Créer son jeu de rôle (4) – Système et playtest

Et c’est reparti ! Les dernières fois, j’ai parlé de briques élémentaires et de crashtests. J’ai donné quelques exemples et je vous ai sensibilisé sur divers types de grille de lecture d’un jeu. Aujourd’hui, on va regrouper tout cela et en faire un système !

Alors avant d’aller plus loin, je précise que j’entends par système l’ensemble des règles d’un jeu et plus, ce qui englobe:

  • Les règles résolution
  • Les règles d’univers
  • Les règles de narration et de prise de parole
  • La manière de créer une fiction en générale
  • Etc.

Assembler les briques

Donc, on va assembler ces briques élémentaires ensemble et voir comment les choses s’articulent. Et pour cela, je vous invite à lire cet article de Frédéric Sintes sur les niveaux d’un système de jeu.

En gros, on apprend que l’assemblage des diverses briques élémentaires produit un système complet, une sorte d’économie du jeu, qui possède ses enjeux. Comme nous avons construit les briques élémentaires avec un but, une visée, en tête, il nous faut maintenant nous assurer que l’assemblage de ces briques forment un tout cohérent.

Par ailleurs, une seule et même brique élémentaire peut amener des systèmes très très différents. Pour reprendre l’exemple d’un ami:

Mettons nous dans le cas où nous avons créé la règle suivante: les dagues infligent 1d4 dégâts tandis que les épées infligent 1d6.

Dépendant de notre cahier des charges, nous allons y mettre des briques élémentaires différentes pour atteindre notre but. Dans le cadre LNS, on peut avoir les cas suivants en jeu:

  • Mon jeu est ludiste: ces ennemis ont des épées ; attention, ils vont faire plus de dégâts. Mais si on les bat, on deviendra plus fort en leur prenant leurs armes pour remplacer nos dagues d4.
  • Mon jeu est simulationiste : dans ce monde les guerriers se battent tous à l’épée, pas à la dague. C’est logique et naturel vu que les épées font plus de dégâts. S’il s’agissait d’un jeu de combats urbains, je rajouterai une règle de gêne dans les espaces exigus pour que les dagues deviennent les armes naturelles des coupe-gorges dans les ruelles.
  • Mon jeu est narrativiste : face à l’infâme Yorg le Sorcier, mon guerrier jette son épée au sol et tire sa dague. Car c’est avec la dague fétiche de feu son père qu’il accomplira enfin sa vengeance, même s’il doit souffrir de n’utiliser qu’une arme d4 au lieu d’une arme d6.

Bref, la simple règle de dégât ne suffit pas à dire quel genre de jeu on a sous la main.

C’est l’ensemble des règles et leurs interactions qui va définir notre jeu.

Si nous étions dans le monde du jeu vidéo, tout serait plus simple: les joueurs ne sont contraints que par le set de règles que nous avons créés et (à part l’exploitation de défauts techniques) ils ne devraient pas trop sortir des clous. Sauf que dans notre loisir, l’émergence est un concept clé ! Nous improvisons ensemble une fiction. Tout n’est pas écrit à l’avance et le but des règles du jeu, du système, est d’encadrer cette création. Et puis, il y a les sentiments, les sensations, les émotions que nous ressentons lorsque nous jouons: être fier de notre intelligence à vaincre un monstre ou empathie complète avec la rupture amoureuse de notre avatar.

Une question nous saute alors à la figure:

Comment écrire des règles qui ne tuent pas l’émergence mais qui la cadre assez pour transmettre ses enjeux ?

Si nous formatons à l’excès l’expérience de jeu, il n’y a pas d’émergence possible, pas de sensation. Si des règles disent: “maintenant tu immerges”, nous sommes à peu prêt sûr que ça ne va pas marcher. A contrario, avec des règles trop larges (je simplifie outre mesure ici), il sera difficile de savoir dans quelle direction on va.

Et le juste milieu… Et bien c’est tout l’art d’écrire des jeux de rôle. Il n’y a bien sûr pas de recette miracle ici.

A défaut de miracle, on peut tout de même tenter de comprendre l’interaction entre les règles et l’émergence grâce au concept de Vide Fertile.

Cultiver le Vide Fertile

Tout part d’un post de 5 lignes et d’un schéma…

S’en suivent des années de migraines et de longues (très longues) discussions théoriques, de podcasts, d’articles connexes, de conférences… Je n’exagère même pas !

Pour faire très simple et très vulgaire:

  • L’ensemble des règles cadre une expérience de jeu.
  • Cette expérience de jeu est en partie émergente, improvisée.
  • Une partie de cet émergence est le résultat du système: CA c’est le Vide Fertile.

En gros, la portion de l’improvisation qui est commune entre toutes les tables d’un même jeu, c’est le Vide Fertile. C’est la raison pour laquelle quand plusieurs personnes parlent d’un même jeu (mais n’ont jamais joué ensemble), il y a une partie de leur discours qui se recouvre, il y a une sorte de communion entre ces joueurs. A contrario, si le Vide Fertile n’est pas prégnant dans un jeu, beaucoup de joueurs de ce jeu ne partagerons pas forcément les mêmes sentiments. Ma table de Warhammer doit être très très différente d’une autre, au point où nous ne nous retrouvons pas si nous parlons de nos tables respectives. Pourtant nous jouons au même jeu… En surface ! C’est là qu’on voit la puissance du Vide Fertile pour passer un propos. Deux tables de Dogs in the Vineyard pourront échanger tellement plus de choses que deux tables de Warhammer. Et pourtant, ces deux tables n’auront pas joué la même chose. Les joueurs ne se sont pas sentis sur-contraints par le jeu, ni spoliés de leur agentivité ou de l’impact que leurs décisions ont sur le monde.

C’est la force du Vide Fertile. C’est l’agencement du système qui crée l’émergence.

 

Dans Terres de Sang, le Vide Fertile est structuré autour de plusieurs mécaniques:

  • Le schéma narratif est fixe: on explore le Nouveau Continent, ce faisant on se découvre soi même, puis on fait face un dilemme
  • Les joueurs posent des questions sur les personnages pour faire en sorte que l’exploration se fasse en miroir de l’introspection
  • Les joueurs ont un devoir de sincérité: ils doivent dévoiler le passé et les sentiments de leur personnage

Ainsi, dans toutes les parties de Terres de Sang, les personnages auront à faire un choix moral difficile. Ce choix sera la résultante de l’exploration physique et psychologique: ce sera donc un choix qui fait très mal puisque on a exploré les enjeux du personnage. Par contre, le contenu de l’exploration et les enjeux du choix seront différents entre chaque table.

Comme d’hab’, voici un article de Frédéric Sintes. Oui j’aime ce que ce type fait. Fanboy ? Peut-être ! En tout cas, cet article est très limpide sur ce qu’est le Vide Fertile et comment il se manifeste dans certains jeux. L’exemple de Dogs in the Vineyard est au top !

Bon ! Du coup, comment on implémente ça dans notre jeu ? Pas simple comme question…

Le problème avec le Vide Fertile, c’est qu’il est difficile de juger de son impact à priori. Même si on fait notre jeu avec le Vide Fertile en tête, les effets systémiques sont très difficile à évaluer dans leurs intégralité. Du coup, la solution la plus simple est de faire comme dans le monde industriel et scientifique: quand on ne sait pas résoudre de manière analytique, on fait tourner des simulations.

Faire des playtests

L’équivalent pour nous d’une simulation, c’est le playtest intégral. Se mettre autour de la table et jouer une partie complète, entière, et collecter les retours. Il y a pleins de manières de faire des playtests qui ont chacun leur spécificité, mais je vais essentiellement parler :

  • Du playtest d’observation générale
  • Du playtest de confirmation

Dans le playtest d’observation générale, le but est d’observer les comportements généraux de la table, les moments de flottements comme les moments de “flow”.

Dans le playtest de confirmation, l’idée est de venir observer un phénomène très précis qu’on aurait défini auparavant (genre mon système doit permettre ce genre de comportement) et de confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Globalement, pour ces deux types de playtests, je conseille:

  • De ne pas être MJ mais simple observateur (ceci implique vous avez transmis le jeu en amont, ce qui met en avant la problématique de la transmission). En effet, il est difficile d’avoir du recul lorsqu’on a des joueurs et un setting à gérer.
  • De jouer avec des inconnus, des gens qui ne connaissent pas vos routines, vos habitudes
  • De ne pas jouer avec des gens trop gentils ou trop conciliants: le but du playtests est de mettre en exergue les défauts du jeu, pas se faire cirer les pompes !
  • De ne pas stopper la partie en cours, même si certains passages pêchent un peu: faites une ellipse ou un micro cadrage méta et reprenez.

Pour la phase de collecte d’information, d’avis des participants en particulier, voici quelques questions que je me pose en général:

  • Ce retour est-il pertinent dans le cadre de ce que je veux transmettre ? Par exemple, j’ai eu des retours pour Terres de Sang qui disaient que l’exploration n’était pas terrible car les joueurs n’avaient pas la sensation de découvrir des lieux intéressants à cause de l’absence de MJ. Ce type de retour est intéressant, non pas parce qu’il remet en cause les règles et la philosophie du jeu, mais parce qu’il soulève une problématique dans la transmission de l’intention. La question devient alors: comment aurais-je pu faire pour mieux transmettre mon jeu ?
  • Par extension, demandez-vous: est-ce que le joueur qui me fait le retour fait partie du public que je cible ? Un joueur qui aime les jeux ludistes risque de ne pas aimer les jeux narrativistes (je schématise à mort, les jeux ne sont jamais à 100% ludistes, simulationnistes ou narrativistes bien sûr !)
  • Lorsque j’ai des retours qui concernent les émotions ressentis, je me pose la question: “A quoi est-dû ces émotions ? Est-ce pertinent de les prendre en considération ?”. Je ne dis pas ici qu’il faut nier le fait quelqu’un ait ressenti telle ou telle émotion. Il convient bien sûr de prendre conscience de cela. Mais il faut aussi départager les émotions qui sont induites par le système de jeu et les émotions induites par des éléments externes (comme la fatigue psychologique de la personne, le feeling autour de la table, etc.). Si une personne se sent mal à l’aise à cause de blagues sexistes et lourdes, est-ce dû à votre jeu qui met trop en avant une certaine vision de la masculinité ? Ou est-ce autre chose ?

Par extension, j’essaie toujours de faire un débrief à la troisième personne, une sorte de sas de décompression, pour tenter de prendre du recul par rapport aux personnages qu’on a incarné et pour ne pas mélanger les sentiments en jeu et les retours sur le jeu.

Bref, l’idée ici est de tirer un maximum d’information utile sur le jeu et la manière dont une partie a été jouée. Faites un maximum de playtest avant de changer quoi que ce soit: la répétabilité des comportements est super important pour faire la part des choses entre l’exceptionnel et le systémique.

Du pain sur la planche

Cela peut paraître simple au premier abord mais ce processus d’assembler des systèmes et faire des playtests est long, très très long. Vous avez du pain sur la planche les amis. Il faut persévérer, créer, tester et tester encore, assembler les briques élémentaires, playtester le système et être conscient de ce qu’il peut produire (émergence et Vide Fertile). Bref, les maîtres mots sont:

Persévérance et méthode.

A la prochaine !

Créer son jeu de rôle (3) – Gameplay linguistique et SAV

Round 3 !

Précédemment dans cette série, je vous ai parlé de l’importance des règles, de crashtests et de théories rolistes (LNS, atomistique). Et surtout, j’avais fait la promesse de vous parler de playtests et de système complet.

Et bien… J’ai menti ! Ou plus précisément, je ne vais pas en parler pour le moment car j’ai deux trois trucs à dire pour compléter l’article précédent.

Aujourd’hui, je vous présente une autre manière d’analyser les parties de JDR et je vais donner quelques exemples de mécaniques en fonction des distinction LNS ou atomistique (le SAV de l’article précédent).

Petit disclaimer avant de commencer: lorsque je parle de cadre Narrativiste, Ludiste, etc., je parle en fait de cadre privilégié. Gardons en tête que les grilles d’analyse LNS, atomistique ou linguistique n’ont pas pour vocation de mettre des jeux entiers dans des petites cases. Voyons tout cela comme un spectre dans lequel un jeu, des mécaniques de jeu, des systèmes, peuvent s’inscrire en prenant plus ou moins part à certaines tendances.

Voilà c’est dit… Aller, c’est parti pour ce présent article !

Je vais commencer par vous parler d’une de mes découvertes récentes.

Le Gameplay Linguistique

Oulalala, c’est quoi ces mots barbares ? Encore un truc de jargoneux qui veulent branler des mouches ?

Presque…

En fait, c’est une autre manière de voir le JDR, une autre grille d’analyse. Je l’ai découvert en écoutant ce podcast de la Cellule. Le sujet est passionnant mais le podcast est très peu digeste de par la complexité du sujet et les digressions des animateurs. Bref, c’est touffu et surtout c’est difficile à la première écoute d’appliquer cela à notre processus de création.

Pas de panique, je vais essayer de vous dire ce que j’ai capté du bousin et surtout ce qu’on peut en tirer en terme d’ingénierie du JDR.

En fait, tout part de quelques constats:

  • Une partie de JDR est une discussion entre personnes ;
  • Cette discussion fait référence à des éléments qui ne sont pas forcément « réaliste » et qui ne décrivent pas « le réel » ;
  • Il y a donc un lien entre ce qu’on dit et ce qu’on voudrait désigner. Et ce lien ne va pas de soi, dans le sens où il nécessite un effort de la part des participants (d’écoute, d’empathie, de références culturelles par exemple).
  • D’autant plus que la fiction est issue d’un imaginaire commun et que parfois le rôle des participants n’est pas toujours clair (sur qui a le dernier mot sur les décors par exemple).

Par exemple, dans une partie de JDR, si je dis

« Le chevalier s’avance et tire son épée »

on peut se poser pleins de questions:

  • A quoi ressemble exactement le chevalier ? Si ça se trouve je l’imagine avec une armure de plaque et mon voisin l’imagine avec une armure légère. Je pense à Kaamelot, il pense à un vrai chevalier de la Table Ronde, etc.
  • Est-ce que les joueurs peuvent discuter entre-eux en méta pour clarifier à quoi ressemble le chevalier ? Ou pas ?
  • On a dit qu’il avait une épée avant ? Si non, qui décide si c’est valide ? Le MJ ? Si je propose cela en tant que joueur, comment cela va-t-il être perçu à la table ? C’est du forçage ? C’est légitime ?
  • Et si c’est super dramatique et important qu’il ait à ce moment précis une épée ? On accepte ? (Dans ce cas, on est dans un cadre Narrativiste de la théorie LNS… Suivez un peu les gens du fond 🙂 )

Et c’est là qu’on voit que le jeu (avec ses mécaniques, son système, son univers) auquel on joue va grandement influencer la manière dont on va parler à la table.

C’est là qu’entre en scène le Gameplay Linguiste : la manière qu’on a de jouer en ayant une conversation autour d’une table.

Aller, un exemple de gameplay linguiste:

Dans un jeu où le MJ a le contrôle de l’univers et les joueurs le contrôle de leur personnage:

  • Les joueurs formulent des énoncés (« je monte sur l’échelle », « je m’avance et tire mon épée », etc.)
  • Le MJ analyse les énoncés avec sa grille d’interprétation personnelle et reformule (« OK, tu montes sur l’échelle », « OK mais ton épée reste bloquée dans son fourreau car elle était rouillée par votre précédente bataille contre le dragon des mers », etc.) (PS: tient dans cette dernière phrase, les joueurs jouent en mode S de la LNS ! On suit les gens du fond ? 🙂 )

Dans cette dynamique de jeu, un gameplay possible est de tenter de convaincre le MJ que l’énoncé qu’on formule est valide dans la grille d’interprétation du MJ:

« Hey mais si c’est logique que mon PJ connaisse des gens dans cette ville: il y est né et a fait parti de la mafia dans sa jeunesse ! »

« Mmmm OK, tu connais un type qui s’appelle Sergio le Borgne ! »

Ce gameplay linguistique est particulièrement intéressant pour mettre les joueurs dans une position de confrontation, par exemple pour des jeux d’horreur ou d’aventure.

Allez, un autre exemple, dans le monde des jeux indépendants. Dans (le magnifique) Prosopopée, on joue des sortes de sages qui doivent ramener l’équilibre dans le monde. C’est un jeu pacifique et zen avec un ambiance à la Mushishi: un pur régal ! Dans ce jeu, une partie des joueurs incarne chacun un personnage tandis que les autres n’en incarnent pas. Pourtant chacun peut avoir le dernier mot sur les décors et les figurants: il n’y a pas de confrontation joueur/MJ dans Prosopopée. Par ailleurs,  une mécanique du jeu stipule qu’à tout moment un joueur peut donner un jeton à un autre joueur s’il a aimé ce qui a été dit.

Dans le cas de Prosopopée, la mécanique d’offrande de jetons induit un gameplay linguistique très précis:

  • Chaque joueur peut dire ce qu’il veut.
  • Néanmoins, il y a pas ou peu de discussion méta pour se mettre d’accord et clarifier les énoncés des uns et des autres.
  • Du coup, chaque joueur collabore pour être le plus clair possible, mais un flou reste qui permet à chacun une multiplicité d’interprétation, ce qui facilite l’émergence poétique.
  • C’est donc les règles sur la discussion (Tout le monde dit ce qu’il veut + Pas de discussion méta) qui favorise la poésie de ce jeu.

Prosopopée = Altruisme +Poésie… Tient c’est l’un des propos du jeu ! Ca c’est une sacrée coïncidence (ou pas) !

Bon, vous avez saisi le truc ! Du coup, quand on a dit ça, on se rend compte qu’on peut créer des systèmes de jeu qui favorisent un certain type de gameplay linguistique. Et c’est toujours cool d’être aware !

Bon bon bon. Maintenant passons à la pratique !

De la théorie au game design

Maintenant qu’on a parlé de théorie, de LNS, d’atomistique et de gameplay linguistique, on peut tenter d’appliquer ce qu’on a appris pour nos jeux. Je vais reprendre ces 3 méthodes d’analyser les jeux et je vais donner des exemples de mécaniques possibles pour émuler ces tendances.

On pourra alors faire des crashtests pour voir si ces mécaniques ont l’effet voulu.

Attention, petit disclaimer: associer une seule mécanique à un effet désiré n’est peut être pas suffisant ! C’est là qu’entre en scène la notion de « système » ou « d’écologie » dans le jeu. Je vais en parler en détails dans l’article suivant. Gardez en tête que cette méthode peut fonctionner dans l’absolu mais qu’il faudra souvent associer plusieurs mécaniques pour avoir l’effet désiré !

Aller, c’est parti:

Je veux que les joueurs s’entraident pour surmonter des défis.

On veut donc que le gameplay linguistique se centre autour de l’écoute et de prises de décisions éventuellement par consensus. Si on veut des défis de type Ludiste (LNS) / Tactiques (atomistique), on peut mettre en place:

  • des systèmes de combos à la DD4 (plus de dégât sur une cible étourdie, si tu « taunt » le monstre je peux le « dps » rapidement, etc.)
  • de magie élémentaire (feu > glace donc tu peux lui mettre le feu et je te booste avec mes sorts de soutien)
  • des phases de discussion tactique en amont d’une bataille, puis on donne des ordres qui seront exécutés quoiqu’il arrive (en mode séquentiel)
  • etc.

PS: à contrario, si on veut une compétition entre les joueurs, tout en gardant le côté « surmonter les défis », on peut mettre en place des systèmes de niveaux, d’XP donné à celui qui donne le coup décisif au monstre, etc.

Je veux que les joueurs s’entraident pour raconter une belle histoire.

Même gameplay linguistique que précédemment: écoute et entraide ! Dans ce cas, on va vouloir se placer plutôt dans un cadre Esthétique (atomistique):

  • Pas de meneur ou meneur avec une autorité moindre
  • Un système d’écoute, d’approbation des énoncés des autres ou de réinvestissement des énoncés des autres, etc.

Je veux que les joueurs se confrontent à un monde difficile et qu’ils ne peuvent pas contrôler.

C’est le modèle du jeu « trdi » avec un MJ Dieu…. Dans ce cas,

  • on peut penser à un MJ fort avec qui il va falloir négocier dur pour avoir des objets qui auront des stats de merde
  • on peut mettre en place un système d’attrition pour forcer les joueurs à négocier

Je veux que les joueurs face des choix moraux difficiles.

Tient, Terres de Sang ? (oui je fais de l’auto promo…)

On se place dans un cadre N / jeu moral. Là, on peut chercher un gameplay linguistique découpé en deux phases:

  • une première qui vise à découvrir ce qui est important pour le PJ, en posant des questions méta au joueur par exemple
  • une deuxième qui donne une autorité absolue au meneur pour qu’il propose un choix horrible au PJ sur la base de la phase 1

Pour conclure

Une fois qu’on a les outils théoriques, les grilles d’analyse d’un partie de JDR, on peut facilement faire du game design autour et proposer des mécaniques, des règles (de résolution ou d’univers) qui tendent vers un effet escompté.

Que ce soit la théorie LNS, l’atomiste ou le gameplay linguistique, l’important et de se jeter à l’eau et d’échouer vite ou réussir vite, comme je l’ai dit dans l’article précédent :

  • Prendre un jeu
  • L’analyser grâce à la théorie
  • Tirer des éléments qui nous font kiffer
  • Crashtester et modifier jusqu’à plus soif

Aller, on se quitte sur cette bonne parole et on se retrouve la prochaine fois pour parler du système et de l’intrication des mécaniques de jeu.

La suite se trouve ici !

Créer son jeu de rôle (2) – Crashtests

C’est parti pour le round 2 !

La dernière fois, je vous ai dit que tous les choix que nous faisons en tant que créateurs de jeu étaient important. Je vous ai dit qu’il fallait se poser tout un tas de questions sur la pertinence de nos choix et qu’il fallait tout remettre en question lors du processus créatif. Ma méthode consistait en:

  • Écrire un cahier des charges, c’est-à-dire définir ce que je veux faire / dire avec mon jeu
    • Pour cela je décris le genre de scène que j’ai envie de produire avec mon jeu
  • Brainstormer sur les solutions techniques qui peuvent répondre à ce cahier des charges
  • Réunir les solutions retenues et finaliser le jeu

Comme dans tout mauvais tuto, il y a un gap ENORME entre le deuxième et le troisième point. C’est ce sur quoi on va s’attarder aujourd’hui, avec un peu de théorie en back-up.

Échouer rapidement

J’ai un problème très personnel: j’aime finaliser quelque chose avant de le tester (j’écris des tonnes de trucs, je fais les illustrations, les mises en page, le fiches, etc.). Et ce comportement est contre productif à mort ! (mais vraiment à mort !)

Depuis peu, je me force à faire vite pour échouer vite. En effet, les premières idées sont rarement les bonnes (ou en tout cas sont rarement dans leur forme finale) et il faudra itérer un certain nombre de fois !

C’est là que je ressors les concepts de crashtest et de darwinisme ludique.

Contrairement à un playtest où je fais jouer des parties entières, je m’organise des crashtests tout au long des itérations du projet. Ces crashtests ont pour but de valider une idée précise, une brique élémentaire de mon jeu. En gros, dès qu’on a une idée, on se cale 30 minutes pour tester cette idée de manière individuelle.

Par exemple, dans Héros d’Argile, on voulait avoir un élément physique (dans la vraie vie) qui se découpait ou qui se déchirait durant le jeu. On a fait des tests avec divers éléments de la fiche de personnage, du plateau de jeu, des cartes Sidekicks, etc. A chaque fois, on s’est mis dans une situation fictionnelle donnée:

  • on énonce la situation
  • on fait 1 minute de silence pour s’immerger un minimum
  • et on joue

On a testé quelques concepts comme cela. A la fin, on a retenu le fait de déchirer une partie de la fiche de personnage lorsque les causes du héros étaient remises en question.

En fait, on procède à un sélection semblable à l’évolution, d’où le terme de darwinisme ludique. Pour une brique élémentaire du jeu, on itère jusqu’à ce qu’on soit satisfait.

Attention cependant, l’optimum global n ‘est pas la somme des optimums locaux ! Autrement dit, ce n’est pas parce que toutes les briques élémentaires sont virtuellement « parfaites » que l’assemblage des briques élémentaires tiendra la route.

Je reviendrai sur les sujets des playtests et de l’harmonie globale des mécaniques dans le prochain épisode. Ici, on s’intéresse à l’échelle locale: les briques élémentaires.

Comprendre son jeu: flirter avec le modèle LNS

Donc là, on a un cahier des charges et on commence à brainstormer. On commence à crash-tester nos idées de mécanique et on juge « au doigt mouillé » si ça nous plaît.

Sauf que bon, au mieux on va trouver les bonnes briques élémentaires au pif au bout de quelques itérations, au pire on va faire énormément (beaucoup trop !) de crashtests avant de tomber sur ce qui nous convient. Bof comme méthode !

Souvent, je lis qu’il faut « beaucoup jouer », « beaucoup lire », « lire de tout », « copier pour s’approprier », etc. Tout cela est vrai. Bien sûr, il faut lire et jouer à pleins de jeux pour tenter de comprendre comment les mécaniques s’imbriquent. Sauf que là, on est dans un article de méthodo et que dire qu’il suffit de lire beaucoup n’est peut être pas satisfaisant. En fait, en disant cela, on ne nous dit pas:

  • quoi lire ;
  • ce qu’il faut retenir de nos lectures.

On va donc cherche du côté des théories et répondre à ces questions:

  • Comment orienter son brainstorming dans la bonne direction ?
  • Que retenir de nos lecture ?

Bon, OK. On s’y met.

Comprendre son jeu et ce qu’il requière est un bon début.

Commençons par là. Pour ce faire, faisons le tour de ce que peut être un JDR.

Dans cet article de Ron Edwards, le gus nous dit qu’on peut trouver dans les jeux plusieurs « intentions »: Ludiste, Narrativiste, Simulationniste (modèle LNS, ou GNS en anglais).

Dans cet article de John H. Kim, on retrouve une définition que j’aime bien de chaque terme:

Ludiste : ce style valorise la création de défi digne de ce nom aux joueurs (et non aux PJ). Ce défi peut être du combat tactique, des énigmes à résoudre par l’intelligence, de la politique, ou n’importe quoi d’autre. Les joueurs vont tenter de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés, et en retour le MJ fera en sorte qu’il soit possible de surmonter l’obstacle si les joueurs agissent intelligemment dans les limites du contrat.

Narrativiste : ce style valorise la création d’une histoire satisfaisante à travers les actions à l’intérieur de la partie. Plusieurs sortes d’histoires peuvent être perçues comme satisfaisantes, selon les goûts de chacun, ce qui va de l’extravagante action pulp au drame psychologique réaliste. C’est le résultat final de l’histoire qui compte.

Simulationniste : ce style veut que les événements en cours de partie soient résolus seulement à partir d’éléments internes à l’univers de jeu, sans qu’aucune considération de méta-jeu ne vienne affecter la décision. Ainsi, un MJ complètement simulationniste ne trafiquera pas les résultats pour sauver les PJ ou pour sauver son intrigue, ou ne modifiera même pas des faits inconnus des joueurs. Un tel MJ peut utiliser des considérations de méta-jeu pour répondre à des questions de méta-jeu, comme qui jouera quel personnage, doit-on interpréter une conversation mot pour mot, etc. mais pour résoudre les événements du jeu proprement dits, il se basera sur ce qui se passerait “réellement”.

Moi j’aime bien résumer ces concepts comme ça:

  • Ludiste: Tu lances les dés et tu fais « wooooooo » sur un bon résultat parce que tu sais que c’est un coup critique et que tu connais tes dégâts
  • Narrativiste: Un PJ fait une action et la table fait « woooooooo » tellement c’est dans le flow de l’histoire
  • Simulationniste: Un PJ fait une action et la table fait « wooooooo » tellement c’est raccord avec l’univers, les faits antérieurs, la culture de « ce » peuple, etc.

Bon c’est mon résumé à moi et c’est très très vulgarisant (oui je suis un mec vulgaire).

Petite précision: un jeu présente souvent chaque aspect du LNS en quantité plus ou moins grande. Par exemple, Pathfinder est plutôt L et S. Terres de Sang, c’est N à fond. Et puis parfois, on ne peut pas décrire un jeu à 100% avec ce modèle.

Donc là on a un début de réflexion. Ce modèle n’est pas parfait et il est voué à être dépassé dans le monde des théoriciens, mais il a le mérite de commencer  la réflexion.

Si on reprend notre processus créatif, on était en train de faire des crashtests. Maintenant, je sais que pour répondre à mon cahier des charges, je peux m’appuyer sur le modèle LNS:

  • Mon jeu aura plus de L, de N ou de S ? (en sachant qu’on ne peut pas avoir les 3 potards à fond)
  • Ma mécanique est plutôt L, N ou S ?
  • Du coup, ma mécanique est elle pertinente dans mon jeu ? (crash-tester à fond)

Un autre moyen de brainstormer, c’est de prendre les jeux qu’on connaît et de le déconstruire: tient Pathfinder c’est plutôt L et S parce que bla bla bla… Puis en reprenant des éléments à son propre compte, on peut trouver ou améliorer une mécanique.

Par exemple dans Terres de Sang, la phase de Conflit est clairement affilié à Inflorenza Minima de Thomas Munier.

Autre exemple: tient dans Pathfinder, on lance 1d20 et rajoute un tas de bonus. Du coup, ces bonus font qu’on se sent compétent. Et plus on a optimisé son personnage plus on se sent compétent: c’est du Ludisme à fond ! Bon et bien si dans mon jeu, je mets une mécanique de « bonus » (qu’on peut optimiser) à ajouter à des lancés de dés, il y a des chances pour que le résultat soit « L » aussi. Est-ce que c’est pertinent pour mon jeu du coup ? Etc.

Vous commencez à voir le cheminement…

PS: pour aller plus loin. La LNS s’inscrit dans un cadre théorique plus large (qui est aujourd’hui est voué à être dépassé selon leurs auteurs). Si vous voulez en savoir plus:

Quatre articles de Ben Lehman sur cette théorie (le premier article se trouve ici. Vous serez dirigé vers les autres).

Un article de Frédéric Sintes qui propose sa réflexion autour de ce modèle

Atomistique de Thomas de Munier

Voici un autre exemple de découpage conceptuel des JDR qui peut nous aider dans notre création. (PS: c’est un découpage qui diffère de la LNS mais qui n’est pas antagoniste)

Thomas Munier propose dans 5 loooooongs podcasts sa classification des JDR:

  • Jeu Esthétique qui met en valeur le fait de raconter (une histoire, un univers, des personnages) avec style et cohérence.
  • Jeu Social qui met en valeur les interactions entre les joueur / joueuse.
  • Jeu Tactique qui met en valeur les défis et épreuves qui nécessitent la logique, l’astuce, l’intuition ou l’inventivité des joueur / joueuses.
  • Jeu Moral (1 et 2) qui met en valeur les objectifs, les valeurs, les devoirs, les désirs et les attaches des personnages.

Personnellement, j’aime beaucoup ce découpage. Les jeux que nous produisons sont en général des jeux « moraux et esthétiques ».

Même chose ici pour le processus créatif:

  • commencez par vous demander dans quel cadre votre jeu s’inscrit
  • demandez vous si les mécaniques que vous testez s’inscrivent dans la démarche adéquate

Bon, on va s’arrêter là pour les découpages théoriques des propositions créatrices des JDR. Vous avez l’idée, je crois.

Avant de terminer l’article, j’aimerai dire un mot sur les joueurs, vous savez, ces gens qui JOUENT à notre jeu…

Non au diktat de l’auteur

Jusque là, nous nous sommes placés du point de vue de l’auteur: cet être au dessus de tout qui béni la plèbe de ses saintes écritures (son jeu). Cette image est ridicule n’est ce pas ?

En fait, l’auteur et l’interprétation de ses écrits ne sont qu’une infime portion du processus qui consiste à créer une fiction en JDR. Une partie de JDR, c’est une discussion entre des gens, qui ne connaissent pas l’auteur en général, ni ce qu’il avait en tête lors de la création du jeu.

Dire que les joueurs ne « jouent pas au jeu » lorsqu’ils ne respectent pas scrupuleusement toutes les règles du jeu dans les détails, c’est selon moi ce en quoi consiste le « Diktat de l’auteur« . C’est un poil prétentieux en plus !

C’est pourquoi j’aimerai faire une parenthèse ici sur l’apport des joueurs.

Certains, comme Thomas Munier dans cet article, pensent que ce sont les joueurs qui font le jeu: « players do matter » au lieu de « system does matter ». Il a également écrit un article qui s’intitule « Toute partie de jeu de rôle est une trahison » et qui raconte comment il est impossible de retranscrire sur table à 100% les règles d’un jeu.

En gros, j’aime à dire que:

  • Le JDR est une pratique volatile, basé sur le langage et instantanéité
  • Il est difficile de suivre scrupuleusement 100% des règles: les joueurs apportent forcément des éléments personnel
  • Corollaire: il n’y a pas l’ensemble des règles nécessaires pour faire une partie de JDR dans un livre de règles.

Bref, l’émergence (et parfois la débrouille) est centrale dans une partie de JDR.

C’est quelque chose que j’ai eu personnellement beaucoup de mal à jauger au départ. Moi qui aime les jeux de plateau, j’avais tendance à cadrer l’expérience de jeu au maximum afin de transmettre une expérience TRÈS (trop) précise.

Aujourd’hui, je suis un peu plus souple sur ce sujet (l’âge me direz vous ?). Je pense que les règles doivent cadrer une expérience de jeu mais que l’émergence doit avoir une place centrale. Dans mon processus créatif, je considère les règles du jeu comme des outils, plutôt que comme des règles. Cet article compare les règles du jeu à un GPS.

Mais comment traduire cela dans le game design ? En fait, je vois les choses comme cela:

  • Les briques élémentaires cadrent l’expérience locale (à un instant t)
  • La somme des briques élémentaires forme l’expérience globale (l’ensemble de la partie)

Si les briques élémentaires n’offrent que peu d’espace de liberté, c’est l’intersection de ces briques (le système au complet) qui va pouvoir faire apparaître l’émergence. J’en parlerai plus longuement la fois prochaine.

Bref, ce chapitre était plutôt un passage militant: chers créateurs, s’il vous plaît, laisser de la place à l’émergence dans vos jeux. Faites confiance à vos joueurs.

En fait, écrire un JDR, c’est comme élever des gamins.

Il faut cadrer, énoncer des règles, mais laisser les joueurs faire à leur sauce aussi. Oui c’est putain de paternaliste, mais j’assume (sauf qu’il faut enlever les notions de « bien » et de « mal » qu’on enseigne aux gamins et qui sortent du contexte de l’écriture d’un JDR – of course).

Allez, on va se quitter sur ces belles paroles. La fois prochaine, je vous parlerai de pédagogie Montessori… euh non… Je vous parlerai de l’ensemble des règles qui composent un système, de l’émergence et de comment gérer les playtests.

A bientôt !

La suite se trouve ici !

Créer son jeu de rôle (1) – Ma méthode

Salut les gens ! Pour bien commencer 2018, voici une série d’articles qui oscillent entre théorie et méthodologie. Pour info, je reprends et revisite mon article qui parlait de méthodologie (et qui nécessite un bon décrassage). Pas besoin de lire ce dernier, on va reprendre du début !

C’est parti.

Ne vous êtes jamais posé les questions suivantes :

Mais diantre, comment créer mon jdr ?

J’ai des idées, un univers, mais comment j’en fais une base de jeu ?

Et bien, nous allons répondre à ces deux questions !

Ce que vous allez trouver dans ces articles

Cette série d’articles part de plusieurs constats:

  • Le coût d’entrée dans les théories rolistes est très élevé. J’ai moi même travaillé les questions théoriques pendant très longtemps avant de m’y retrouver ! J’aurai aimé trouver des ressources pédagogiques à l’époque.
  • Le lien entre théorie et pratique, et plus précisément entre théorie et processus créatif, est difficile à faire. Entre le savoir et le savoir-faire, il y a souvent un gap.
  • J’aurai aimé trouver un journal de bord d’un créateur de jdr en langue française ou toute sorte de documentation du processus créatif. Malheureusement, je suis resté bredouille sur ce sujet (mais j’avoue ne pas avoir cherché à fond non plus).

Bref, j’ai envie de donner mes deux centimes sur la question. J’aimerai dans cette série d’articles:

  • Donner ma méthode création de jeu, ma recette secrète ;
  • Documenter le processus créatif, de l’idée de départ jusqu’à la publication ;
  • Faire le lien entre les articles théoriques que je lis et leur application concrète dans mon cas précis ;
  • Donner des tuyaux, des infos pratiques, sur ce que je fais (monter des playtests, s’y retrouver dans les licences creative commons, trouver des illustrations, faire de la mise en page, maîtriser Lulu.com, etc.).

A qui s’adresse ces articles ?

J’ai conscience que ce genre d’article risque de ne pas intéresser tout le monde. En tout cas, je construis cette série de telle sorte à ce qu’un « débutant » puisse s’engager dans le processus de créer un jeu publiable dans un temps raisonnable. Ainsi, si vous êtes un vétéran du modèle GNS et si vous êtes familier du jargon théorique végano-narrativiste, j’ai bien peur que vous ne trouviez pas votre compte dans ces articles qui seront vulgarisant.

De même, si pour vous, un jdr c’est un univers et un système de règles génériques (l’éternel d20 VS d6), passez votre chemin car nous allons nous prendre un peu la tête sur ce qui peut être considéré comme du « branlage de mouche ».

Bref, je m’adresse à toi (et tu es peut-être pas nombreux) qui veut faire un jdr publiable et qui n’a pas encore mis les pieds dans l’univers fascinant des théories rolistes.

Aller ! On a du pain sur la planche !

Réaliser que tout est important.

Avant de commencer à blablater sur ma recette miracle, j’ai envie de passer un peu de temps, en guise d ‘introduction, à pointer du doigt quelque chose de primordial pour se lancer dans la théorie roliste:

Aucun choix n’est anodin dans l’écriture d’un jdr.

Tout est important. De la fiche de personnage aux « règles » du jeu, de l’univers à la manière de transmettre le jeu. Tout est important dans le sens où l’ensemble des choix qui constituent un livre de jdr conduisent à une certaine manière de jouer à ce jeu.

Juste pour prendre un exemple: considérons la fiche de personnage de Pathfinder:

Outre le fait que c’est compliqué, que décrit-elle ?

  • Les capacité physiques, mentales et sociales d’un personnage de manière intrinsèque (son inné) ;
  • Les choses qu’il a apprises comme les compétences, les sorts, etc. (son acquis) ;
  • Son équipement.

On a à faire à une fiche qui renseigne déjà pas mal sur la philosophie du jeu, sans même lire le livre de règles. En observant la fiche, on peut déjà dire que:

  • Le jeu se focalise sur ce qu’un personnage SAIT faire, pas sur ses émotions ;
  • Le jeu est calculatoire (au moins à la création de personnage) ;
  • Le jeu risque d’être martial (au vue de l’importance accordée aux armes, aux protections et aux sorts (50% de l’espace sur 2 pages).

Et puis, le jeu fait la différence entre l’inné et l’acquis.

Bon, en disant tout cela, on n’a pas dit grand chose sur Pathfinder (qui est tout de même sacrément complexe). Toujours est-il que tous les choix sont importants lorsqu’on crée. Tous les choix, même les plus évidents comme:

  • la présence d’un MJ ;
  • le fait de lancer des dés ;
  • le fait de devoir parler à la première ou à la troisième personne ;
  • le fait de dire qui a l’autorité sur la fiction (le mj, les joueurs ?) ;
  • la mise en page du livre de base ;
  • etc.

OK. C’est dit ! Pour le moment gardez simplement en tête qu’aucun choix n’est anodin…

C’est bien beau tout ça. Réaliser que tout est important. And so what ?

Et bien pas grand chose. Et beaucoup à la fois. C’est un état d’esprit qu’il faut, à mon sens, avoir lorsqu’on crée un jdr. Avant de se lancer dans l’écriture de centaines de page de background ou dans la confection d’un système compliqué avec multiples lancés de dés explosifs, je me pose toujours cette question:

Est-ce que ce que je fais est utile pour ce que je veux ?

(PS: petit article sur la nécessité de se demander « pourquoi cette règle existe ? »)

De la nécessité de savoir où on va

Du coup, pour créer le jdr de nos rêves, et bien il faut définir nos rêves. C’est la première étape de ma recette secrète à créer des jdr à succès (hum hum). Ainsi, avant toute chose, avant l’univers ou les éléments de règles, je commence par me poser la question suivante:

Quelle genre de scène j’ai envie d’avoir dans mon jeu ?

Par exemple dans Terres de Sang, je voulais:

  • avoir des scènes où un PJ se surpasse pour explorer un lieu inconnu. Ce faisant, il révélerait une partie de son passé (par des flashbacks par exemple) aux autres.
  • avoir des scènes où les certitudes du PJ seraient brisées par ce qu’il a vécu sur le Nouveau Continent. Il aurait alors un choix moral à faire: rester le même ou changer. Dans les deux cas, il perdrait quelque chose.

Je rajoute souvent des références à des livres, des films ou des scènes dans des parties de jdr auxquelles j’ai participé. Dans le cas de Terres de Sang, on peut penser à The Fountain, Vendredi ou la vie sauvage, certaines partie d’Inflorenza Minima, etc.

Pour Damnés, que nous sommes en train d’écrire, j’ai en tête des scènes d’anciennes parties de jdr qui m’ont marquées. En particulier, lors d’une campagne de Vampire, il y avait cette scène où Wata (une PJ) qui avait l’emprise mentale sur un humain l’a délibérément laisser partir parce qu’elle se rendait compte qu’elle lui faisait du mal. Un moment émouvant, sincère et profond que j’ai envie de reproduire dans notre prochain jeu (qui se focaliserait vraiment sur l’exploration de la noirceur intime des Damnés). Le passage se trouve ici (c’est écoutable même sans contexte et le passage où Wata libère Daniel donne des frissons):

En bref, c’est le moment de brainstormer sur les trucs cools que vous voulez avoir dans votre jeu.

A cette étape, je me laisse en général très peu de temps afin que mon projet ne soit pas un amas de choses que j’ai envie de faire sans que ne puisse en voir le bout. Idéalement, je devrais pouvoir résumé mon jeu en 2 phrases:

  • Dans mon jeu, on joue ça
  • Et le truc le plus cool dans mon jeu c’est ça.

OK. Ca c’est fait !

Et maintenant ?

Choisir les bons éléments pour respecter le cahier des charges

Bon là ça se complique. On sait ce qu’on veut mais on ne sait pas encore comment le mettre en œuvre. Il y a une tripotée de choses à mettre en place, mais globalement, je les découperai en deux catégories:

  • Les mécaniques dures: ce sont les règles écrites en dur et qui nécessite une action du joueur pour la mettre en oeuvre (exemple: lorsque le PJ est en danger, lance un dé).
  • Les mécaniques molles: ce sont les règles implicites, les conseils de jeu, le feeling dont découlent certains comportement. Quelques exemples:
    • Dans ce monde, il y a de la magie. Ceci impose une manière de penser que le joueur adoptera en incarnant son personnage.
    • Faites une longue pause après avoir raconté quelque chose. Ceci impose un « flow » qui tend vers des parties plus « zen » (je caricature à mort mais vous avez l’idée).

Bon et bien on va s’attaquer à ces aspects !

Avant toute chose, un peu de saine lecture: cet article de Frédéric Sintes qui définit le système. Il y a là déjà pleins de questions qu’on peut se poser: qui dit quoi, quand, comment, qui tranche les conflit, comment, etc. ? (PS: voici un autre article du même gus, pour la détente, sur les niveaux d’un système.)

Dans la suite, je vais utiliser le vocable de Frédéric Sintes.

Le système de jeu

Donc le système, ce n’est pas seulement les règles de résolution d’une action, mais bien l’ensemble de règles qui régissent une partie.

A priori, on pourrait dire que:

  • Puisqu’une mécanique engendre un effet;
  • Il suffit de mettre des mécaniques bout à bout pour obtenir un système, en veillant à couvrir le spectre le plus large possible dans les situations probables de mon jeu.

Oui, mais non. Car comme des engrenages, les mécaniques doivent bien s’imbriquer pour faire ressentir aux joueurs la sensation voulue.

Sauf qu’à priori, on n’a aucune idée de comment ces règles s’imbriquent tant qu’on n’a rien mis sur la table. Je préconise donc, dans un premier temps, de poser une règle par effet désiré, sans se préoccuper de synergies ou d’anti-synergies. On verra ce dernier point dans un second temps. Pour le moment, je colle des mécaniques que je connais à mon cahier des charges (c’est là que la connaissance roliste devient importante).

Premier exemple simple,  j’ai envie que mes joueurs se sentent puissants lorsqu’ils font une action. Je peux utiliser un système à la Vampire la Mascarade: jeter une brouette de 1d10 et compter les réussites. Le fait de jeter une tonne de dés peut donner un sentiment de puissance, du fait du nombre de trucs en plastique qui s’entre-choquent.

Autre exemple plus pointu, ai-je besoin d’un MJ dans mon jeu ? Et oui, le MJ, c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique ! Le fait d’avoir un MJ dans un jeu impliquent un tas de raisons qu’on met souvent sous le tapis, car on est habitué à ce mode de jeu. Bref, on peut légitiment se poser la question:

Est-ce que le fait d’avoir un MJ et des joueurs pertinent dans notre démarche ?

Pour Damnés, ce schéma traditionnel a ses limites car le MJ ne peut pas savoir ce que pense les joueurs (ni les PJ). Pour que le jeu fonctionne, il faudrait que les sentiments des PJ puissent influencer les scènes dans lesquels ils vont apparaître. Si le MJ me propose une situation qui ne m’intéresse pas, je ne risque pas de m’impliquer émotionnellement (et c’est ça que je cherche dans Damnés: l’implication émotionnelle). Mais, je ne souhaite pas non plus que les joueurs définissent leurs propres scènes (j’aime bien l’interprétation d’un PNJ par le MJ et les faces à faces que cela peut engendrer). Moralité: j’opte pour un système avec un MJ mais qui va devoir intégrer des éléments importants de « feedback » du joueur vers le MJ et les autres joueurs. Je ne sais pas encore quoi, mais je sais que ça va être capital.

De cette première question vont en découler des dizaines d’autres. C’est un bon point de départ, à mon avis parce que les choses se déroulent assez facilement ensuite.

Que j’ai choisi un système sans MJ (comme dans Terres de Sang ou T.A.N.G.O.) ou avec un MJ (ou même avec plusieurs MJ et un seul joueur comme dans Héros d’Argile), je me pose dans un premier temps les questions suivantes:

  • Qui décrit quoi ?
  • Qui a le dernier mot sur le décor ? sur les PJ ? sur les figurants ?
  • Les PJ doivent-ils avancer vers une résolution ? Comment font-ils cela ?
  • Qui impose les obstacles ?
  • Qui résout les conflits ? Comment résout-on les conflit ? (Hasard, prix à payer, etc.)
  • En tant que joueur, comment je sais quand prendre la parole et pour dire quoi ?
  • Etc.

De ces questions vont découler un certain nombre de réponses qui vont constituer un socle de départ.

Par exemple dans Damnés, je sais que:

  • Il y a un MJ et des joueurs ;
  • Les joueurs impulsent les scènes (qui, quand et où) et le MJ en a la responsabilité ensuite en interprétant décor et figurant ;
  • Le MJ propose les conflits ;
  • La résolution des conflits n’est pas aléatoire mais va dépendre de l’état émotionnel du PJ (et là ça fait tilt dans ma tête: je vais axer mon gameplay sur l’axe émotion VS action. Je pars ensuite sur une phase de brainstorm.) ;
  • Etc.

Bon, je me suis un peu étendu sur ce dernier point, mais voyez à quel point aucune décision de design n’est anodine !

Bref, prenez le temps de bien savoir où vous allez et commencer à prendre vos premières décisions de design, vos premières briques de mécaniques…

Bon, on va s’arrêter pour aujourd’hui. Vous avez un bonne idée de la direction de votre projet à ce stade. La fois prochaine, je parlerai un peu plus de théorie et de comment s’en inspirer pour créer des solutions techniques.

La suite de l’article se trouve ici !

 

Méthodologie de création d’un JDR

Il y a des discussions de comptoirs qui font et refont le monde sans véritablement impacter votre vie. Et il y a celles qui vous mettent un coup de pied dans le cul et qui vous font cogiter une bon mois. Le 19 mars à 10h, j’ai assisté à une de ces discussions. C’était une rencontre des Ateliers Imaginaires organisée par Valentin T. au Dernier Bar Avant la Fin du Monde – Paris.

Les Ateliers Imaginaires, c’est quoi ?

Les Ateliers Imaginaires, c’est une communauté d’auteurs de JDR indépendants. Elle passe par un forum mais aussi par des rencontres IRL, une à laquelle j’ai assisté donc.

Vous avez causé de quoi ?

En quoi consistent ces rencontres ? Et bien, c’est simple: DISCUTER pardi ! Discuter de tout, mais surtout de JDR, de théories et de méthodes, de manière organisée et le plus constructif possible. Dans ce cadre, nous avons donc passé deux bonnes heures à parler de  » Méthodologie de création de JDR « . La discussion a été enregistrée et un compte rendu a été rédigé (vous avez vu combien c’est sérieux !). Les liens vers ces documents arrivent bientôt.

Et donc ?

Et donc j’ai pris du recul sur cette rencontre, j’en ai digéré le contenu et je me suis mis au boulot. Je me suis installé devant la « machine à écrire » et j’ai écrit un jeu en m’appuyant le plus possible sur les conclusions que je tire de cette discussion. Ce jeu, c’est Vampyre: Ein weiterer Lied. J’avais l’idée en tête depuis un moment. Avant la rencontre, j’ai essayé d’utiliser le moteur FATE pour confectionner ce jeu. Je suis arrivé à une impasse. Puis, quelques jours après la rencontre, je me suis remis à la tache, et, quelle fierté, j’ai réussi à produire un document « montrable ». OK, ce n’est pas le jeu du siècle, et il demande à être testé en profondeur. MAIS, ce jeu a au moins le mérite non seulement d’exister, mais aussi d’avoir mis à plat une méthodologie qui fonctionne pour moi. En effet, tout au long du processus, j’ai noté dans un coin les différentes étapes qui m’ont conduit au résultat que vous pouvez télécharger librement sur le site.

Alors, c’est quoi ta recette secrète ?

Tout d’abord, laissez-moi rapidement synthétiser les propos qui ont été tenus ce matin là. Sachez simplement qu’il s’agit de ce que j’ai retenu, et que j’ai pu déformer/omettre quelques éléments. Je m’en excuse par avance.

Dans un premier temps, rappelons qu’il n’y a pas UNE méthode, mais DES méthodes. Chacun trouve son compte, en attaquant le problème sous divers angles: le système, une sensation, une oeuvre de fiction… Certains partent d’une intuition, d’autres notent méticuleusement leurs idées pour les compiler plus tard.

graphe

Pour ma part, je pars toujours d’un Cahier des Charges (déformation professionnelle ?). Lorsque je rédige ce Cahier des Charges, je m’assure de ne pas succomber à deux tentations:

  • Etre trop vague, c’est-à-dire ne pas savoir phraser ce que je veux. Il en résulte un flou dans lequel on peut très rapidement se perdre, s’éparpiller. Il est tellement tentant de commencer par une encyclopédie de l’univers qu’on propose, et au final, cela n’aboutit à rien (en tout cas, pas à un jeu !)
  • Cadrer trop l’expérience de jeu, c’est-à-dire ne pas laisser la place à l’émergence qui constitue le coeur de notre hobby. Il ne faut pas céder à la tentation de dire « comment » jouer tel ou tel élément de jeu, fabriquant ainsi un jeu qui peut se passer des joueurs. C’est une frustration de MJ dont je dois me défaire absolument !

Pour Vampyre: Ein weiterer Lied, mon Cahier des Charges ressemble à cela, par ordre de priorité:

  1. Le jeu doit avoir pour thème central l’exploration de la Bête, le côté inhumain du vampire;
  2. Le jeu doit pouvoir créer des éléments de fictions à partir des personnages;
  3. Le jeu doit porter dans son système l’expression de relation entre les personnages;
  4. Le jeu doit avoir pour contexte le Vampire du Monde des Ténèbres.

Pour chaque point de mon Cahier des Charges, j’associe une Mécanique de jeu. Les outils que j’utilise pour cela proviennent directement de la discussion avec les membres des Ateliers Imaginaires:

  • Lire beaucoup et de tout;
  • Faire le tri dans les informations lues;
  • Utiliser des « Briques Élémentaires.

Lire beaucoup et de tout

Jouer et lire, histoire de s’inspirer. Voilà mon point faible, je pense, essentiellement par manque de temps. Pour Vampyre: Ein weiterer Lied, je me suis beaucoup inspiré :

Faire le tri des informations lues

Voici la partie où il faut un peu de méthodologie. Faire le tri, ce n’est jamais simple. En jeter trop et on en perd l’essence. Trop en garder et on s’encombre pour rien. Pour ma part, ma femme a un petit carnet où elle note tout ce qu’elle lit. C’est assez amusant de la voir lire d’ailleurs: on la voit alterner entre prise de note et lecture assidue, les sourcils froncés. Du coup, je recoupe ce que j’ai retenu de ma lecture avec ce qu’elle a noté: je considère que l’intersection de nos deux lectures permet d’en tirer l’essentiel.

Utiliser des « Briques Élémentaires »

Pour moi, les « Briques Élémentaires », ce sont ces petits bouts de système de jeu qui sont nécessaires mais pas suffisants pour retranscrire une expérience de jeu. Par exemple, « lancer une brouette de d6 et compter le nombre de succès » est une « Brique Élémentaire ». Cette brique peut permettre de se sentir « compétent », voire « puissant », du fait de lancer un grand nombre de dés. Cette brique est nécessaire mais pas suffisante pour retranscrire cette sensation: cela dépend du contexte, de la probabilité de réussir un test etc.

Ainsi, pour chaque point du Cahier des Charges, je construis un bout de système de jeu, que je teste tout seul dans mon coin. En science, cela peut s’apparenter aux expériences à effets séparés. Je teste indépendamment mes petits bouts de système. Certains marchent bien, d’autres pas vraiment. En général, si lors de mes essais je n’arrive pas à mettre la mécanique à plat, je la jette. Valentin appelle cela le Darwinisme ludique. J’aime bien cette appellation ! Je la garde !

Pour Vampyre: Ein weiterer Lied, par exemple, je me suis demandé ce que voulait dire « Explorer la Bête« . Dans le jeu, on considère que la Bête, cette inhumanité au fond de l’âme du vampire, s’exprime par les Emotions de son hôte. Plus un vampire est proche de sa Bête, plus il tend vers l’Anesthésie ou l’Intempérance d’une Emotion, c’est-à-dire vers l’annulation ou l’excès d’une Emotion. Ainsi, lorsque la Bête s’exprime, le vampire est incapable d’exprimer une Emotion ou s’adonne à l’expression à la plus poussée de celle-ci. Par exemple, un vampire qui s’éloigne de son humanité est soit incapable de ressentir la Colère, soit au contraire entre dans une furie constante, le rendant incapable de vivre en société.

Ce que je voulais dans Vampyre: Ein weiterer Lied, c’était que le joueur puisse se sentir plus ou moins proche de la Bête en intégrant une aide pour jouer le degré des Emotions. Une des « Briques Élémentaires » pour atteindre cet effet est le système de « pool de dés« . Plus il y a de dés associés à l’expression d’une Emotion, plus le vampire se rapproche de sa Bête. A contrario, moins il y a de dés, plus il est « humain ». Dans certaines conditions fixées, par exemple lorsque le vampire utilise ses Disciplines ou son Sang (c’est-à-dire ses pouvoirs surnaturels), on ajoute des dés au pool. De même, lorsque le personnage est face à une situation émotionnellement intense, on utilise l’aléatoire des dés pour savoir si on ajoute des dés au pool ou non.

Par ailleurs, le personnage peut « Décharger » une émotion, c’est-à-dire retirer des dés de son pool. Décharger une émotion, c’est relâcher la tension: aller s’expliquer avec quelqu’un, se confesser, taper dans un punching-ball, s’isoler ou méditer, voici autant de moyens de Décharger une Emotion. L’aléatoire des dés est utilisé pour savoir si le personnage réussit ou non à Décharger son Emotion. Cette mécanique permet en partie de répondre aux points 2 et 3 de mon Cahier des Charges (Le jeu doit pouvoir créer des éléments de fictions à partir des personnages et le jeu doit porter dans son système l’expression de relation entre les personnages).

 

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Un fois que j’ai traité tous les points de mon Cahier des Charges, j’assemble les briques élémentaires pour en faire mon jeu. Je teste alors le tout. On peut associer cela à une expérience à effets intégraux. Je change une ou plusieurs parties de mon assemblage lorsque c’est nécessaire, et je reteste ensuite. C’est un processus itératif qui peut être long, dépendant de son niveau d’exigence.

A la fin, je me retrouve avec un document d’une trentaine de pages avec la mise en forme pour Vampyre: Ein weiterer Lied. Je passe alors un dernier test: le questionnaire de Frédéric Sintes. C’est mon boss final, mon ultime test pour savoir si mon produit est montrable. Je fais l’exercice de répondre à toutes les questions de Frédéric. Si j’y arrive sans triturer dans tous les sens mon jeu, alors j’estime qu’il est montrable pour relecture.

Voilà c’est tout.

Cette méthode est celle que j’utilise. Je ne la considère pas comme universelle mais au moins, elle fonctionne pour moi. La preuve, j’ai écrit Vampyre: Ein weiterer Lied en à peu près un mois et sur mon temps libre uniquement. Des discussions avec les membres des Ateliers Imaginaires, j’ai réussi à extraire ce qui fonctionne à titre personnel et je l’ai appliqué à ce jeu. Mine de rien, cette méthode a le mérite d’avoir produit un document lisible et montrable.

Et ensuite ?

Comme je l’ai dit, écrire un jeu est un processus itératif. Vampyre: Ein weiterer Lied est loin d’être terminé puisqu’il faut le tester, encore et encore. Le relire, beaucoup le relire. Et surtout le compléter car il est très imparfait. C’est le premier jet, une base de travail. A ce titre, je lance une campagne de ce jeu d’ici la fin du mois de mai pour le tester intensivement.

Je vous invite, si vous le voulez bien, à me faire des retours sur le document et à le tester par vous même.

Je compte aussi appliquer cette méthode à Terres de Sang, qui est un de mes autres projets (mon projet principal à vrai dire). Or c’est un projet qui s’enlise, essentiellement par faute de méthodologie. Maintenant que j’en tiens une, je compte bien l’appliquer rétroactivement à tous mes autres ébauches de jeu !

Et vous, quelle méthode utilisez-vous ?

 

Par angeldust, il y a