[Terres de Sang] De la Spirale vers soi

Aujourd’hui c’est Théorie ! Voilà un bail que je n’en avais pas parlé sur ce site (2016 ?). On va donc doucement remettre le pied à l’étrier.

Le sujet du jour est ce que j’appelle la Spirale vers soi ou de la Convergence vers soi. C’est un « phénomène » qui est facilité / encadré par les règles de Terres de Sang et c’est pourquoi j’ai à coeur de vous en parler dans cet article.

Objectif

Montrer le phénomène de Spirale vers soi et l’illustrer avec les règles de Terres de Sang. Il ne s’agit pas de décrire une vérité absolue mais de mettre le doigt sur un phénomène que j’ai observé dans mes parties de JDR et plus particulière dans Terres de Sang.

Observation 1

Il existe une porosité entre le joueur et le personnage qu’il incarne.

Cela peut paraître une évidence mais j’ai l’impression qu’il est important de le rappeler: on met forcément de nous dans nos PJ. Même dans le cas le plus extrême où je suis amené à jouer un personnage très loin de mon domaine d’appréhension (genre une race alien au fin fond de l’univers), je vais être obligé, pour jouer ce personnage, de le ramener à quelque chose que je connais. Pas le choix puisque je ne peux pas connaître ce que je ne connais pas (logique hein !). Dans The Watch, par exemple, les joueurs sont inviter à jouer des femmes qui luttent contre une menace appelée « The Shadow » dans un univers médiéval low fantasy. Le truc dans ce jeu, c’est qu’on ne peut jouer que des femmes (ou presque) et qu’il y a un large de choix de genres (non binaire, fluide, cis, etc.). Du coup, lorsque je joue à ce jeu, bien que j’endosse le rôle de quelqu’un qui peut être radicalement différent de moi (une guerrière cis-genre), je ne peux qu’interpréter ce rôle à la lueur de ce que je comprends, de ce que je connais. Je me mets à la place de mon PJ et je ne peux que tenter d’approcher le personnage de part mon expérience propre. Éventuellement, le jeu peut m’aider à le faire, mais indéniablement, je jouerai ma propre interprétation d’un personnage.

On peut mettre sur une ligne deux points: un qui me représente et un qui représente mon PJ. La distance entre les deux points est le reflet la porosité entre moi et lui. Plus la distance est petite, plus mon PJ est proche de moi en tant qu’individu. On va garder ça pour plus tard 😉

Observation 2

Il y a des moments qui font diminuer la distance entre le joueur et le PJ.

Puisque nous jouons nos personnages à la lueur de notre expérience du monde que nous connaissons, les actes du PJ sont un reflet de notre personnalité. Notre implication émotionnelle dans la fiction, notre immersion, peut provoquer une diminution plus ou moins grande de la distance joueur/PJ. Une conséquence de ce rapprochement est le bleed (cf. article de Thomas Munier), ce phénomène qui fait qu’il y a transparence des émotions entre mon PJ et moi. En gros, je ressens la même chose que mon PJ ou mon PJ ressent la même chose que moi à un moment donné.

Ces moments de rapprochement sont souvent des temps forts dans la fiction. Par exemple, lorsque je suis mis sous pression dans la fiction (face à un choix cornélien par exemple), j’ai tendance à me replier sur mes réflexes, mes acquis personnels, sur mon sens de la morale, etc. Au final, c’est ma position en tant que joueur qui influe sur ce que mon personnage fait (cf article de Frédéric Sintes sur le narrativisme).

Si on reprend le graphe précédent et qu’on ajoute une ligne du temps (de partie ou dans la fiction), on peut représenter le rapprochement de moi et de mon PJ. Parfois, les deux points peuvent s’éloigner bien sûr, mais pour une meilleure compréhension, je ne vais montrer que des points qui se rapprochent. On peut relier les points et observer une convergence des deux courbes: c’est ce que j’appelle la Convergence vers soi.

Cette convergence est bien sûr continue au fil de la partie, ou de la campagne. Plus on joue longtemps, plus on « comprends » notre PJ, plus j’ai d’empathie pour lui, plus nous nous rapprochons.

Construire un système de convergence

Dans Terres de Sang, les règles encadrent ce phénomène de convergence et le transforme en une forme de Spirale vers soi.

1. Les Augures

Les Augures sont des signes du ciel laissés à l’interprétation des joueurs: au moment de la création des personnages, chaque joueur tire deux Augures pour son PJ. Il décrit ensuite en quoi ces Augures ont influencé la vie de son personnage.

Ainsi, avant même que le jeu ne commence, le joueur investie sa vision du monde dans son personnage.

2. Le cycle de narration

La narration dans Terres de Sang est cyclique. Les personnages, après avoir fait Naufrage, passent par des phases d’Exploration, d’Introspection, de Conflit et de Reconstruction. Lors de la phase de Conflit, le personnage se retrouve face à une épreuve morale. Les règles permettent de construite une phase de Conflit avec un impact maximum, à l’aide notamment des phases d’Exploration et d’Introspection qui investiguent la psychologie du PJ (et permettent donc de trouver un choix moral qui fait mal). Ainsi, le Conflit agit comme un temps fort de la fiction durant lequel le joueur doit se positionner moralement.

3. L’Ancrage et la phase de Reconstruction

Une des étapes de la création de personnage est le renseignement de l’Ancrage. L’Ancrage est un adage qui illustre la vision du monde du PJ et se termine toujours par « Ainsi va le monde« .  Par exemple, une phrase comme « Les forts doivent régner sur les faibles, ainsi va le monde » peut être l’Ancrage d’un personnage. Cette phrase définit la vision du monde du PJ.

Durant la phase de Conflit, cette vision est souvent mise à mal et le joueur s’est positionné moralement face à l’épreuve qui lui est soumise.

Durant la phase de Reconstruction (qui se déroule après la phase de Conflit), le joueur est invité à rayer son Ancrage et à en écrire un nouveau. Ceci acte sur le papier le positionnement moral que le joueur a adopté, transposé sur la vision du monde du PJ. Ainsi, la distance entre le joueur et le PJ diminue, sans possibilité de retour.

L’enchaînement des cycles de narration et du changement des Ancrages tend à rapprocher le joueur du PJ, comme si le PJ se trouvait dans une Spirale le menant à fusionner (si on est extrême) avec le joueur.

Le mot de la fin

Dans cet article, j’ai tenté de montrer le phénomène de Convergence vers soi, qui dans Terres de Sang peut aussi s’exprimer comme une Spirale vers soi. Est-ce que vous aussi vous observez ce genre de phénomène dans vos parties (quelque soit le jeu) ?

N’hésitez pas à venir discuter de ce phénomène sur les Courants Alternatifs. Merci à Valentin pour la mise en concept.


Un peu d’autopromo

Terres de Sang est disponible sur lulu.com pour 12€ ou en pdf à prix libre (7€ proposé).


 

[Terres de Sang] Compte rendu de partie – Le mystère des automates

Voici un compte rendu d’une partie de Terres de Sang par Arjuna sur les Courants Alternatifs. Cliquez ici !

La partie qui a été jouée est un peu particulière car Arjuna n’a eu en main que les aides de jeu. Il ne connaissait pas le jeu et je ne lui ai jamais fait joué non plus.

La conclusion est un peu mitigée, ce qui rend le compte rendu particulièrement intéressant et montre l’importance de la transmission d’un jeu !


 

[Hammer of Fate] Fin du « Puits aux Souhaits » + Tome 3 / Chapitre 3: La cité du Loup Blanc (1)

Suite aux CR du jeu de Mister T. (pas le gars avec la crête) qui se trouvent ici et ici, j’ai décidé de m’emparer de son travail et de l’adapter à notre campagne Hammer of Fate !

Pour rappel:
– Les PJ en ont vu des vertes et des pas mûres durant leur voyage. Ils arrivent enfin à destination. Les PJ sont:
— Solvein qui vient rejoindre son mari commerçant de parfum. Elle vient de perdre sa fille et en souffre beaucoup.
— Charlotte qui est envoyée par son père pour se marier à un noble de la cours du seigneur de Middenheim (localement appelé le Graf de Middenheim)
— Villequin qui est le majordome de Charlotte
— Elena qui est une mercenaire embauchée pour assurer la sécurité de Charlotte

Il y a déjà une dynamique de groupe qui est la suivante:
– Charlotte et Villequin sont proches (autant que leur statut le permet):
— Charlotte fait confiance à Villequin
— Villequin donnerait sa vie pour Charlotte
– Elena et Villequin sont amis:
— Elena compte sur Villequin pour protéger Charlotte là où elle ne peut pas aller (genre à la cour)
— Villequin compte sur la force brute d’Elena dans les situations dangereuses
– Charlotte et Solvein sont proches:
— Solvein voit en Charlotte une seconde fille
— Charlotte voit Solvein une noble qu’elle pourrait devenir si elle respectait les souhaits de son père, c’est à dire une femme au foyer modèle

Du coup, les Promesses entre PJ sont déjà presque fixées.

Ensuite, j’ai suivi le protocole de Valentin pour produire une préparation (un canevas). Les PNJ ont tous un objectif et divers liens qui les unis aux autres. Il y a des couples Bourreaux / Victimes, des gens qui font des mauvaises choses pour de bonnes raisons et des mauvaises choses pour de bonnes raisons. Pour info, ça m’a pris 1 heure pour faire le canevas et je pense pouvoir tenir 2/3 séances avec.

Pour info, la préparation se trouve ici. Joueurs, éloignez vous de ce lien !

J’ai ensuite laissé les PJ dans le canevas. Ils font ce qu’ils veulent. J’ai demandé à chaque joueur de trouver 1 promesse et 1 serment envers un ou plusieurs PNJ. Je lâche donc les PJ dans la cour du Graf. Ils déambulent et je ne fais que jouer les PNJ.

Dans la fiction:
– Villequin monte une école de domestique / réseau d’espion
– Solvein s’engouffre dans la nécromancie pour faire revenir sa fille
– Charlotte tente de vivre avec son nouveau mari
– Elena travaille pour la milice de la ville

A chaque fois, les PJ ont l’occasion de discuter avec des PNJ. On continue comme cela jusqu’à ce que tous les PJ aient 1 promesse et 1 serment. A la fin de la séance qu’on a joué, aucune promesse ni aucun serment n’ont été faits: cela veut simplement dire que les PJ veulent disposer de plus de temps pour explorer / rencontrer chaque PNJ. Et ça c’est cool !

La feuille de perso réalisée pour l’occasion se trouve ici.

Pour conclure:
– on a utilisé les bases du travail de Valentin et je l’ai transposé à notre campagne. Je me rends compte que son jeu est jouable en OS et en campagne sans soucis
– l’avantage de la méthode de Valentin c’est que cela donne un protocole pour faire un canevas très rapidement et très rentable en terme de temps de jeu
– un autre avantage est que le MJ n’a qu’à se soucier de jouer les PNJ à fond, et c’est tout !
– les PJ vont naturellement vers les PNJ, ce qui donne de très belles scènes de vie. Il ne s’y passe rien de très particulier mais on explore les caractères des personnages, leur personnalité, leur psyché.. C’est exactement comme cela que nous aimons jouer (auto-promo: Terres de Sang, c’est le bien et c’est en court de publication…).
– J’ai kiffé !

Vous pouvez suivre les échanges autour de cette préparation sur le forum des Courants Alternatifs !

A bientôt !


 

Par angeldust, il y a

Héros d’Argile: Construire l’Antagoniste

Au lieu de donner dans une aide de jeu indigeste des pistes pour construire le Vilain dans Héros d’Argile (le jeu moral de super héros que nous avons écrit pour le Game Chaf 2017), je vous propose de visionner ce super épisode de Lessons from the Screenplay !

La vidéo fait une dizaine de minutes et explique en quoi le Joker et le parfait antagoniste de Batman dans The Dark Knight. Sans le savoir, ce youtubeur m’a fourni la meilleure aide de jeu possible pour Héros d’Argile ! Attention toutefois car la vidéo spoile largement le film. Si vous ne l’avez pas encore vu, courrez immédiatement vous faire du bien aux yeux et au cerveau 🙂

Pour faire court, voici quelques pistes de réflexion proposées dans la vidéo:

  • Le Vilain est exceptionnellement doué pour attaquer les points faibles du Héros;
    • « A protagonist and his [her] story can be only as intellectually fascinating and emotionally compelling as the forces of antagonism make them.« 
  • Le Vilain oblige le Héros a faire des choix difficiles;
    • (Bon là, c’est le coeur de la mécanique de notre jeu !)
    • « True character is revealed in the choice the human being makes makes under pressure – the greater the pressure, the deeper the revelation, the truer the choice to the character’s essential nature. »
  • Le Vilain et le Héros ont un but en commun;
    • « It is only by competing for the same goal that the hero and the opponent are forced to come into direct conflict and to do so again and again throughout the story.« 

Allez, plus d’excuses ! Enfilez vos collants et votre cape 🙂

Par angeldust, il y a