressant, je pensais entrevoir les critiques d’un système inhumain, en chasse de quelqu’un, quelque chose d’encore plus terrible. Si c’était cela, j’en aurai été très satisfait, mais à mesure que l’enquête progresse, les intentions du film se brouillent. Alors qu’on s’attend à une dénonciation de cette oppression et de la violence qu’elle engendre – qu’elle soit physique ou morale – la fin vient tout casser. La rédemption de Cham et sa quasi-absence de remise en question, ainsi que la caricature que s’avère être le tueur, m’ont laissé partagé entre l’envie de décrypter un sous-texte profond et la sensation d’une certaine vacuité. A quoi bon déployer une telle esthétique, violente et poétique, si c’est pour dire si peu de chose sur Hong Kong ?

Et en JDR ?

Je ne saurai que trop conseiller les jeux de Thomas Munier pour retrouver cette crasse et cette poésie. Tout d’abord Little Ho Chi Minh ville pour le côté grouillant d’un immeuble bidon ville (https://thomas-munier.itch.io/little-h-chi-minh-ville). Ou alors Psychomeutre pour jouer des profilers qui traquent des tueurs en série (https://thomas-munier.itch.io/psychomeurtre). On garde le côté crade mais l’ambiance est moins incarnée dans un seul lieu, comme pour Hong Kong dans Limbo.

Chez notre label, il y les Champs du Purgatoire, que nous avions écrits pour une game jam, qui permet d’explorer la dualité de l’enquêteur et une certaine esthétique crade et amorale.

Actual Play

Et pour l’occasion, nous avons testé Psychomeutre de Thomas Munier. Suivez-nous pour d’autres émissions dans le même format, entre cinéma et JDR.

the hanged man card

Bilan 2024

Et c’est à nouveau cette période de l’année. À vrai dire, je n’ai pas du tout vu passer 2024 et c’est déjà l’heure du bilan. Une année en demi-teinte avec des hauts très hauts et des bas très bas.

Un début d’année sur les chapeaux de roue

Suite à la précommande de Magie de Minuit, nous nous sommes activés pour finir la maquette, imprimer les cartes et le livret, et surtout Manon s’est décarcassée pour coudre les pochettes ! Au final, ce sont un peu moins de 200 exemplaires (et donc autant de pochettes cousues) qui se sont écoulés cette année, dont environ 130 à la précommande. Une très belle aventure qui nous a permis de travailler avec Momi, l’auteur, et de retravailler avec Hulver, l’illustratrice, qui sont toutes deux de magnifiques personnes. Pour couronner le tout, Magie de Minuit est notre jeu le mieux vendu depuis la création du label (soit depuis 2018, déjà !). Pour cela, nous vous remercions infiniment pour votre soutien.

Un milieu d’année difficile

Pour tout vous dire, je crois que ma vie s’est arrêtée à l’été 2024 avec les législatives. Tout d’abord, la mobilisation a été terriblement énergivore, sur les rond-points, en manif ou en ligne. La pétition que nous avons contribué à écrire et relayer a recueilli 235 signataires, ce qui est à la fois peu et beaucoup dans notre loisir (qui trop souvent se veut « apolitique »). Ensuite, au moment des résultats, ce fut à la fois le soulagement mais aussi la claque. J’habite dans une zone qui a fait élire un député RN au premier tour. Plus d’un tiers de votants en France veut plus ou moins violemment, plus ou moins indirectement, nous dégager de notre pays. J’ai eu terriblement peur pour moi, pour mes enfants, pour ma famille, pour mes ami.e.s. Je ne peux qu’observer impuissant à la libération de la parole raciste en France et cela me désole.

A cela s’ajoute les conditions matérielles qui ne permettent plus de vendre Toi qui comme un coup de couteau dans mon coeur plaintif es entrée, car le coût de production a grandement augmenté. Nous sommes reconnaissants pour le succès d’estime (en tout cas, c’est impression que j’ai) que le jeu a pu avoir et pour le fait que le jeu continuer à être joué. Encore une fois, merci à vous pour votre soutien !

Un Rayon rayonnant

La convention Octogones 2024 a été une grande bouffée d’air frais pour moi. Ce fut l’occasion de mes retrouvailles annuel avec les copain.e.s du collectif Le Rayon Alternatif. Je me rends compte que cette année encore, le bouillon de culture et créativité de ces retrouvailles a été très bénéfique. Je ne saurais que vous conseiller les jeux des copains, que je trimballe également au fil des conventions.

En route pour 2025

C’est donc fatigué mais galvanisé que je termine 2024. Et l’année 2025 ne sera probablement pas de tout repos également, et c’est pour le mieux car nous avons un nouveau projet sur le feu. Nous vous en parlons plus en détail très rapidement, mais si vous nous suivez (en convention ou sur les réseaux), vous avez déjà vu passer le titre du jeu :

Les chiffres

Comme tous les ans, je profite de cet article pour faire un exercice de transparence avec vous. Cette année, nous avons dégagé un bénéfice de 124€ ! De quoi, comme tous les ans, se payer un bon resto en famille. Nous en sommes ravis ! Le coût de production des cartes et des livrets de Magie de Minuit a été entièrement remboursé, donc ce qui arrive maintenant n’est que du bonus (modulo la matière première pour les pochettes, les droits d’auteurs et les charges bien sûr). Bref, je n’espérai pas arriver à l’équilibre cette année et bien je suis content d’avoir tord !

Par ailleurs, les autres jeux continuent à se vendre tranquillement :

Les autres petits jeux que nous avions écrits (et qui sont disponibles gratuitement sur notre page itch.io) continuent également à vivre leur vie. Nous n’en avons pas écrit d’autre, pas encore, mais qui sait…

Pour les amateurs de courbes :

Voici pour le bilan. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous les poser, nous serons ravis d’y répondre. Nous avons hâte de vous retrouver, en ligne ou en convention.

Je me permets de glisser également ici le jeu vidéo auquel j’ai contribué pour une game jam cette année. Il s’agit d’une sorte de visual novel pour lequel j’ai fait un bout du design et pondu quelques centaine de lignes de code. Vous pouvez jouer à Mindfarer sur sa page itch. (D’ailleurs n’hésitez pas à voir ma production vidéo ludique modeste sur notre page itch).

A très bientôt !

Simon (sous l’oeil avisé de Manon)

tax documents

Bilan 2021

Et voilà une année de plus qui vient de s’écouler ! Elle fut difficile à bien des égards et nos pensées vont à ceux qui en ont le plus besoin. Nous vous souhaitons le meilleur pour 2022 : puisse-t-elle être source de joie et de légerté.

Comme chaque année, je vous propose dans cet article un bilan pour notre label AngeldustJDR, en espérant que cet exercice de transparence vous donne un petit aperçu des coulisses !

Tout d’abord, côté €€€, nous finissons l’année à +140.21€. C’est un resto de fin d’année et c’est franchement bien : un grand merci à vous. Merci, mille fois merci et encore merci. Pour tout, pour votre support, votre gentillesse, vos retours (aussi acerbes soient-ils), votre bienveillance. Merci.

Pour faire un tour d’horizon un peu plus complet, la majorité des dépenses cette année a été faite pour la convention Octgones (stocks, déplacement, logement, etc.). C’est la seule convention IRL à laquelle nous avons participée, mais quelle édition ! Non seulement cela a fait tellement de bien de revoir les copains mais en plus nous avons pu mettre des visages sur des pseudos (modulo les masques) et des rencontres virtuelles.

2021 fut une année chargée pour le label. Une année de rencontres bien sûr, notamment avec Simon Pettersson avec qui nous avons collaborer pour sortir la VF de son jeu de vampire : Toi qui, comme un coup de couteau, dans mon cœur plaintif es entrée. Une année remplie d’émotion aussi car nous avons mener notre première campagne de financement participatif avec Héros d’Argile. Une année de consécration puisque nos jeux sont enfin disponibles en boutique, chez Philibert (Strasbourg). Une année passionnante, enfin, avec des interventions en tables rondes (une outre atlantique pour l’université de Montréal et une à la Cyberconvention).

Comme à l’accoutumée, voici quelques chiffres de ventes pour 2021.

Pour Terres de Sang :

  • 31 pdf gratuits
  • 0 pdf payant
  • 4 impressions à la demande sur Lulu
  • 13 en vente directe

Pour Damnés :

  • 3 pdf payants
  • 9 impressions à la demande sur Lulu
  • 18 en vente directe

Pour Les Larmes du soleil:

  • 11 pdf gratuits
  • 3 pdf payants
  • 2 en vente directe

Pour Toi qui:

  • 64 pdf gratuits
  • 10 pdf payants
  • 4 impressions à la demande sur Lulu
  • 5 en vente directe

Pour Héros d’Argile, il est encore trop tôt pour parler de bilan. Dans tous les cas, nous remercions à nouveaux les 78 contributeurs qui ont permis au jeu d’avoir une existence physique. La période de financement fut intense et a mis nos nerfs à rude épreuve ! (Sérieusement, comment vous faites pour pas péter un câble ?). Pour le moment, le jeu est disponible en pdf sur itch et vous pouvez récupérer des exemplaires communautaires gratuits si cela vous chante. Nous travaillons avec Posidonia Editions pour faire en sorte que les livres arrivent au plus vite. On vous tient au courant.

Voilà qui conclue ce bilan. En tout, ce sont plus de 200 exemplaires de nos jeux dans la nature. Merci encore à vous et à très bientôt.

old books and globe in library

Frankencast n°9: Penser le monde au travers du JDR

Le Frankencast est un podcast collaboratif et asynchrone ouvert à tous. Le numéro 9 a pour thème « Penser le monde au travers du Jeu de Rôle » et a été enregistré en mai 2021.

00:00:00 Introduction
00:00:19 Simon Li
00:05:20 Thomas Munier
00:16:07 Mattéo C.
00:23:40 Zab (Lancé Critique)
00:30:46 Ours
00:40:37 Erell et Beru
00:53:16 Lisa Banana
01:04:31 DeReel
01:08:44 Claude Féry
01:15:58 Matthieu Lam Son Leocmach
01:19:20 Erwik (JDR pour les nuls)
01:26:11 Outro

old books and globe in library

Frankencast n°9 : Lancement

Le Frankencast est un podcast asynchrone dans lequel on parle de JDR. Et en voici l’amorce. Dans cet épisode j’aimerai parler du thème « Penser le monde au travers du JDR » et je vous invite à participer. Qu’est-ce que cela veut dire pour vous ? Quelles en sont les modalités selon vous ?

Donnons -nous jusqu’au 20 mai pour participer. Envoyez-moi vos contributions à l’adresse suivante: angeldustjdr@gmail.com

Bilan 2020 – Etre auteurs indépendants par temps de Covid

2020 fut une année spéciale, cela va sans dire. Comme tous les ans, voici un petit bilan de l’année pour notre label Angeldust JDR. Nous vous emmenons dans les coulisses, en espérant que cela puisse vous aider pour vos projets à vous !

Un point sur nos jeux

Cette année a été particulière en bien des manières. A cause de la pandémie de Covid19, je n’ai pu participé qu’à une seule convention IRL: le Festival International des Jeux de Cannes. C’est à cette occasion que nous avons vendu le plus de livres « papier ». Comme on peut le voir sur les graphes, il apparait clairement que c’est le principal moteur de distribution pour nous qui sommes auto-édités: à l’exception des Larmes du Soleil, les ventes de livres « papier » ont drastiquement diminué en 2020. J’imagine que dans le monde de l’édition classique, il en va de même: le manque de conventions IRL, couplé à la fermeture des boutiques, a été un vrai coup dur. D’ailleurs, nous avons une pensée pour nos amis de la Librairie du Manoir.

La force de l’autoédition a été pour nous le fait de ne pas avoir de stock à gérer, pas d’argent à avancer, pas de frais liés aux déplacements à couvrir, etc. Bref, nous n’avions pas le couteau sous la gorge. Tous nos jeux sont disponibles en papier en impression à la demande, ou en pdf sur la plateforme itch.io. De ce côté, cela fait un soucis de moins à gérer.

L’année 2020 a aussi été l’année du digital pour nous. Nous avons mis nos jeux dans les bundles caritatifs des deux CyberConventions et nous avons pu participer activement à la deuxième (avec notamment une intervention sur une table ronde). D’ailleurs, les rolistes sont des gens formidables: plus de 23000€ récoltés au profit d’associations caritatives pour la deuxième CyberConvention, c’est juste incroyable ! Ces bundles nous ont par ailleurs permis de diffuser très largement nos jeux. De plus, nous avons mis en ligne sur la plateforme itch.io l’ensemble de nos jeux au format pdf, en « payez ce que vous voulez » (sauf pour Damnés mais cela ne saurait tarder). Tout cela cumulé, la dissémination de nos jeux a fait un bon spectaculaire, avec par exemple presque 300 téléchargements des Larmes du Soleil ! C’est juste énorme…

Nous ne pouvons que vous remercier infiniment pour votre soutien. Merci, merci, merci !

Diversification

2020 a été également une année de « diversification » pour nous. Non seulement nous avons écrit nos jeux, mais nous avons eu l’occasion :

Ce fut une année très très riche. L’expérience d’écrire pour un autre jeu a été formidable, c’est quelque chose que nous aimerions retenter si l’occasion se représente. D’ailleurs, nous avons failli écrire pour Seigneurs de Arcanes, un JDR ayant pour cadre un univers oriental (allez jeter un coup d’œil, ça vaut le coup !).

Les leçons de 2020

Leçon n°1 : L’autoédition est un modèle économique solide

Leçon n°2: Il n’y a pas mieux que les conventions IRL pour vendre ses jeux

Leçon n°3: Mais les événements en ligne, comme la CyberConvention, sont des occasions en or pour se faire connaitre et diffuser ses productions

Leçon n°4: Les rolistes sont formidables et incroyablement généreux (mais ça on le savait déjà !)

Merci encore pour cette année malgré l’adversité. A bientôt !

Bac à Sable du Quotidien – Un petit Guide

Dans ce billet, nous allons décrire une manière de jouer qui nous plait particulièrement. C’est un mode de jeu que nous testons activement depuis quelques temps et c’est un plaisir pour nous de vous le présenter.

Voici un petit guide pour jouer dans un Bac à Sable du Quotidien.

Auteur.ices: Valentin T., Cibou, Manon et Simon Li
Licence : WTFPL (http://www.wtfpl.net)

Au fait, c’est quoi un Bac à Sable du Quotidien ?

Un Bac à Sable du Quotidien (abrégé BASQ) est avant tout une manière de jouer au JDR. C’est aussi une philosophie, un état d’esprit, appliquée en jeu.

Dans la forme, cela ressemble comme deux gouttes d’eau aux pratiques classiques du JDR :

  • Il y a des joueuses qui déterminent ce que font leurs personnages,
  • et une meneuse, qui connaît toutes les informations importantes de l’univers de jeu, et qui détermine tout le reste.

En fait, l’un des éléments essentiels du BASQ est que la meneuse fait vivre le monde fictionnel sans chercher à orienter la partie dans une direction plutôt qu’une autre. On joue pour voir ce qui va se passer, elle ne doit faire aucun plan sur la comète. La règle essentielle de cette forme de jeu est donc que la meneuse ne doit avoir aucun plan. Elle n’est pas là pour raconter une histoire, faire planer des secrets, ou proposer des défis à relever. En contrepartie, les joueuses doivent être proactives : elles ont une très grande liberté, et doivent déterminer leurs propres objectifs.

Le BASQ est donc obligatoirement un jeu en campagne qui a besoin de temps pour se développer.

Mais c’est du Bac à Sable classique, ton truc ? Il y a des milliers de ressources sur ce sujet

Et non ! Le BASQ est même très différent des Bacs à Sable classiques, la principale étant qu’on se focalise sur le quotidien des personnages. On cherche à explorer le Quotidien (avec un Q majuscule !), le routinier, les interactions mondaines, les petites mais aussi les grandes choses de la vie de tous les jours. Par exemple, si les joueuses passent trois séances à décorer leurs chambres (chose qu’on ellipse en général dans les JDR), et bien c’est une très bonne chose: c’est signe que le BASQ se déroule bien.

Une autre différence réside, nous l’avons dit, dans le fait que la meneuse n’a pas prévu de défis à relever ou de secrets à découvrir. Elle n’est pas responsable de la trame narrative.

En fait, les préparations en BASQ sont très denses, mais la grande majorité de ce qui a été préparé ne sera pas évoqué pendant la partie ; c’est la condition pour permettre aux joueuses d’expérimenter une grande liberté.

Corolaire: Il ne doit y avoir aucun panneau indicateur. Tout est potentiellement intéressant. Les personnages sont libres (VRAIMENT libres) de faire ce qu’ils veulent. En fonction de leurs objectifs, les éléments du BASQ seront explorés ou non (et s’ils ne sont pas explorés, ce n’est pas grave). La meneuse n’est là que pour jouer les figurants et décrire l’univers. Elle n’a pas les prérogatives habituelles concernant le déroulement de la trame narrative. L’idéal est d’avoir à disposition une préparation qui donne envie aux joueuses de s’y plonger, de la découvrir, d’interagir avec ses éléments.

Pour résumé, dans un BASQ:
(1) on se focalise sur le quotidien des personnages
(2) il n’y a pas de scénario
(3) les personnages sont VRAIMENT libres: il n’y a aucun panneau indicateur et il n’y a aucune trame narrative

Pourquoi c’est fun ?

Mais ça a l’air chiant comme la mort votre truc ? Si on ellipse le quotidien, c’est pour de bonnes raisons !

Nous l’admettons volontiers: le BASQ n’est surement pas un mode de jeu qui est fait pour tout le monde. Mais restez un peu avec nous, nous allons vous expliquer pourquoi nous kiffons les BASQ.

Explorer

La première source de fun est l’exploration des éléments préparés par la meneuse (en apprendre plus sur les figurants, découvrir les informations sur le monde, comprendre comme ce dernier fonctionne, fouiller le moindre recoin en se disant qu’il y a forcément quelque chose d’intéressant, etc.). Et oui, puisqu’il n’y a pas de panneau indiquant « ceci est intéressant », puisqu’il n’y a pas de « point d’intérêt », la joueuse est libre d’explorer ce qui l’intéresse réellement. Et si c’est la cuisine des autochtones qui l’intéresse, et bien c’est super : nous jouerons surement pleins de scènes durant lesquelles le personnage apprend à cuisiner.

Du coup, il y a tout un ensemble de choix intéressants dans ce que la joueuse décide d’explorer ou non, et ce qu’elle met en place pour rendre son exploration fructueuse. Si par exemple elle veut savoir pourquoi le chef de tribu est en froid avec son fils, elle peut choisir d’aller voir plutôt tel figurant que tel autre (aller voir sa femme plutôt que sa concubine), puis faire toute une scène où elle essaie de l’inviter à parler de lui, de son passé, de ses problèmes, etc. pour finalement comprendre les enjeux du monde fictionnel.

Combiner

La seconde source de fun, c’est de combiner les éléments découverts afin de résoudre des ennuis, des petits tracas ou des embêtements du quotidien (rendre ce figurant plus sûr de lui, monter un club de jardinage, construire un sort de rangement automatique de ma chambre, etc…). Le cadre d’un BASQ fourmille de petits ennuis, qui sont autant de petites choses que la joueuse pourrait vouloir résoudre sans que ce soit dramatique si elle ne les résout pas.

Nous insistons sur cette dernière partie: « sans que ce soit dramatique si elle ne les résout pas ». C’est l’un des piliers de la philosophie du BASQ: pour que la vraie liberté puisse exister, la joueuse doit pouvoir explorer ce qui l’intéresse et ignorer ce qui ne l’intéresse pas. Pas de panneaux indicateurs, donc pas de conséquences rédhibitoire à un ennui non résolu.

Recommencer

Chronologiquement, le fun issu de l’exploration arrive en premier dans la partie, ce qui permet de débloquer la résolution potentielle des petits tracas. Mais l’exploration ne disparaît jamais, on découvre toujours de nouvelles choses, qui vont à leur tour pouvoir être combinées. Les ennuis, quand ils sont résolus ou non, conduisent forcément à un changement dans le cadre fictionnel et l’exploration peut continuer. Sans parler des tout ce que les personnages n’ont pas encore découvert jusque là.

Le jeu ressemble alors à une sorte de LEGO, dans lequel des briques viennent s’ajouter à celles qui sont déjà disponibles au fur et à mesure de la partie, et peuvent être assemblées par les participants de manières créatives et originales.

Et la meneuse dans tout ça ?

Le plaisir principal de la meneuse est de découvrir ce que les joueuses vont décider d’explorer, et ce qu’elles vont faire avec ce qu’elles ont découvert. Elle a également l’occasion de faire vivre le monde et les figurants sans se soucier d’orienter les joueuses dans une direction particulière plutôt qu’une autre, ce qui lui donne une grande liberté d’interprétation. En particulier, elle peut incarner les figurants d’une manière similaire aux personnages des joueuses, en les jouant très sincèrement.

A ce titre, la meneuse peut être en convergence avec les figurants qu’elle joue, et contrairement au JDR classique, elle peut avoir « ses » figurants fétiches et plaider pour eux sans que cela soit un réel problème.

Concrètement, comment on joue ?

C’est bien beau ton truc, mais in fine, comment on joue à un BASQ.

Dispositif de jeu

Comme dit plus haut, dans un BASQ, il y a une ou plusieurs joueuses qui décident de ce que font leurs personnages, et d’une meneuse qui décide du reste. Il est conseillé de ne pas utiliser de système de résolution, et de jouer en freeform. Vous pouvez utiliser éventuellement une pièce de monnaie pour tirer à pile ou face lorsque la situation est vraiment inextricable. Mais globalement, la meneuse décide de la manière dont répond l’univers face aux agissements des personnages. Comme elle n’a pas d’impératifs narratifs, elle se doit tout simplement de suivre la logique du monde qu’elle décrit. D’ailleurs, toute la phase d’exploration permettra aux joueuses de délimiter les contours du fonctionnement de ce monde.

D’ailleurs, nous attirons l’attention sur le fait que plus le nombre de joueuses augmente, plus les temps morts augmentent également. Il est donc recommandé de jouer avec une joueuse seulement (le BASQ s’y prête particulièrement bien), ou avec un maximum de trois joueuses. Au-delà, jouer à un BASQ risque d’être très laborieux. Le nombre de joueuses pose d’autant moins problème que celles-ci aiment à observer les autres jouer : c’est en soi un réel plaisir que d’assister et profiter de la partie. Cette aspiration est particulièrement compatible dans un BASQ avec plusieurs joueuses.

Côté joueuse

Jouer le quotidien est le principal intérêt du BASQ. Les événements qui sortent du quotidien (les événements extra-ordinaires) peuvent ne jamais avoir lieu au cours d’une partie, et cela ne pose aucun problème. Du point de vue des joueuses, la liberté du dispositif leur donne la possibilité d’aller explorer exactement ce qu’elles veulent, de se lier – ou non – avec les figurants qui les intéressent, et de construire leurs projets librement et sur le long terme.

Le BASQ est aussi l’occasion de jouer la construction de relations intimes et spontanées sur le long terme. Puisqu’il n’y a pas d’impératif de scénario, les personnages peuvent prendre tout leur temps pour se lier aux figurants. De ce fait, les figurants gagnent en profondeur car ils ne sont plus des fonctions qui servent une trame narrative, mais existent en tant que tels, comme des gens ordinaires. Et notez qu’il est bien rare dans la vraie vie qu’une personne vous fasse complètement confiance, immédiatement, parce que vous êtes le soi-disant Héros d’une histoire ! Il en va de même dans un BASQ: les relations se construisent sur le long terme, et souvent, prendre une tasse de thé en silence avec un figurant peut constituer une scène forte de la partie.

Le plus important du point de vue des joueuses est qu’elles doivent se forger leurs propres objectifs. En effet, le « setting » ne viendra pas les chercher et attendre un événement déclencheur qui n’arrivera jamais est purement vain.

Le deuxième point le plus important est de jouer en toute sincérité et en convergence avec son personnage. Evitez les techniques de joueuse pour « chercher du jeu » et laissez vous simplement porter par votre personnage.

Notez que cette forme de jeu est particulièrement déconseillée si les participants trouvent inintéressante l’idée de jouer le quotidien.

Côté meneuse

Le plus important est de laisser les joueuses libres de décider de ce qui les intéresse. Elles peuvent ne pas du tout s’intéresser à un élément, et au contraire se focaliser plusieurs parties sur un autre. Un ensemble de conseils listés ci-dessous permettent de rendre le quotidien particulièrement intéressant, en association avec une préparation adaptée.

a/ Règle du panneau indicateur

Contrairement à la plupart des autres formes de jeu de rôle classique, il est totalement contre-productif de mettre en avant certains éléments plutôt que d’autres dans le but d’inciter à l’exploration. Il est impératif de supprimer toute incitation claire.

Cela donnera aux joueuses l’espace pour être en mesure de construire leurs propres objectifs, sans quoi elles risquent de s’engouffrer rapidement vers ce qui lui semble être un panneau indicateur.

Et cette règle est plus difficile à suivre que ce qu’il n’y paraît ! Effacer les panneaux indicateurs, c’est mettre sur le même plan l’agencement du potager et les rancœurs tribales par exemple. C’est donner autant d’importance au filet d’ail qui pend au plafond de la cuisine qu’à la perte tragique de la mère d’un figurant…

b/ Règle de la convergence

Le BASQ permet de ne pas ellipser des moments de la fiction que l’on a tendance à passer sous silence, soit que l’on résume ce passage en quelques mots, soit que l’on fasse appel à une mécanique de jeu qui résume toute une séquence de la fiction. Au contraire, il est pertinent ici d’aligner la joueuse et son personnage au maximum de manière à favoriser les interactions entre les personnages et les éléments qui ont été préparés. Par exemple, quand une joueuse se demande ce que fait exactement un pouvoir, il est pertinent de lui suggérer de le tester en jeu. Quand une joueuse se demande quelque chose au sujet de l’univers de jeu ou du cadre, il est plus intéressant de poser la question à un figurant ou d’essayer de trouver une bibliothèque que de laisser la meneuse répondre directement.

Avec cette manière de jouer, il est habituel qu’une partie de 4 heures soit équivalente à une journée dans la fiction (ou moins !), ce qui est tout à fait pertinent pour le BASQ.

Si vous avez besoin de faire des ellipses, assurez-vous que celles-ci ne concerne que des moments que le personnage a déjà vécu plusieurs fois en temps réel. Laissez alors la joueuse décrire ce que son personnage fait, comment et dans quel état d’esprit: ces éléments vous permettrons de déterminer s’il faut ellipser effectivement ou si des micro-événements pertinents peuvent se produire.

c/ Règle des figurants

Les figurants sont des ressources essentielles pour rendre le BASQ particulièrement riche. Pensez aux figurants comme les héros de leur quotidien:

  • Ils cherchent eux-mêmes à rendre leur quotidien intéressant, ce qui doit être évoqué par la meneuse.
  • Ils ont des objectifs (se faire accepter dans le bar, prendre une super photo du bar, décorer la salle de repos des malades, rendre quelqu’un heureux malgré sa maladie…).
  • Ils invitent les personnages à les aider si c’est pertinent (et non parce que ce sont les « PJ »).
  • Ils sont hauts en couleur : ils charrient les personnages, ils s’attachent à eux, ils s’intéressent à leurs projets, ils préparent des pique-niques, ils les draguent…
  • Ils sont vivants, tout simplement.

Ne les traitez pas comme de simples “fonctions”, ayant des buts narratifs ou à la visée des personnages. Construisez-les comme s’ils étaient les protagonistes principaux de leur histoire, de leur vie.

d/ Règle des rituels

La vie est rythmée par des événements récurrents : le petit déjeuner au bar, la visite matinale des malades de l’hôpital, les soirées jeux au foyer de d’hôpital, les soirées jazz… Ce sont les contextes dans lesquels se déroulent les scènes du quotidien, et qui donnent tout un ensemble de ressources à mobiliser pour jouer avec.

A ce titre, il peut être intéressant de mettre en place des plannings pour les figurants. Ainsi, ces derniers ne resteront pas à un lieu donné pour attendre les personnages, mais auront une vie propre, dont les personnages pourront (ou non) faire partie.

Créer un BASQ

OK, pourquoi pas ? Tu m’as convaincu. Quels jeux sont des BASQ ?

A l’heure actuelle, il n’existe pas de BASQ publié et à disposition. Néanmoins, plusieurs projets sont en cours de développement. Des thématiques variées sont possibles et ont commencé à être explorées : La Chine médiévale, un futur cyberpunk dystopique, ou une académie formant des magiciens par exemple.

Si vous voulez vous lancer, voici quelques conseils de création d’un BASQ.

Dans l’idée, la meneuse doit connaître 100% des informations avant le début de la partie. Cela demande donc un cadre d’autant plus local que les capacités de mémorisation de la meneuse sont limitées. De plus, la forme du contexte dans lequel se passe une campagne de BASQ a une influence critique sur son déroulement.

Mise en place

La première étape est de choisir un univers différent de la vie quotidienne des joueuses. Cela peut provenir d’un contexte historique particulier (la Chine médiévale, un futur technologique), d’un phénomène particulier (l’existence de la magie, la présence d’Esprits mystiques), ou les deux.

Il est important de se focaliser sur une communauté de petite taille, qui permette de préparer un grand nombre de détails sans se perdre dans une étendue trop vaste et dont les éléments ne seraient décrits que superficiellement.

Les personnages doivent n’avoir que peu de connaissances de ce qui distingue la communauté de notre univers réel. Les personnages rejoignent la communauté en question, qu’ils ne connaissaient pas avant que la partie commence. Cet élément est crucial pour garantir le fait que les personnages et les joueuses vont explorer cet endroit inconnu, ses lieux, ses activités, ses habitants. Les personnages rejoignent la communauté au début de la partie.

Une fois le cadre de base déterminé, il reste à le peupler de lieux, de figurants, d’événements. Pour cela, la section suivante permet de renseigner des axes de campagne, qui sont des grandes directions générales que les personnages et les joueuses pourront explorer tout au long de la campagne.

Construction des axes de campagne standard

Les cinq axes de campagne suivants sont généraux, et peuvent convenir à tout type de BASQ. Les renseigner prend beaucoup de temps, d’autant plus qu’une faible proportion de ce qui aura été créé sera effectivement mobilisé pendant la partie. Mais c’est le prix à payer pour avoir un BASQ de qualité.

La description pourra prendre la forme de fiches. Au minimum, des fiches pour chaque figurant, une liste des lieux et leurs description, un planning typique d’une journée dans la communauté.

Axe 1 : Informations

Choisissez dans un premier temps les manières dont les personnages peuvent acquérir de l’information au sujet de l’univers et du cadre du jeu. Étant donné qu’ils sont étrangers à la communauté et aux particularités du cadre du jeu, il est fort possible qu’ils cherchent à mieux comprendre ce qui s’y passe.

Plusieurs éléments peuvent servir de sources d’information : au premier chef les figurants, mais aussi certains lieux (une bibliothèque, un kiosque à journaux, une université…). L’univers et le cadre pourront ainsi être distillés directement pendant la partie, en jouant la quête d’informations des personnages.

Axe 2 : Relations

Choisissez ensuite des occasions diversifiées qui permettent aux personnages de se lier à des figurants. Les figurants doivent avoir une place centrale dans le BASQ, ce sont les éléments de la partie les plus “interactifs”.

Ils doivent avoir au minimum une série d’occupations variées dans des lieux déterminés où l’on peut les trouver, des objectifs qu’ils cherchent à atteindre, et quelques ennuis.

Il peut être particulièrement pertinent de les enrichir en déterminant quelle est leur histoire particulière qui les a amenés à concevoir leurs objectifs, leurs peurs, leurs espoirs, les gens qu’ils aiment, ceux qu’ils évitent. Il peut également être pertinent de déterminer, même vaguement, quel degré d’intimité est nécessaire pour en apprendre plus sur les figurants. Il est peu probable qu’un figurant dévoile toute sa vie au premier personnage venu: les relations se construisent sur le long terme et les comportements varient souvent en fonction des liens qui les unissent.

Axe 3 : Place sociale

Choisissez ce qui peut permettre aux personnages de se forger une place dans la communauté. Une hiérarchie classique peut faire l’affaire (par exemple si les personnages incarnent des soldats dans une garnison), mais de nombreuses options sont possibles. Dans toute communauté, de la bande d’amis à la hiérarchie politique, se faire une place est un enjeu à part entière.

Axe 4 : Vie quotidienne

Choisissez des opportunités pour que les personnages puissent rendre la vie quotidienne plus agréable.  Ce peut être leur vie ou celle des figurants.

Parsemez le cadre de jeu d’ennuis variés, qui peuvent aller de la fuite d’eau dans le toit de l’immeuble, au jardin en friche, en passant par la cuisine qui n’est pas très savoureuse. Il ne faut pas qu’ils soient trop gênant cependant, les joueuses pourraient risquer d’être trop clairement incitées à les résoudre.

Axe 5 : Secrets

Cet axe est entièrement optionnel, et le renseigner amène le risque que les joueuses s’y intéressent exclusivement. Il doit être construit avec discernement. Il s’agit de déterminer les choses qui sont inconnues de la plupart des membres de la communauté, et qui pourraient expliquer beaucoup de phénomènes. Par exemple, quelques inscriptions sur des statues perdues dans une forêt, un ancien tableau représentant l’architecte ayant créé les lieux…

Attention, il ne faut surtout pas indiquer pendant la partie que ce qui est découvert est mystérieux ! Seulement le décrire en passant, l’air de rien.

Construction des axes de campagne spécifiques

Au delà des axes de campagne standards évoqués ci-dessus et qui vont venir peupler le BASQ, chaque cadre de campagne doit disposer d’axes qui lui sont spécifiques. C’est le moyen d’introduire ce qui diffère sensiblement de notre quotidien : une technologie débridée dans un monde cyberpunk, des pouvoirs magiques dans une monde fantastique, les préparatifs d’une guerre dans un monde médiéval…

Choisissez et développez les éléments spécifiques à l’univers de jeu qui pourraient avoir un rôle d’importance dans la vie quotidienne de la communauté, et auxquels les personnages pourront être confrontés.

Développement des axes de campagne

Les axes de campagne, sous la forme d’une description du lieu choisi, doivent être organisés selon une logique qui favorise au mieux la dynamique de jeu propre au BASQ.

Il faut tout d’abord s’assurer qu’aucun élément ne prend la forme d’une incitation évidente. Aucun élément ne doit contraindre les joueuses à y réagir : pas de gros problème en perspective, seulement quelques ennuis un peu partout. Les joueuses doivent pouvoir ignorer n’importe quel élément du cadre, sans que cela n’ait de conséquence importante.

Il est également préférable que les joueuses aient la possibilité d’aborder l’ensemble des axes de campagne le plus rapidement possible. Pour cela, la première partie peut prendre l’aspect d’une visite des lieux proposé par un figurant par exemple.

Les éléments qui constituent des axes de campagne doivent être ancrés dans le cadre, accessibles aux joueuses. Les sources d’information (comme les bibliothèques) sont ouvertes et disponibles, les figurants peuvent être rencontrés là où ils réalisent leurs différentes activités, les lieux peuvent être visités librement.

Certains éléments doivent être ancrés dans le temps court, typique du planning d’une journée. L’organisation de la communauté, du lever au coucher par exemple, doit être dynamique, et offrir des opportunités de scènes variées aux personnages. D’autres éléments peuvent s’ancrer dans le temps long, et permettre des événements exceptionnels qui viendront renouveler la partie : une fête à l’école de magie, la visite du prince au château, la manifestation anti-police dans le quartier…

Une fois que la plupart des éléments ont été posés, il reste à les relier les axes entre eux. Il faut s’assurer de la logique d’ensemble, créer des liens entre les figurants, associer aux figurants des éléments des différents axes de campagne (un bibliothécaire, un professeur de magie, un cuisinier…) qui seront autant de points d’accroche pour les joueuses.

Il est déconseillé d’associer à la préparation à une mécanique de jeu. Mais dans le cas contraire, une règle pourrait être de ne mécaniser que ce que l’on souhaite ellipser dans la fiction.

Enfin, il ne faut pas conditionner la fin de la campagne par un événement à l’initiative des joueuses (sauver le monde, permettre au fortin d’être protégé, résoudre les problèmes des figurants, etc.). Cela constituerait un objectif extérieur très incitatif pour les joueuses, ce que l’on souhaite éviter.

Et c’est tout !

OK. En vrai, c’est déjà beaucoup ! Mais nous espérons vous avoir donné non seulement à jouer au BASQ mais aussi à créer le votre. D’ailleurs, peut-être jouez-vous déjà comme cela ! Nous serions ravis d’en savoir plus sur votre manière de jouer.

En tout cas, si vous avez besoin d’aide ou de conseils supplémentaires, vous pouvez vous rendre sur le Discord des Courants Alternatifs (accessibles avec ce lien : https://discord.gg/v47EgUNJpb) ou par mail (à angeldustjdr@gmail.com). Un fil de discussion y regroupe une partie des auteurs et des curieux du BASQ.

Nous vous invitons également vivement à nous faire des retours sur ce texte, et sur le BASQ plus généralement ! En espérant que cette manière de jouer pourra vous apporter autant de plaisir qu’à nous, ou au moins vous inspirer pour vos propres parties de jeu de rôle.

Glossaire

BASQ : Abréviation utilisée pour “Bac à Sable du Quotidien”. Se prononce “Basque”.
Joueuses : Joueuses et joueurs de jeu de rôle.
Meneuse : Meneuse ou meneur de jeu de rôle.
Participantes : Joueuses et meneuse.
Personnages : Individus de la fiction que les joueuses incarnent.
Figurants : Individus de la fiction que la meneuse incarne.
Campagne : Succession de parties de jeu de rôles.
Univers : Monde fictionnel de la partie, pris dans son ensemble.
Cadre : Portion localisée de l’univers au sein de laquelle la fiction se déroule.

Etre auteur de jdr indépendant – Notre bilan 2019

Voici 3 ans maintenant que nous sommes (attention titre pompeux) « Auteurs de jeux de rôle indépendants ». Nous avons publié trois jeux et mis sur pieds tout un tas d’autres. Pourtant, nous sommes loin d’avoir une idée exhaustive du marché du JDR français de nos jours. En revanche, nous espérons que notre retour d’expérience, à notre humble échelle, permettra aux auteurs qui veulent se lancer d’avoir une idée un peu plus claire, chiffres à l’appui, de ce qui les attend.

Indépendance

Nous sommes « auteurs indépendants ». La notion d’indépendance est toujours difficile à définir dans un hobby où même les maisons d’édition bossent « à la débrouille ». Ce nous entendons par « indépendant », c’est que nous sommes auto-édités et que nous n’avons pas de ligne éditoriale définie (nous allons où notre humeur et notre créativité nous emporte).

Nous écrivons nos jeux, les maquettons, les illustrons et les mettons à disposition (gratuitement, à prix fixe ou soumis à donation). Pour chacun des trois jeux que de notre « catalogue », nous avons testé un modèle économique différent et voici les leçons que nous en avons tirés.

Terres de Sang

Terres de Sang est notre premier jeu publié.

– Disponible depuis 2 ans et demi

– Pdf en prix libre (prix conseillé 7€)

– Livre papier à 12€ sur Lulu (impression à la demande)

Au total 44 exemplaires se sont vendus sur 2 ans dont 18% en pdf et 82% en version papier. La majorité des ventes se sont faites sur la première année, en convention (77% des ventes). Aucun effort de publicité n’a été fait pour ce jeu. A noter que les téléchargements gratuits ne sont pas comptabilisés ci-dessus.

Damnés

Damnés est notre plus « gros » jeu actuellement.

– Disponible depuis 1 ans et 3 mois

– Pdf à 10€ sur Lulu

– Livre papier à 20€ sur Lulu

Au total 81 exemplaires du jeu sont dans la nature dont 38% en pdf et 62% en version papier. Les ventes sont équilibrées entre 2018 et 2019 mais il faut garder en tête que les ventes sur 2018 se sont faites sur 3 mois. Environ la moitié des ventes papier ont été réalisées en convention. Pour ce jeu, nous avons fait un effort important de communication. Forcément, l’investissement, en temps et argent (envoyer le jeu à la presse, être actif sur les réseaux, mettre en place du matériel promotionnel, etc.), a été très conséquent. Nous avons amélioré notre visibilité pendant un temps mais à un prix que nous ne serions peut être pas prêt à payer à nouveau.

Les Larmes du Soleil

Les Larmes du Soleil est notre dernier (mini) jeu. Plus modeste en terme de taille, ce jeu a nécessité beaucoup plus d’effort du fait de son format (jeu de carte à jouer).

– Disponible depuis 6 mois

– Livret de règles et cartes à jouer au format pdf gratuits

– Cartes à jouer physique envoyé par la poste (ou vente directe en convention) à 13€

Au total, 7 exemplaires de cartes physiques ont été vendus. A noter que les téléchargements gratuits ne sont pas comptabilisés ci-dessus.

Ce jeu a nécessité une organisation particulière:

Tout d’abord nous avions fait un sondage sur les réseaux pour savoir si le format physique des cartes intéressait des gens. Puis, nous avons fait imprimé une vingtaine de set suite à ce sondage. Nous prenons les commandes sur le site de manière « artisanal » et le prix à la vente correspond au prix coûtant (nous ne gagnons rien sur les ventes de ce jeu).

Investissement et convention

Cette année, nous n’avons pu participer qu’à trois conventions. C’est à la fois très peu et beaucoup au vu du coût de tels déplacements. Pour un ordre de grandeur, nous avons dépensé environ 350€ en déplacement et opérations publicitaires cette année. A cela s’ajoute la gestion des stocks (pour les conventions et pour les Larmes du Soleil), soit environ 300€ d’avance de trésorerie. Enfin, à cela s’ajoutent les frais de fonctionnement: hébergement de site internet, charges sociales de la micro entreprise, impôts, ect. Comptez 300€ de plus.

Il faut prendre en compte que c’est la 3ème année que nous faisons cela, donc que les frais d’investissement initiaux sont dernières nous.

Leçon n°1: Même si tu es auto-édité, prévois un fond de départ

L’argent c’est le nerf de la guerre. L’option de l’auto-édition nous paraissait idéale pour ne pas avoir à gérer des stocks et à avancer trop d’argent. Mine de rien, ce n’est pas si vrai que ça ! Si vous vous lancez, prévoyez une petite mise de départ.

(Il convient de nuancer cette affirmation par l’existence du financement participatif que nous n’avons pas encore testé. Si vous avez des chiffres exacts et réels, nous sommes preneurs !)

Leçon n°2: La pub c’est important

Envoyer des kit de presse, communiquer sur les réseaux, faire parler de soi… C’est un vrai travail en soi ! C’est long, c’est fastidieux et on ne voit pas tout de suite les retombés. C’est un art sur lequel nous avons dû nous former et ce n’est vraiment pas naturel.  Mais c’est crucial au vue des ventes de Damnés.

Bien sûr, l’adéquation entre le jeu et le public visé, son niveau d’implication et disponibilité au moment de la sortie, etc. ont un impact sur la réussite commerciale d’un jeu. A ce stade, nous n’avons pas encore de retour d’expérience mais nous comptons bien approfondir cet angle d’analyse.

Leçon n°3: Quid des conventions ?

L’an dernier, nous avions parlé de l’importance des conventions. Nous souhaiterions nuancer nos propos cette année. Faire des conventions, c’est excellent pour se faire connaître, pour prendre la température, pour parler avec les gens, pour jouer avec des inconnus… Mais ça a un coût que les ventes ne couvrent pas à notre humble échelle.

Heureusement pour nous, des copains des Courants Alternatifs montent des stands dans beaucoup de conventions en France et nous permet d’avoir un rayonnement que nous ne pourrions pas avoir. Nous n’avons pas grand chose de plus à dire que MERCI (et nous envoyons plein d’amour à eux !).

Aujourd’hui, nous n’avons pas encore fait notre opinion sur les conventions. Peut être que 2020 nous fera changer d’avis (encore une fois).

Leçon n°4: Si c’est gratuit, les gens ne paient pas

Oui, c’est trivial mais entre l’option payante ou l’option gratuite, la majorité des gens vont prendre l’option gratuite. Pour nous, ce n’est pas un point important: nous tentons de favoriser l’accès aux jeux alternatifs pour le plus grand nombre. Ceci dit, c’est un point intéressant à soulever.

Leçon n°5: Attention aux sondages

Peut être est-ce encore une affirmation triviale mais nous avons vu que sur les Larmes du Soleil, seuls 7 exemplaires ont été vendus sur une vingtaine de personnes se disant « partantes ». Nous ne lançons la pierre à personne, mais nous soulignons l’importance de travailler sur le taux de conversion des intention d’achat. S’appuyer uniquement sur des promesses d’achat n’est pas raisonnable.

Conclusion

Toute personne un peu calé en marketing nous dira certainement que nous brassons du vide et que les leçons que nous avons tirées de cette année auraient pu être identifiée bien en amont. Cependant, j’espère que ce petit bilan de notre label Angeldust JDR vous éclairera non seulement sur nos activités et leur ampleur, mais également vous donnera des billes pour comparer aux autres acteurs du marché et surtout pour vous lancer dans votre propre aventure.